ICHEP 2016 à Chicago
Dès le premier jour des conférences ICHEP (International Conferences of High Energie Physics) du 5 au 10 Août à Chicago, il a été communiqué que le possible boson de 750 Gev peut-être entr’aperçu dans une annonce mi-décembre 2015, définitivement n’est pas. Les observations précaires de l’an passé, n’étaient que des fluctuations statistiques. Les physiciens du Cern n’avaient pas exclu cette situation à cause de la faiblesse du nombre d’événements obtenus collecté tout autant dans CMS et Atlas (mais effectivement cette conjonction pouvait faire sens).
Cela n’avait pas empêché, depuis, que plus de 500 publications soient proposées sur arXiv, publications empressées de valider théoriquement ce nouveau boson ou pour exposer quels étaient les nouveaux modèles théoriques que cela mettaient en évidence. On ne peut pas s’empêcher de penser, légitimement, que les physiciens théoriciens ont, depuis un certain temps, peu ou plus de grain à moudre. Déjà avec la découverte du boson de Higgs, il y avait eu une déconvenue très importante car cette découverte, avec les paramètres de cet objet identifiés, n’offrait aucune ouverture vers des sentiers nouveaux de recherche ou de conjectures, bien au contraire, le boson de Higgs observé, est tellement conforme au modèle standard qu’il scelle celui-ci.
Le 8/11/2011, j’ai proposé un article : « Qui se permettra de le dire ? », j’invite à le relire. En effet, j’exprime un point de vue très critique à l’égard de la théorie quantique des champs (TQC) car la boite à outils théorique qui a contribué à la fondation du modèle standard des particules élémentaires n’est qu’un mille feuilles de couches d’hypothèses empiriques. Cet empirisme, ce pragmatisme, peut se justifier mais il devient un inconvénient lorsque ce processus est oublié. Il me semble que nous sommes pris dans le marasme provoqué par cet oubli. Les 500 publications et plus, qui en quelques semaines ont proposé d’expliquer cet événement chimère est symptomatique de l’impasse dans laquelle se trouve la physique théorique des particules élémentaires.
A l’ICHEP, il a aussi été confirmé, une fois de plus, qu’il n’y a aucun indice de détection de particules supersymétriques. La supersymétrie (SUSY) est une hypothèse, qui date, et qui doit être comprise comme une extension du Modèle Standard, et l’absence d’indice non seulement cela fragilise l’hypothèse de la matière noire (voir article du 29/07), mais cela met en évidence que ce modèle standard n’a plus de valeur prédictive si ce n’est vers des voies erronées.
J’ai, aussi, toujours considéré qu’il était erroné de vouloir insérer les propriétés physiques apparentes des neutrinos dans le cadre de la physique propre au Modèle Standard alors que celles-ci bien interprétées pourraient nous ouvrir des voies d’analyses en dehors de ce carcan. Déjà commencer à considérer que leur masse pourrait être d’une autre nature que la masse d’inertie habituellement attribuée, constitue à mes yeux un début. Il faut penser avec insistance que la physique des neutrinos analysée sans a priori puisse offrir la possibilité de découvrir de nouveaux paradigmes.
Dès l’obligation de la renormalisation proposée par la TQC pour résoudre les termes divergents en électrodynamique quantique, il aurait fallu considérer que cette TQC n’était qu’une théorie effective et pas plus. C’est une autre logique qui s’est imposée caractérisée par une dynamique de la production du résultat, peut-être qu’aussi à cette époque s’est imposé le fameux : ‘Ne pense pas et calcule’, mais ce qui est certain c’est que le critère de la production de publications en nombre est devenu ‘Le’ critère de la reconnaissance d’une carrière scientifique au détriment de toutes autres considérations.
Dans ce contexte, on doit considérer que les excès constatés et provoqués par un évènement parfaitement chimère sont une illustration de dérives qui doivent impérativement refluer. Il y aussi une autre conception de la démarche scientifique qui est à l’œuvre et qu’il faudrait réfréner, c’est celle qui s’appuie sur l’idée que ce que l’on ne pense pas, finira toujours par se faire voir. En effet cette croyance est à l’œuvre car il est vrai que l’on est à même de fabriquer des instruments d’observation de plus en plus pointus, de plus en plus sophistiqués, et cela induit une forme de paresse intellectuelle collective sinon une erreur épistémologique fondamentale car il est dans ce cas a priori supposé que d’une manière ou d’une autre la Nature se laissera voir. C’est donc avec beaucoup d’inquiétude et de déception que j’ai découvert l’article du début janvier de cette année de Fabiola Gianetti Directrice générale du CERN : « Si une nouvelle physique est là, nous pouvons la découvrir, mais c’est entre les mains de la nature. » ; « If new physisics is there we can discover it, but it is in the hands of nature. » J’ai réagi a une telle affirmation, de mon point de vue, absurde et erronée en un article le 16/01 : « Et si notre pensée était mal placée ! » et j’avais indiqué que l’avenir de la compréhension de nouvelles lois régissant la nature, telles qu’elles nous apparaissent, n’est pas évidemment dans les mains de la nature mais dans le cerveau des physiciens.
Sur le site de Futura-Sciences, le 09/08/2016, Laurent Sacco a publié un article que je vous conseille de lire, intitulé : « Le LHC est triste : il n'y a pas de nouveau boson, mais y a-t-il un multivers ? ». Je pourrais partager cette interrogation si elle nous conduit à considérer d’une façon équivalente : « C’est l’univers de notre pensée scientifique qui est limité et un déploiement de celle-ci conduira à une extension de la compréhension de notre univers actuel qui intègrera ce que L. Sacco identifie comme le multivers. Ce processus d’intégration ne s’arrêtera pas pour autant à ce niveau et d’autres évidences de multivers viendront enrichir notre univers. »
Je vous joins quelques citations de l’article en question qui retiennent mon attention :
« Cependant, je reste optimiste devant les possibilités de découverte dans la physique des neutrinos (sic), bien que peut-être pas en premier au LHC. Nous ne savons toujours pas quelle est leur nature réelle, de Majorana ou de Dirac ? Comment expliquer de façon satisfaisante leur masse (sic), sachant que le mécanisme de Brout-Englert-Higgs, qui est possible pour les autres particules du modèle standard, est plus difficile à mettre en œuvre de façon satisfaisante pour les neutrinos ? Et même au LHC, nous ne sommes pas à l’abri de surprises, cette fois positives ! »
« Avant, les théoriciens avaient de bonnes raisons de prendre les signaux détectés au sérieux et on peut comprendre leur impatience à exorciser le cauchemar de l’hypothèse du désert. Mais après Moriond (en février 2016), ils auraient dû se modérer fortement alors que près de 400 articles ont été publiés. Même si un certain nombre avaient une réelle valeur ajoutée scientifiquement parlant, beaucoup étaient finalement assez artificiels. Sociologiquement, il semble probable que certains ont cédé à la tentation de faire grimper leur nombre de publications et de citations, sous la pression de plus en plus grande de la part des organismes financeurs (sic). Malheureusement, la science en pâtit (sic). »