Fragilité du Modèle Standard de la Cosmologie.
En recensant et en analysant tous les éléments qui contribuent à la fragilité notoire du modèle standard de la cosmologie j’ai été amené à proposer des idées dans le présent article qui ne se cantonnent pas au domaine de la pure physique, s’il en est. D’entrée, je cite un exemple de raisonnement qui ne peut rester qu’inachevé lorsqu’on s’oblige à n’être que physicien. Il s’agit de L. Smolin qui écrit, page 75, voir son livre très instructif : ‘La renaissance du Temps’ : « La relativité générale avait encore un coup fatal à porter au rôle fondamental du temps en physique. Implicite dans l’idée que le temps est réel et fondamental est celle que le temps ne peut pas avoir de commencement. Car si le temps possède un début, alors cette origine du temps doit être explicable en termes d’autre chose qui n’est pas le temps. Et si le temps est explicable en termes de quelque chose d’intemporel, alors le temps n’est pas fondamental et c’est cette chose, qu’elle que soit sa nature, d’où a émergé le temps, qui est plus fondamentale. Mais dans tout modèle plausible d’univers décrit par les équations de la relativité générale, le temps a toujours un début. »
Avec cet exemple, on vérifie que des lois de la physique peuvent contenir des germes d’impasses remarquables de nos capacités de raisonnement et de compréhension qui ont des conséquences toujours actuelles. Je précise toujours actuelles parce que cet obstacle explicité par Smolin, pourra être, soit dépassé grâce à l’émergence d’un nouveau concept ou paradigme et donc le physicien sera riche de capacités de réflexions, de déductions, supplémentaires, en ce sens il deviendra plus intelligent en ce qui concerne les propriétés de la nature, soit il faudra rebrousser chemin (voir citation de N. Gisin, ci-après pages suivantes) et accepter l’idée que la relativité générale comprend dès sa conception des hypothèses préalables erronées. Dans ce cas de figure, évidemment, il y aura encore du progrès appréciable bien qu’on pourra le qualifier : de conséquence d’un revers de la pensée. C’est peut-être hors sujet mais je veux exprimer toute ma gratitude à L. Smolin pour avoir entrepris ce travail car il nous dit que la science physique est une science qui met en jeu la pensée de l’homme et non pas tout simplement, tout bêtement, sa capacité de calcul.
Je prolonge et je cite encore page 97, « Un jour, Einstein avoua (à R. Carnap[1]), que le problème du Maintenant le préoccupait sérieusement. Il expliqua que l’expérience du Maintenant a une signification particulière pour l’Homme, qu’il s’agit d’une chose essentiellement différente du passé et du futur mais que cette différence cruciale ne vient pas et ne peut pas venir de la physique (sic). Que cette expérience ne puisse pas être appréhendée par la science était à ses yeux un sujet de résignation douloureuse mais inévitable[2]. » Très franchement, je ne peux pas accepter ce clivage, qui est à mes yeux l’expression d’une conception intellectuelle, réductrice voire aliénante, entre ce qui est de l’ordre de la physique et de ce qui a une signification particulière pour l’Homme. Est-ce que la science physique serait une entité à part, tel un bateau qui aurait rompu les amarres du chantier naval où il a été conçu ? Est-ce que la science physique c’est ce qui reste lorsque l’on a évacué le souffle de l’intelligence humaine qui la fonde ?
Ces deux exemples cités nous indiquent, entre autres, pourquoi le modèle standard de la cosmologie est notoirement fragile et il ne faut pas s’attendre à ce que cette fragilité soit résorbée dans un délai raisonnable puisqu’il est écrit dans de nombreux articles récents : la résolution des difficultés passera par la résolution des inconnues sur lesquelles nous butons en ce qui concerne les neutrinos. Or il se trouve qu’à propos des neutrinos nous colportons, de génération en génération de physiciens, des attributs et des propriétés dont la validation ne peut être que sans cesse reportée à plus tard. Dans le cadre du modèle standard de la physique des particules élémentaires, les neutrinos se révèlent être toujours aussi insaisissables dans les filets de nos postulats scientifiques standards, au point que l’impossibilité de vérifier la véracité de certaines hypothèses amène à toujours ajouter de nouvelles couches d’hypothèses.
