Physique théorique : La nouvelle physique de l’empereur.
Tel est le titre du nouveau livre que vient de publier Roger Penrose et qui est le sujet d’un article critique du 6/10, dans la revue ‘Nature’, signé Richard Dawid. Cet article se concentre sur la critique de Penrose pour ce qui est de : la mécanique quantique, la théorie des cordes et l’inflation en cosmologie. Le sous-titre précise la triade de qualificatifs que son jugement attribue à ces domaines de la connaissance en physique : Mode, Foi, et Fantaisie dans la Nouvelle physique de l’Univers. Comparativement aux nombreux livres publiés par R. Penrose (toujours passionnants) on peut donc considérer a priori qu’il n’y a pas vraiment des idées nouvelles dans celui-ci, si ce n’est des accents plus prononcés dans un sens ou dans un autre qui justifieraient la publication d’un nouveau livre.
R. Penrose affirme que des théories même bien confirmées comme la mécanique quantique, sont ‘surestimées’ au regard de leur stabilité conceptuelle présumée. La physique quantique connaît un impressionnant record de succès prédictif, de la chimie quantique à la physique des particules élémentaires. Mais selon l’auteur elle est confrontée à un profond problème conceptuel. Tandis que la mécanique quantique a une consistance interne parfaite quand elle décrit un système qui évolue sans qu’il soit mesuré, la façon par laquelle elle rend compte de l’action de la mesure n’est pas justifiée d’une façon cohérente dans la description. Pour Penrose, ceci indique que les principes fondamentaux de la mécanique quantique n’ont pas été mis correctement en évidence et ceci est à relier avec l’impossible intégration de la théorie de la gravité au cœur du corpus la physique quantique. Il prétend que les succès de la mécanique quantique tendent à rendre les physiciens insensibles aux problèmes conceptuels de la théorie et génèrent un degré de confiance injustifié en ses principes basiques comme si les fondations étaient solides.
Rien de nouveau avec cette critique, qui est en partie justifiée, c’est ce qu’on appelle le problème de la mesure ou le problème de la réduction de fonction d’onde. Ce qui est insupportable pour l’auteur ce sont les postulats ou les principes énoncés par l’école de Copenhague qui interdisent de fait une conception réaliste de la Nature à l’échelle quantique. En effet N. Bohr, W. Heisenberg et les autres nous disent in fine : …telle que les lois, les propriétés de la Nature nous apparaissent. Il est un fait que depuis un peu plus d’un siècle nous n’avons pas pu franchir une barrière de compréhension et d’explication causale ce qui nous oblige à nous référer à des principes voire des postulats. On peut comprendre que des réalistes comme Penrose n’acceptent pas de ne pas pouvoir remonter plus en amont de la chaîne de causalité qui lui semble donc tronquée. Pour lui, il doit y avoir une cause fondamentale qui soit à l’œuvre et qui une fois débusquée, le recours au principe, au postulat, n’auront plus de raison d’être et la mécanique quantique sera explicable dans le paysage d’un monde réel.
Cette frustration tenace qu’exprime Penrose et qui était celle d’Einstein en son temps, est due pour l’essentiel au refus d’entendre, d’accepter, dans les énoncés de l’école de Copenhague le verbe : apparaître.
Etant donnée cette frustration, je propose : patience ! Tant que nous ne saurons pas penser quantique, nous ne progresserons pas. Or, cette situation n’est pas définitive ! Déjà on peut mesurer que la physique quantique est moins absconse qu’elle le fut dans ses débuts et dans les années 1950. Son enseignement de plus grande qualité et la manipulation d’objet exploitant les propriétés de la M. Q. rendent celle-ci plus familière, notre cerveau engrange des données qui deviennent de moins en moins étranges, parce que de plus en plus communes. Cela n’est pas suffisant, j’en conviens. Le saut le plus déterminant aura lieu quand nous comprendrons que les bizarreries de la M.Q. que nous jugeons ainsi : puisque nous avons une conception classique de la mesure de la Nature, sont dues à notre part, à notre contribution de ‘sujet pensant’ : observateur. Lorsque nous découvrirons que c’est à cause d’une détermination de notre fonctionnement cérébral que les lois de la mécanique quantique nous apparaissent bizarres, alors on sera en mesure de répondre, en partie d’une façon satisfaisante à R. Penrose, car effectivement les bizarreries de la M.Q., selon mon hypothèse, auraient une cause bien qu’elle ne soit pas celle dont il a l’intuition. La proposition d’expérience que j’ai détaillée dans l’article précédent du 21/09 : ‘P. Picq l’annonce, S. Dehaene l’illustre’ devrait fournir une réponse.
