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29 mars 2016 2 29 /03 /mars /2016 15:06

Petit dialogue sur le sujet des ondes gravitationnelles : prolongations.

Petit dialogue :

Question posée le 18/03 sur le site de Samir Amoun :

Avec l’annonce de la détection d’une onde gravitationnelle, nous lisons dans les articles que les ondes gravitationnelles engendrent des ondes de (dans) l’espace-temps. N’y a-t-il pas là une contradiction car la prédiction des ondes gravitationnelles résulte de la loi de la relativité générale. La R.G. est fondée sur la propriété fondamentale de la covariance que l’on appelle encore invariance par difféomorphisme. Cette propriété met en évidence une invariance de fond (A. Barrau), que l’on peut interpréter encore comme un principe d’indifférence (Th. Damour). Finalement cette invariance conduit à annuler effectivement l’hypothèse de l’existence de l’espace-temps. Comment expliquer ce hiatus ?

Réponse donnée sur le site le 20/03 :

  • SMC Quantum Physics Dit:

20th March 2016 at 9:43 pm

Cher Philip Maulion,

Ceci est un sujet qui se trouve au cœur de la gravité quantique. Comme vous le dites, « l'invariance par difféomorphisme » conduit à la conclusion que le champ métrique à partir duquel nous définissons la relativité générale ne correspond pas lui-même à un objet physique (voir "hole argument" et "manifold sustantialism"). Au contraire, l'espace-temps est identifié avec le champ gravitationnel (c.a.d. avec le champ dynamique). Cette interprétation est à la base de la gravité quantique à boucles. Un exposé complet se trouve dans le livre de Carlo Rovelli "Quantum Gravity" (section 2.3.2 ‘la disparition de l’espace-temps’). Néanmoins l'espace-temps est toujours bien présent dans la théorie, sous cette nouvelle forme dynamique, qu'ici nous appelons le "métabolisme" de l'espace-temps. Ainsi donc, pour répondre à votre question: ce qu'on appelle l'espace-temps et le champ gravitationnel sont ultimement la même chose. Puisque que c’est un objet dynamique, ce n'est pas très étonnant qu'il contienne des oscillations qui se propagent dans sa structure.

Prolongations :

La réponse vise à préserver coûte que coûte, au prix de ce que je considère être une série de contorsions, l’originalité essentielle de la relativité générale qui « façonne elle-même la scène sur laquelle elle se joue » On comprend l’intérêt et l’obligation pour les fondateurs de la gravité quantique à boucles de préserver le pureté fondamentale de la pensée einsteinienne mais il ne faut pas oublier qu’en tant que réaliste Einstein a attribué en relativité à l’espace-temps un statut presque matériel. Ce qu’Einstein ne réussit pas finalement à prouver. Enfin pour accréditer l’idée que les arguments proposés de la réponse puissent être matière à controverse je cite J.M. Lachièze-Rey : « Un champ physique, quelle que soit sa nature, est défini sur l’espace-temps. », p.29, dans : ‘la nature de l’espace et du temps’, présentation du débat sur ce sujet entre Hawking et Penrose, 1997.

En premier lieu, il est incontestable que la courbure de l’espace-temps observée, via par exemple la déflexion de la lumière, est la manifestation observée de l’action du champ gravitationnelle généré par le (les) objet(s) massif(s) dans le voisinage de la déflexion constatée. Quand à cette occasion on décrit la courbure de l’espace-temps c’est exactement comme si on décrivait l’action du champ gravitationnel sur l’espace-temps avec les valeurs qui le caractérise. A ce niveau, c’est-à-dire en amont de la réponse qui est proposée ci-dessus il y a accord, bien que j’évoque plutôt l’action du champ gravitationnelle. Cf : Th. Damour, : « Le mouvement gravitationnel n’est plus décrit comme étant dû à une force, mais est identifié au mouvement « le plus inertiel possible » dans un espace-temps dont la chrono-géométrie est déformée en présence d’une distribution de matière-énergie. » Ou encore : « L’espace-temps est devenu, en 1915, un « champ » physique (identifié au champ gravitationnel), c’est-à-dire une entité dynamique influencée par et influençant la distribution de matière-énergie qu’il contient. »

