Au sein de l’Eternité, Espace et Temps se confondent.
Il m’est arrivé assez fréquemment de terminer un article en exprimant en quelques phrases quelle était la métaphysique qui guidait ma réflexion dans le cadre d’une physique prospective. Ici dans ce présent article, je l’exprime tout de go, parce que les deux articles de ‘Pour la Science’ de Septembre, que je vais commenter, proposent des arguments en faveur de cette métaphysique qui rend compte de la dynamique de l’investissement intellectuel du ‘Sujet Pensant’ et que je rappelle : « Au sein d’une Eternité, parmi tous les possibles, Anthrôpos ne cesse de creuser sa compréhension de la physique de l’univers. Cette compréhension est sans fin car, concomitamment, à chaque étape du dévoilement de la nature de l’univers, Anthrôpos développe des nouvelles capacités de décryptement. Cette dynamique ne peut se tarir car rejoindre l’Eternité : là où l’espace et le temps infinis se confondent, ne peut être pour Anthrôpos qu’un horizon. »
Dans le premier article en question : ‘Le multivers quantique’, page 26, on peut lire en introduction : « LA COSMOLOGIE LAISSE PENSER QUE NOTRE UNIVERS N'EN SERAIT QU'UN PARMI D'INNOMBRABLES AUTRES. ET SI CETTE MULTIPLICITÉ D'UNIVERS COÏNCIDAIT AVEC L’IDÉE DES MONDES MULTIPLES AVANCÉE (par Hugh Everett en 1957) IL Y A DONC SOIXANTE ANS POUR COMPRENDRE LA PHYSIOUE QUANTIOUE ? »
« Pour de nombreux cosmologistes, ce que nous pensons être l'Univers dans son intégralité ne serait qu'une infime partie d'un ensemble bien plus vaste : le multivers. Selon ce scénario, il existerait une multitude d'univers, dont l’un serait celui où nous vivons. Et chacun de ces mondes serait régi par des lois différentes ; ce que nous pensions être les principes fondamentaux de la nature ne serait plus si absolu. Ainsi, les types et propriétés des particules élémentaires et de leurs interactions pourraient varier d'un univers à l'autre.
L’idée du multivers émerge d'une théorie suggérant que le cosmos primordial a subi une expansion fulgurante, exponentielle. Au cours de cette période d’inflation cosmique, certaines régions de l'espace auraient vu leur expansion rapide prendre fin plus tôt que d'autres, formant ce qu'on appelle des : ‘univers-bulles’, un peu comme des bulles dans un volume d'eau bouillante. Notre univers correspondrait à l'une de ces bulles, au-delà de laquelle il y en aurait une infinité d'autres. »
Avec ma métaphysique, l’Univers que j’évoque, in fine, est un tout infini, parménidien, qui d’ailleurs avait occupé l’esprit d’Einstein pour penser l’invariance dans la loi de la Relativité Générale, alors que : Yasunori Nomura, l’auteur de l’article que je cite, avance l’idée d’infinité d’univers-bulles cloisonnés. Ce que je pense c’est que ce cloisonnement va, au fur et à mesure, se dissiper pour accéder à la sommation de tous ces univers-bulles. Le cloisonnement énoncé est corrélé au cloisonnement de notre capacité actuelle de penser plus en avant les lois de la physique. Cette étape avant-gardiste de Nomura, est encore à son balbutiement, il est même possible qu’elle soit erronée tout au moins partiellement mais ce qui est significatif : c’est de commencer à projeter l’idée que ce que l’on repère comme notre seul univers est étriquée. C’est la fin du principe anthropique. Penser d’autres univers possibles implique de penser : « Et chacun de ces mondes serait régi par des lois différentes ; ce que nous pensions être les principes fondamentaux de la nature ne serait plus si absolu. », que nous avons encore des lois physiques à découvrir. C’est une illustration de la dynamique que je relate avec ma métaphysique (je rappelle que pour moi métaphysique signifie : de la physique en gestation).
