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19 août 2015 3 19 /08 /août /2015 10:34

~~Fondamentalement : RENONCER.

Lorsque Planck a dû intégrer formellement, dans son équation de la densité d’énergie du rayonnement du corps noir, que l’échange d’énergie entre le rayonnement et la matière du corps noir se faisait par valeur discrète, il l’a fait par nécessité mais sans renoncer pour autant à dépasser a postériori cette discontinuité des échanges d’énergie. Par nécessité parce que la courbe représentant la variation de la densité d’énergie en fonction de la fréquence du rayonnement était expérimentalement bien connue. Et à la suite de bien des tâtonnements (les siens et ceux de ses contemporains), il a fini par constater que l’adéquation était obtenue lorsqu’il prenait en compte ce concept de la discontinuité de l’échange. Rappelons, parce que c’est essentiel, pour Planck c’était du provisoire car la continuité classique des échanges entre les différents éléments de la nature était définitivement établie et incontournable.

En conséquence cette conception des échanges d’énergie par quantum n’a pas été pensée a priori et n’était pas pensable a postériori par son découvreur. Malgré la signification physique apportée par Einstein en 1905 : E = hν, la certitude de Planck, que l’explication aux moyens de la physique classique s’imposera, continua d’habiter son esprit.

Une loi aussi fondamentale n’a donc pas été pensée et par ricochet cela a conduit au développement à l’aveugle de certains domaines de cette nouvelle physique parce que la loi de Planck est remarquablement exacte quand on se référe aux résultats expérimentaux. Tous les raisonnements qui obtiennent après coup de retrouver cette loi, d’un point de vue formel, sont validés, sans qu’ils soient pour autant a priori franchement cogités. La conception empirique s’impose. Il en est ainsi des propositions de Satyendranath Bose et partant de la statistique de Bose-Einstein et de son reflet fermionique : la statistique de Fermi-Dirac.

Empiriquement, des valeurs discrètes se sont aussi imposées en physique atomique pour rendre compte ce qui était observé à propos du rayonnement atomique, par exemple à propos des atomes hydrogénoïdes avec la formule de Balmer. La mécanique de Bohr-Sommerfeld postule que pour rendre compte des différentes longueurs d’onde des rayonnements émis il faut admettre que les électrons constitutifs de ces atomes orbitent en suivant des trajectoires qui ne peuvent être que spatialement distinctes. En faisant appel à la mécanique ondulatoire, ils déterminent que la dimension des orbites doit coïncider avec un nombre entier de longueurs d’onde.

De 1900, avec Planck, à la fin des années 1910, des observations accumulées concernant l’échelle atomique ont obligé les physiciens à admettre que les phénomènes observés pouvaient être intelligibles si, et seulement si, on acceptait l’idée qu’à cette échelle, les interactions, les échanges, entre matière et rayonnement ne pouvaient se faire qu’aux moyens, d’interactions, d’échanges, qui mettaient en évidence de valeurs discrètes qui sont les observables des grandeurs physiques en jeu.

« Ont obligé les physiciens à admettre… », est euphémique car très peu ne pouvaient admettre cette obligation (voir article du 06/08). Leurs références étant celles de la physique classique qui révélait continument une adéquation acceptable entre ce qui était pensé et ce qui était directement observé. Toutes les tentatives de ces physiciens de rétablir l’entendement réaliste classique pour rendre compte des propriétés physiques à l’échelle atomique échouèrent. Cet échec pouvait conduire à des tourments d’ordre déontologique comme le confiait H. A. Lorentz qui, dans son université, un jour de la semaine enseignait en amphi qu’en physique à l’échelle classique un électron sur une trajectoire circulaire rayonnait de l’énergie et donc la courbure de sa trajectoire sans cesse se modifiait et était donc de type spirale et l’autre jour de la semaine il enseignait que l’électron sur une orbite atomique ne rayonnait aucune énergie et en conséquence suivait une trajectoire stable.