A ce stade de la réflexion, il est communément admis que si on pense en terme de champ gravitationnelle, cela estompe, jusqu’à effacer : penser en terme d’espace-temps. Cela est expressément signifier dans la réponse ci-dessus : Au contraire, l'espace-temps est identifié avec le champ gravitationnel (c.a.d. avec le champ dynamique). Le point de vue des réalistes est que la primauté de la réalité est attachée au champ gravitationnel, et l’espace-temps n’en est qu’un succédané, un aspect, auquel on fait référence par commodité. L’idée d’engendrement exprimée par Th. Damour (conférence en 2000) renforce à son paroxysme cette conception : « La théorie d’Einstein affirme donc que la chrono-géométrie de l’espace-temps est un « champ » modifié par la présence de masse-énergie. Dans ce « champ chrono-géométrique de l’espace-temps engendré par la présence de masse énergie… » Citons encore : J. M. Lachièze-Rey, dans ‘Au-delà de l’espace et du temps’, édit. Le Pommier, 2003, p117 : « Dans la pratique, par commodité (sic), on choisit tout de même de l’exprimer (la covariance) dans un certain espace-temps, mais ce choix est arbitraire. Cette possibilité de déplacements arbitraires fait finalement perdre aux points toute réalité, toute importance. Les seules choses qui comptent, ce sont les valeurs des grandeurs transportées, comme les tenseurs de courbure. Peu importe le point auquel elles sont attachées. » Le prolongement logique de cette assertion est proposée par A. Barrau, dans ‘Big Bang et Au-delà’, Dunod 20015, p77 : « Le cœur de la théorie d’Einstein, c’est l’invariance de fond : le fait qu’il n’existe plus aucune structure « figée » dans l’univers, le fait que tout est dynamique et en interaction, le fait que l’espace-temps est un champ comme un autre régi par des lois d’évolution. Cette idée un peu vague (sic) admet une traduction mathématique très rigoureuse que l’on nomme l’invariance par difféomorphisme. »

Etant donné tout ce qui précède, il est difficile d’adhérer passivement à l’affirmation ci-jointe dans la réponse donnée : « Ainsi donc, pour répondre à votre question : ce qu'on appelle l'espace-temps et le champ gravitationnel sont ultimement la même chose. »

Tout ce qui est dit ci-dessus se réfère à l’échelle classique dans la mesure où aucune contrainte quantique n’est présupposée. Le passage à l’échelle quantique, notamment avec la gravité quantique à boucles, impose pour qu’il y ait validation que la contrainte de la covariance (autrement dit, l’invariance par difféomorphisme) soit strictement respectée.

Selon C. Rovelli, il est difficile de considérer que l’espace-temps est, dixi Barrau: un champ comme un autre. Dans son livre ‘Par-delà le visible’ O. Jacob, (janvier 2015), P162 : « En un certain sens, l’espace n’existe plus dans la théorie fondamentale : les quanta du champ gravitationnel ne sont pas dans l’espace. De la même façon, le temps dans la théorie fondamentale n’existe plus : les quanta de gravité n’évoluent pas dans le temps. C’est le temps qui naît comme conséquence de leurs interactions. Le temps doit émerger, comme l’espace, du champ gravitationnel quantique. » Au niveau quantique se trouve donc réaffirmé la primauté du champ gravitationnel. P. 168, finalement, « Le monde que décrit la théorie est loin de celui qui nous est familier. Il n’y a plus d’espace qui « contient » le monde ni le temps au « cours duquel » se produisent les faits, mais des processus élémentaires où des quanta d’espace et de matière interagissent sans arrêt. »… P169, « Ce processus ne se produit pas dans le temps, de même que les grains d’espace ne sont pas dans l’espace. Le processus est en soi le déroulement du temps, de même que les quanta de gravité ne sont pas dans l’espace, étant eux-mêmes l’espace. »

In fine, p177 : « Les particules sont des quanta de champs quantiques ; la lumière est formée des quanta d’un champ ; l’espace n’est qu’un champ (ici, posons-nous la question : engendré ou pas ? : réalité par lui-même ou pas ?) lui aussi quantique ; et le temps naît à partir des processus de ce même champ. Autrement dit, le monde est entièrement fait de champs quantiques.

Ces champs ne vivent pas dans l’espace-temps ; ils vivent, pour ainsi dire, les uns sur les autres : des champs sur des champs (sic). L’espace et le temps que nous percevons à grande échelle sont l’image floue et approchée d’un de ces champs quantiques : le champ gravitationnel.

Les champs qui vivent sur eux-mêmes, sans besoin d’un espace-temps pour leur servir de substrat, et capables d’engendrer eux-mêmes l’espace-temps, sont appelés champs quantiques covariants. La substance dont le monde est fait s’est radicalement simplifiée ces dernières années. Le monde, les particules, l’énergie, l’espace et le temps ne sont que la manifestation d’un seul genre d’entité : les champs quantiques covariants. »

N’oublions pas que la gravité quantique à boucles n’est obtenue que par la quantification de l’espace et du temps, et de là il est prétendu que quantification de l’espace-temps = quantification de la gravité. P153 : « L’espace est le champ gravitationnel et les quanta du champ gravitationnel seront des quanta d’espace : les constituants granulaires de l’espace. » De ce résultat, il s’avère que l’espace et le temps sont seuls vraiment saisissables, par le sujet pensant, et traitables si on croit à cette théorie. En conséquence on peut s’étonner que le sujet pensant mathématicien minore à ce point le substrat qui anime sa pensée. Il la minore au point de postuler qu’elle n’a pas de réalité physique propre.