En ce qui concerne la conception actuelle de notre univers, nous lui attribuons l’histoire d’une évolution depuis un Big-Bang jusqu’à un état actuel dont nous serions les témoins objectifs, soit 13.800 milliards d’années après coup. N’est-ce pas ainsi projeter notre propre histoire, en tant qu’être humain, qui est celle d’une évolution qui nous a façonnés, révélée premièrement par Darwin et maintenant étudiée, approfondie, par les paléoanthropologues qui découvrent aujourd’hui des jalons de celle-ci dans des temps de plus en plus reculés (voir livre de P. Picq : ‘Premiers hommes’, Flammarion, 2016). Je reconnais que cette idée d’une détermination, qui serait à l’œuvre, de duplication de paradigme est à contre-courant de ce qui constituent les préceptes fondamentaux de la pensée scientifique. Il n’y a pas de ma part une volonté de provoquer, mais parfois il est souhaitable de prendre du recul même si cela est déroutant. Est-ce que l’histoire que l’on prête à notre univers ne serait rien d’autre que l’histoire de l’évolution de nos capacités de le décrypter ? Ce qui est le plus probable, c’est que tel qu’il est conçu, le Modèle Standard de la Cosmologie n’est pas réparable mais il doit être repensé.
De même avec l’attribution d’une origine à notre univers, est-ce que ce ne serait pas l’expression de la nécessité, du besoin, qui nous est propre, de toujours poser notre pensée sur une origine pour qu’à partir de là, elle puisse se déployer. Toutes les cosmogonies inventées au cours de l’histoire de l’humanité, que nous sommes capables de recenser, ont toujours supposé une origine pour qu’ensuite elle soit dépassée. Avec ce fameux Big-Bang, ce qui est équivoque, c’est qu’il est considéré comme sujet d’étude par les scientifiques alors qu’il ne serait rien d’autre que notre besoin existentiel d’origine projeté comme réalité de notre univers. En fait notre univers fait partie de ce monde qui nous appartient, pas plus.
Récemment un article de Steinhardt (directeur du centre de physique théorique de Princeton) avec deux autres collègues, dans le Scientific American du 17 janvier ‘Pop goes the Universe’, proposent que les cosmologistes réévaluent le paradigme favori du Big-Bang (Pop) et considèrent de nouvelles idées à propos du comment l’univers a commencé. De même un article dans Phys.org du 09/02/2015, annonce que des équations quantiques prédisent que notre univers n’a pas de début. C’est-à-dire que la singularité est résorbée.
Je pense que notre univers fait partie de ce monde qui nous appartient parce qu’il n’est que ce que nous sommes en mesure de décrypter à travers le prisme de nos capacités actuelles. Je ne dénie pas ce qui est mis en exergue par la science physique jusqu’à maintenant mais je considère que c’est un savoir qui nous caractérise tout autant qu’un savoir qui caractérise le monde qui est en dehors de nous. Bien sûr que cette conception peut être considérée comme humiliante et inacceptable par les physiciens qui seraient les maîtres d’une science ‘exacte’. Il n’y a pas qu’un problème de réputation qui est en cause, cela est secondaire, ce qui est en cause c’est essentiellement le fondement sur lequel beaucoup de physiciens puisent leur force, leur volonté, leur plaisir aussi, justifiant leur investissement intellectuel.
Ce fondement peut être conforté par la croyance que la connaissance en physique a la valeur d’une connaissance universelle, objective. Pourtant depuis un siècle avec l’avènement de la mécanique quantique qui nous dit que la relation sujet/objet ne peut être résorbée – quel que soit le degré d’investissement de notre pensée rationnelle, notre savoir sur l’objet ne peut pas atteindre une connaissance de l’objet tel qu’il est mais uniquement tel qu’il nous apparaît – cela devrait nous enseigner une révision de notre conception de l’objectivité.
Avec la relativité générale s’impose une représentation de l’histoire de l’univers, prise en une fois, comme un système d’événements reliés par des relations causales, et cela s’appelle l’univers bloc. L’univers bloc marie l’espace et le temps. Dans le livre déjà cité de L Smolin, il est précisé page 75 : « Mais vu comme un univers bloc, il (l’espace-temps) est intemporel et inaltérable, sans distinction entre futur et passé et sans place pour, ni signe de, notre conscience du temps. » N. Gisin (physicien, université de Genève), s’insurge contre cette conception en écrivant un article en Mai 2016 : ‘La physique a tué le libre arbitre (qui est un propre de l’homme) et le flux du temps, nous devons revenir en arrière’. De même p.251 et p.253, Smolin confirme selon son analyse : « Je préfère considérer la mécanique quantique comme la preuve que nous vivons dans un univers fini ne contenant qu’une seule copie de moi. »… « Je ne vois aucune manière d’échapper à la conclusion que tout modèle d’univers doit être spatialement fermé, sans frontière. »
Le modèle standard de la cosmologie, tel qu’il est conçu, contraint à ce que la relativité générale et la mécanique quantique fusionnent en un seul et même corpus baptisé gravité quantique. Ce qui jusqu’à présent n’a pu se concrétiser. Les raisons de l’échec d’une conception d’une théorie de la gravité quantique sont de plusieurs ordres. Celui qu’il ne faut pas exclure, c’est que définitivement la relativité générale n’est pas intégrable dans un corpus quantique. En effet, il n’est pas possible de gommer l’opposition constante du fondateur de la relativité générale à la mécanique quantique. Opposition qui s’est affirmée par l’incompatibilité absolue des raisons qui l’ont conduit à concevoir la relativité générale avec celles, affirmées par l’école de Copenhague, qui ont prévalu à la conception de la mécanique quantique. Vouloir résorber l’incompatibilité de ces raisons orthogonales est une tâche impossible puisqu’opter pour l’une annule les fondements de l’autre. Ainsi, on peut expliquer pourquoi toutes les tentatives d’hybridation ont échoué, jusqu’à présent.