Les fondateurs de la mécanique quantique ont donc postulé qu’il fallait renoncer, à vouloir rendre compte d’une façon classique de ces propriétés lorsque l’on changeait d’échelle et renoncer à expliquer le pourquoi et le comment de cette transition. Le nouveau paradigme de la physique postule que la base du savoir à l’échelle quantique, c’est l’acceptation (sans arrière-pensée) des valeurs discrètes des grandeurs physiques relatives à l’échelle atomique et en deçà qui sont observées aux moyens des instruments de mesure (qui ne peuvent être que de dimension classique). Alors, de cette acceptation, il peut être édifié un savoir des propriétés quantiques, bien qu’elles ne soient pas a priori intuitives.

En 1935, l’article EPR indique avec force l’extraordinaire inertie intellectuelle d’Einstein et de ses nombreux collègues vis-à-vis de la mécanique quantique et rappelle que selon lui, la bonne pensée du physicien est celle qui révèle une réalité… classique : « Dans une théorie complète, il existe un élément correspondant à chaque élément de réalité. », et à toute quantité physique mesurée correspond un élément de réalité qui lui est attaché.

Entrer dans l’acceptation de la description quantique du monde de l’infiniment petit, implique un renoncement, renoncer à pouvoir penser : c’est ainsi parce que je conçois… c’est ainsi parce qu’elle est… par : c’est ainsi parce que la nature me donne à observer… c’est ainsi parce que la nature nous apparaît... L’obligation de ‘Renoncer’ est de fait une contrainte incommensurable car il n’est pas dans notre nature de ‘sujet pensant’ d’être intellectuellement muet vis-à-vis de ce que nous observons et spontanément nous ne pouvons pas penser quantique. ‘Renoncer’, est une contrainte permanente qui doit sans cesse nous accompagner car naturellement dans notre quête de compréhension des propriétés physiques quantiques, c’est toujours en fonction de nos déterminations propres que nous cogitons. Il y a donc un apprentissage, une discipline, qui doit s’imposer et qui est extrêmement contraignante. C’est ce qu’exprimait très explicitement Freeman Dyson en 1958 (collègue éminent de Feynmann, dans le domaine de l’émergence de la théorie de l’électrodynamique quantique) : « Il ne s’agit pas de comprendre la mécanique quantique, mais sauter le pas : accepter l’idée qu’il n’y a rien à comprendre (sic), et apprendre à se servir du formalisme mathématique pour trouver des résultats en accord avec les faits expérimentaux. » et il ajoutait : « Qu’avec le temps, les étudiants acceptent avec une résistance décroissante d’être brisés (sic) pour consentir cette attitude. » Ainsi, comme le dit abruptement F. Dyson, renoncer à vouloir comprendre les postulats fondamentaux de la mécanique quantique, n’est pas naturel pour le ‘sujet pensant’. Ce renoncement ne peut s’estomper, ni être contourné, il est présent à tout instant quand nous investissons les propriétés de la physique quantique, il est une marque de notre investissement intellectuel et en conséquence nous ne pouvons pas être neutre, et encore moins transparent. Ceci constitue donc un des éléments de ma conception qu’on ne peut que : ‘Faire de la physique (qu’) en ‘Présence’’.

Depuis la fondation de la mécanique quantique, cette science a pris son envol et quel envol ! Presque tous les domaines de la connaissance ont été touchés, pas uniquement la physique. Restons dans le domaine de la physique et si nous essayons d’énumérer toutes les applications qui en ont résulté : c’est phénoménal. Ce qui est remarquable c’est que les propositions et les postulats des fondateurs de la mécanique quantique c’est-à-dire les représentants de l’Ecole de Copenhague, n’ont jamais été contredits et ils ont été plutôt confirmés. Le 01/12/2014, les résultats, d’une expérience enfin réalisable et inspirée d’une expérience de pensée qui résultait de la confrontation, une fois de plus, dans les années 1930, entre la conception d’A. Einstein à celle de N. Bohr, ont été publiés. C’est la conception et les conclusions de N. Bohr qui ont été à nouveau confirmées. Cela n’interdit pas de penser que cela ne sera pas toujours ainsi, ou même que cela sera dépassé.