Dans le livre déjà cité d’A. Barrau, on peut lire, p122 : « Si ce modèle était correct, il s’agirait bien sûr d’une immense révolution. Il ne décrit pas le mouvement ou la composition d’objets se trouvant dans l’espace et le temps mais de l’espace et du temps eux-mêmes. L’Univers y apparaît alors comme une collection de champs quantiques en interaction. Il n’y aurait plus aucune « métastructure » sur laquelle ces champs se déploieraient. Aujourd’hui, la dynamique de cet espace-temps quantique, granulaire, commence à être bien comprise grâce à plusieurs approches complémentaires. Vraie ou fausse, le fait est que la théorie réussit le tour de force consistant à concilier les éléments fondateurs de la relativité d’Einstein d’une part et de la mécanique quantique d’autre part. »

On peut considérer que j’ai pesamment cité C. Rovelli mais il m’a semblé nécessaire de procéder ainsi parce qu’il y a mon sens de bonnes raisons de s’interroger. Ainsi dans cette assertion : « Les champs qui vivent sur eux-mêmes, sans besoin d’un espace-temps pour leur servir de substrat, et capables d’engendrer eux-mêmes l’espace-temps… », il y a donc matière à réflexion.

Maintenant atterrissons :

Atterrissons aux US, où récemment pour la première fois une onde gravitationnelle a été détectée. C’est une onde qui a modifié la position spatiale de chacun des miroirs des interféromètres à des instants très légèrement différents. Cette onde aurait été émise par le mouvement très rapide de deux trous noirs qui auraient finalement fusionné et en conséquence à cause de cette variation brusque et locale, de la distribution de masse-énergie ils auraient provoqué un ébranlement se propageant à la vitesse C : onde de déformation de l’espace-temps qui se propage dans l’espace-temps, selon Th. Damour, qui de plus rappelle : « A cause de l’identité entre le champ espace-temps et le champ gravitationnel ces ondes s’appellent aussi « ondes gravitationnelles ». F. Combes est moins précise : « Les ondes EM se propagent dans l’espace. Les ondes gravitationnelles : c’est l’espace qui se déforme. » Voir son dernier cours 2016 du Collège de France.

L’équation de propagation de cette onde gravitationnelle s’inscrit formellement dans l’espace et le temps de l’observateur et produit son effet sur les détecteurs dans ce cadre. Certes au cours de sa propagation à la vitesse C, c’est spécifiquement l’espace qui a ondulé à partir de la région d’émission jusqu’au lieu de réception pendant une durée de l’ordre de 1,2 milliard d’année. C’est donc l’espace-temps qui est le contexte formel pour rendre compte de l’évolution de cette onde. Cf. Th. Damour, p297 : « Nous avons discuté ici de la propagation d’une onde gravitationnelle dans un espace-temps de fond décrit par la métrique de Minkowski. On peut aussi considérer la propagation d’une onde dans un espace-temps de fond courbe, c’est-à-dire étudier les solutions d’Einstein… »

C’est avec la RG et ceci dès les prémices de sa fondation qu’il a été affirmé avec force que l’espace et le temps n’avaient pas de raison d’être… par lui-même. Ces prémices comprennent aussi la nécessité d’annuler toute idée de présence d’’être pensant’ pour être assuré d’atteindre l’os de la réalité du monde. Dans tout le parcours proposé ci-dessus dans l’article on constate que le sujet pensant qu’il soit physicien, mathématicien, observateur, doit toujours faire appel à l’espace-temps pour penser et relater les conséquences et les phénomènes reliés à la RG.

Est-ce que de fait cette inexpugnabilité de l’espace-temps signifie une même inexpugnabilité de ‘l’être pensant’ ? La réponse est oui, cela est mon hypothèse. Avec ces exemples, il est difficile de continuer à postuler que la science physique est une science objective dans la mesure où tout ce qui pourrait constituer des éléments de subjectivité serait exclu. Ainsi il serait possible de décrire le monde tel qu’il est objectivement, tel qu’il est réellement. Mon hypothèse est que le ‘sujet pensant’, qui n’est pas nu de toute contribution lorsqu’il décrypte et met en évidence une loi de la Nature : article du 21/12/2011, est dans la réalité du discours développé par les physiciens. Ainsi, il serait plus juste de penser que nous atteignons des vérités consistantes aussi représentatives de ce que nous sommes capables de penser, au moment où elles ont ce statut, en considérant qu’elles évolueront vers plus de justesse au fur et à mesure que la pensée humaine sera en mesure d’évoluer et de scruter plus en avant. Il est possible de considérer que les physiciens (non exclusivement) constituent une avant-garde qui contribue à la dynamique de l’évolution de la pensée humaine.

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