Pour illustrer cette analyse je vous cite trois réflexions : 1- dans quantamagazine : « L’effort pour unifier la mécanique quantique et la relativité générale signifie réconcilier des notions du temps totalement différentes. En mécanique quantique, le temps est universel et absolu (Newtonien) ; son tic-tac constant assure l’évolution des intrications entre les particules. Mais en relativité générale, le temps est relatif et dynamique, une dimension qui est inextricablement entrelacé avec les dimensions X, Y et Z dans la fabrique d’un espace-temps de 4 dimensions. » ; 2- De D. Gross, prix Nobel : « Chacun de nous en théorie des cordes est convaincu…que l’espace-temps est condamné. Mais nous ne savons pas par quoi le remplacer. » ; 3- dans hindawi.com : « En mécanique quantique, le temps est absolu. Le paramètre qui se trouve dans l’équation de Schrödinger est un héritage de la mécanique Newtonienne et il n’est pas considéré comme un opérateur. En théorie quantique des champs, le temps par lui-même n’est plus absolu, mais l’espace-temps l’est ; il constitue la structure d’arrière fond sur lequel le champ dynamique agit. La relativité générale est d’une nature différente. Avec l’équation d’Einstein, l’espace-temps est dynamique agissant d’une façon compliquée avec l’énergie impulsion de la matière et avec lui-même. Les concepts de temps (espace-temps) en théorie quantique et en relativité générale sont ainsi drastiquement différents et ne peuvent pas ensemble être fondamentalement vrais. »
La théorie de la relativité générale d’Einstein semble rendre compte un bel accord entre ce qu’elle prédit et ce que nous observons dans l’univers aux grandes échelles. A ce titre, c’est une théorie que l’on peut qualifier de réaliste. Toutefois, il faut toujours pratiquer le principe du doute positif, c’est-à-dire considérer qu’elle pourrait opérer comme un filtre et donc ne permet pas d’accéder à tout ce qui serait ‘visible’ par les astrophysiciens (ex. la matière noire). Lorsqu’on veut remonter dans le temps de l’histoire de l’évolution de notre univers et chercher des preuves d’une origine inférée, ce sont théorie quantique et théorie quantique des champs qui sont convoquées pour tenter de remonter jusqu’à une source supposée. Contrairement à la relativité générale, la mécanique quantique est une théorie conçue sur la base de notre capacité de déduction et non pas sur notre capacité d’observation directe due à nos sens voire d’appréhension. En conséquence la difficulté d’hybridation, évoquée ci-dessus, se trouverait confirmée. Voir article du 23/04/2016 : ‘De la vérité dans les sciences, et après !’ : je cite N. Bohr « La physique est seulement concernée par ce que l’on peut dire sur la nature. » ; je cite W. Heisenberg : « Le postulat d’une réalité physique existant indépendamment de l’homme n’a pas de signification. » ; je cite A. Barrau : « Mais il ne faut pas oublier, … que nos manières d’appréhender cet « autre part » n’en demeurent pas moins humaines et créées. » Cet article succède à celui du 12/04/2016 : ‘Selon A. Barrau, ‘De la vérité dans les Sciences’’
Le ‘voir’ premier et le plus lointain de notre univers est le rayonnement du fond diffus cosmologique, avec l’hypothèse du Big Bang, ce premier ‘voir’ serait daté : 380000 ans depuis l’origine. La phénoménologie dominante, retenue de l’univers naissant, durant les 380000 premières années, est donc le fruit de déductions et pour beaucoup grâce à la mécanique quantique et la TQC. Les impossibilités d’assurer de la concordance entre ce qui est déduit, conçu, dans les temps primordiaux et ce qui est effectivement observable en accord avec la relativité générale (par ex. l’effet lentille gravitationnelle), concernent pour l’essentiel : la matière noire, l’énergie sombre, l’antimatière. Cela n’est pas peu !