Depuis, et notamment depuis les années 1980, ont émergé des tentatives d’interprétations. Certaines comme celle d’Everett (années 50) visent à offrir une explication au problème de la réduction de la fonction d’onde au moment de la mesure. Cette interprétation ne contredit en rien les postulats de l’Ecole de Copenhague mais propose une extrapolation qui n’est pas choquante. Toutefois, présentement, elle est totalement invérifiable.

On pourrait citer aussi l’interprétation des histoires cohérentes de D. Griffiths, l’interprétation relationnelle, l’interprétation informationnelle, etc… et il y en aura d’autres. Aucune des interprétations mettant en cause les fondements originaux de la mécanique quantique ne peut être acceptée. Ce qui sera acceptable sera la théorie qui les dépassera sans les annuler. Ne doutons pas que cela finira par se produire. Nous devons toujours avoir présent à l’esprit que les critères fondamentaux qui prévalent à la compréhension de la mécanique quantique, sont des critères qui sont (encore) en dehors de nos facultés naturelles de jugement scientifique. A défaut de pouvoir les intérioriser en tant que tels, il faut réinitialiser à chaque fois que cela est nécessaire notre acceptation au renoncement, vérifier que notre discipline intellectuelle à l’égard de cette discipline est intact. Ainsi, il ne faut jamais substituer : « telle qu’elle nous apparaît » par : « telle qu’elle est ». Si je prends cet exemple ce n’est pas par hasard car c’est l’exemple le plus explicite de notre intention naturelle d’atténuer voire d’oublier le critère qui nous dicte comment : penser correctement quantique. Cette dérive nous la rencontrons régulièrement lorsqu’un physicien nous affirme qu’il peut rendre compte, partiellement ou complètement, d’une description du monde, donc d’une réalité, quantique (sic).

J’ai précisé ci-dessus entre parenthèses : encore. Cet encore indique qu’il faut accepter l’idée que le sujet pensant évolue et évoluera et qu’ainsi : ‘penser quantique’ pourra devenir progressivement, quelque peu, plus naturel. Personne ne saurait dire, encore : combien de générations (2, 3 ou 1 ou 10 ?), mais en effet on peut être assuré que cette conquête intellectuelle en marche doit avoir en retour une influence sur notre culture scientifique collective et partant induire une intelligibilité de plus en plus affûtée de ce qui est de l’ordre du quantique. Au sens propre du terme, notre bagage intellectuel s’enrichit et la pratique du raisonnement propre à la mécanique quantique dans des domaines de plus en plus variés ne peut que progressivement nous accoutumer et rendre plus naturel une pensée quantique. (Ainsi on peut considérer que la violence Dysonesque appartient à jamais à l’histoire de l’enseignement de la physique car les nouvelles générations sont plus imprégnées de culture spécifiquement quantique). Dans ce nouveau contexte les postulats de la mécanique quantique de ‘l’école de Copenhague’ finiront par être dénoués et deviendront directement intelligibles.

Cet optimisme peut être encore enrichi par le fait que nous continuerons d’acquérir une connaissance de plus en plus pertinente de l’organisation et du fonctionnement de notre cerveau ce qui favorisera une meilleure compréhension des modalités de la perception et du décryptage du monde qui nous est extérieur qu’elle que soit l’échelle à laquelle nous le scrutons. Dans ce but, j’ai déjà proposé des expériences qui permettraient d’accroître cette compréhension, qui à mon avis n’aurait pas un protocole plus compliqué que celui de l’expérience dont les résultats ont été publiés le 22/07 dans ‘Current Biology’ et commentés le 10/08, dans Techno-Sciences : « Une avancée dans la compréhension des origines du langage’. C’est l’équipe de S. Dehaene qui est responsable de ce résultat.

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