Ce résultat, ne changera pas notre fonctionnement cérébral, il apportera une explication qui nous aidera sérieusement à ‘penser quantique’ car nous pourrons connaître la contribution de l’observateur dans les lois de la mécanique quantique. Quoi que ! il est possible que Penrose y trouve son compte car dans les ouvrages précédents il avait avec force détail voulu démontrer que le caractère quantique de la gravité puisait une cause dans des structures élémentaires de notre cerveau (synapse, dendrite, axone, neurotransmetteur…). Ce chantier est resté 30 ans après inabouti (heureusement car si ses hypothèses avaient été confirmées, cela nous conduisait tout droit à la validation de la thèse du physicalisme).
Comme je l’indique dans ma proposition d’expérience, puisqu’il y aurait eu un processus archétypal de l’intellectualisation du temps voire de l’espace-temps chez les ancêtres de l’être humain, la zone du cerveau, qui est activée lorsque l’espace-temps parcouru par un objet quantique est un donné connu, ne peut être que distincte de celle qui est activée lorsqu’il est inconnu. Lorsque l’espace-temps est un donné connu, la zone archaïque du cerveau activée nous conduit à inférer qu’un objet ponctuel se déplace dans l’interféromètre. Lorsque l’espace-temps n’est pas un donné, c’est une autre zone du cerveau qui est activée, qui ne peut pas être qualifiée d’archaïque, et qui privilégie l’inférence d’une dispersion spatio-temporelle[1]. Si on arrive à distinguer qu’effectivement ce sont des zones différentes du cerveau qui sont sollicitées, dans ce cas, on mettra en évidence la contribution du ‘sujet pensant’ dans les bizarreries de la mécanique quantique, et le terme ‘apparaître’ utilisé par les fondateurs de l’Ecole de Copenhague sera justifié.
La pensée scientifique de R. Penrose est guidée par l’Idéalité platonicienne. Il considère donc que la loi de la relativité générale est une magnifique illustration de sa conception platonicienne de l’Univers et une belle illustration de la voie par laquelle le scientifique peut accéder à la bonne connaissance. Cette voie étant essentiellement celle des mathématiques, bien évidemment, (qui sont préinscrites sur les pages de l’Univers Platonicien). Pour cette raison, il est convaincu que toute recherche théorique visant à rendre compte de la gravité quantique ne peut s’engager qu’à partir de la loi de la relativité générale et de ses propriétés fondamentales pour aller vers une quantification. La théorie des cordes emprunte exactement le chemin inverse, puisque c’est à partir de la M.Q. que l’on vise à formuler une théorie de la gravitation quantique satisfaisante. Ceci a été entrepris au début des années 1970, des développements ont connu des rebonds importants et successifs mais cela n’a toujours pas abouti. Penrose a donc un regard très critique vis-à-vis de cette théorie des cordes et tout autant sur la cosmologie inflationnaire[p1] qui fait appel aussi à la théorie quantique des champs.
Bref on peut considérer que son nouveau livre est probablement une bonne reprise de tous ses livres déjà publiés et qui ont déjà utilement nourri notre réflexion.
[1] A priori, je ne suis pas un adepte de la philosophie empiriste (voir : F. Bacon, J. Locke…, D. Hume) pour rendre compte de la voie d’accès à la connaissance mais je suis convaincu qu’analyser pour mieux comprendre l’évolution historique de la connaissance permet d’accéder à de la signification et partant d’emprunter une/des voie(s) nouvelle(s) de connaissances.