Comme je l’ai signalé au début de l’article : espérer que la résolution des impasses actuelles concernant le modèle standard de la cosmologie passera par la résolution des inconnues sur les neutrinos, peut provoquer du scepticisme. En effet, ces inconnues surgissent du fait du modèle standard des particules élémentaires qui est toujours le cadre dans lequel leurs propriétés physiques sont étudiées. J’ai eu souvent l’occasion d’écrire que ce n’est pas le bon cadre. En fait le bon cadre c’est celui de la physique des neutrinos, qui est à découvrir, c’est-à-dire que ceux-ci sont les représentants d’une toute autre physique que nous devons prospecter. A propos des neutrinos, on ne peut pas les ralentir, les accélérer, on ne peut pas avoir d’action sur ces objets sans provoquer leur disparition, on ne peut être que des observateurs passifs, on leur attribue des propriétés physiques sur la base de la façon dont ils se présentent à nous, quand on agit pour les intercepter, l’événement est rare et il provoque leur disparition. Je considère que leur attribuer une masse d’inertie est erronée, et ils ne seraient pas contraints par la loi E = mic2. En conséquence l’hypothèse de leur oscillation entre les saveurs est inappropriée et nous véhiculons à ce sujet un modèle qui induit en erreur.
Ce qui est certain c’est qu’il y a tellement d’inconnues à propos des neutrinos que l’on peut les intégrer dans un spectre de problèmes très étendu et à ce titre on peut leur prêter des propriétés multiples. Citons quelques-unes de ces propriétés éventuelles attribuées : celle du ‘seesaw’, existence de neutrinos stériles qui peuvent avoir une gamme de masse très étendue, qui auraient pu se désintégrer au tout début de l’univers ou pas, hypothèse qu’ils seraient la source de radiation noire pendant l’univers primordial, etc.
Amarrer les inconnues attachées aux neutrinos aux impasses du modèle standard de la cosmologie peut être considérée à première vue comme une tentative étrange. Je ne le pense pas car si dans un premier temps on procède à une accumulation des nœuds de difficultés en même temps on procède à un décloisonnement nécessaire d’où pourra émerger des solutions plus consistantes. Par exemple un article publié, il y a deux jours, le 15/02 sur le site de Physics.APS.org, annonce qu’en procédant à l’extension du modèle standard des particules avec 3 neutrinos stériles sur 6 nouvelles particules supplémentaires proposées, on pourrait, en une seule fois, résoudre 5 problèmes physiques : ‘Model Tries to Solve Five Physics Problems at Once’, voir un résumé joint ci-dessous. Parmi les problèmes potentiellement dénouables citons quelques-uns : résolution du problème de l’inflation, ainsi que celui de la matière noire, de la dissymétrie matière antimatière, et de la mystérieuse très faible masse des neutrinos connus à hélicité gauche.
On remarquera que les auteurs ne procèdent qu’à une extension du modèle standard des particules élémentaires, c’est-à-dire qu’ils n’introduisent aucun paradigme nouveau, ils conçoivent par extrapolations dans le cadre habituel. Précédemment ce type de tentatives, menant à des extrapolations différentes, n’a pas abouti à des conclusions intéressantes.
Model Tries to Solve Five Physics Problems at Once
February 15, 2017
A minimal extension to the standard model of particle physics involves six new particles.
APS/Alan Stonebraker
The standard model has enjoyed a happy life. Ever since it was proposed four decades ago, it has passed all particle physics tests with flying colors. But it has several sticky problems. For instance, it doesn’t explain why there’s more matter than antimatter in the cosmos. A quartet of theorists from Europe has now taken a stab at solving five of these problems in one go. The solution is a model dubbed SMASH, which extends the standard model in a minimal fashion.
SMASH adds six new particles to the seventeen fundamental particles of the standard model. The particles are three heavy right-handed neutrinos, a color triplet fermion, a particle called rho that both gives mass to the right-handed neutrinos and drives cosmic inflation together with the Higgs boson, and an axion, which is a promising dark matter candidate. With these six particles, SMASH does five things: produces the matter–antimatter imbalance in the Universe; creates the mysterious tiny masses of the known left-handed neutrinos; explains an unusual symmetry of the strong interaction that binds quarks in nuclei; accounts for the origin of dark matter; and explains inflation.
The jury is out on whether the model will fly. For one thing, it doesn’t tackle the so-called hierarchy problem and the cosmological constant problem. On the plus side, it makes clear predictions, which the authors say can be tested with future data from observations of the cosmic microwave background and from experiments searching for axions. One prediction is that axions should have a mass between 50 and 200𝜇 eV. Over to the experimentalists, then.
This research is published in Physical Review Letters