Quand Nomura écrit : « Ainsi, les types et propriétés des particules élémentaires et de leurs interactions pourraient varier d'un univers à l'autre. » Je n’exclus pas, comme je l’ai souvent explicité que le neutrino (voir dès l’article d’introduction du blog) soit une particule qui circule dans notre univers mais qui soit aussi un messager d’au moins un autre univers et à ce titre soit vecteur de propriétés de cette autre. Lorsque l’on décryptera correctement les propriétés du ou des neutrino(s), du même coup on sera en mesure de penser la fusion de ce que l’on appelle notre univers avec cet autre, qui au moins ne feront plus qu’un.
Ainsi nous atteindrons une illustration de ce que nous dit l’auteur :
« L’idée que notre univers ne représente qu'une petite partie d'une structure beaucoup plus vaste n'est pas aussi bizarre qu'il y paraît. Après tout, à travers l'histoire, les scientifiques ont appris à maintes reprises que le monde ne se résume pas à ce qui en est visible. » Pour dire plus justement, je dirais : ne se résume pas à ce qui est présentement visible, parce que dès qu’une pensée juste est démontrée son objet devient visible d’une façon ou d’une autre, même si la visibilité n’est qu’intellectuelle et rigoureusement cohérente. Et quand le : présentement visible, est atteint, c’est l’au-delà de ce présentement : c’est ce qui reste à venir, qui devient l’instigateur de la perpétuelle quête intellectuelle. Pour l’être humain physicien il y aura toujours un reste… à venir. (Voir article avec D. Buonomano du 19/07)
Dans la suite de l’article, l’auteur propose d’expliquer la nouveauté de son point de vue de physicien par rapport à celui des pères étant à l’origine du Big-Bang et de la théorie de l’inflation : A. Guth, G. Gamow, A. Linde, P. Steinhardt… « Selon la théorie de l’inflation éternelle, il se forme une infinité de bulles d’espace où l’expansion exponentielle a ralenti. Chacune de ces bulles correspond à un univers ayant ses propres conditions initiales et physiques. Et l’un des mondes serait notre univers. Dans un univers éternellement en inflation, tout ce qui peut arriver, arrive ; en fait, tout arrive un nombre infini de fois » … « Plus précisément, (selon l’auteur), le scénario cosmologique d’un univers en éternelle inflation serait mathématiquement équivalent à l’interprétation des « mondes multiples, de la physique quantique (Everett). Cette idée est très spéculative (idée qui s’appuie plus sur une appréciation intuitive que sur de la démonstration), mais, comme nous le verrons, une telle connexion entre les deux théories donne des pistes pour résoudre (sic) le problème des prédictions, mais pourrait aussi révéler des informations surprenantes sur l’espace et le temps (sic)».
La suite est en grande partie consacrée à démontrer l’équivalence mathématique des deux théories. Je vous recommande évidemment de l’étudier dans la revue même.
Je reprends à partir de la page 34, là où il exprime son essentielle conviction : « Le multivers et les mondes multiples quantiques sont en réalité une seule et même chose ; ils correspondent simplement au même phénomène (la superposition d’états) qui se produit à des échelles complètement différentes. »
Ensuite, l’auteur indique quels sont les pistes qui permettraient de tester les conclusions de sa conviction. La mesure d’une petite quantité de courbure négative dans notre univers, serait selon lui une belle signature ou bien les vestiges d’une « collision » de notre univers-bulle avec un autre (souvenons-nous de l’énigme de la tache obscur dans le rayonnement fossile).
A propos du temps il conjecture : « Le temps est un concept émergent, quelque chose qui surgit d’une réalité plus fondamentale et qui semble n’exister que dans les branches locales du multivers. » Cette assomption me convient car la réalité plus fondamentale qu’il faut prendre en compte dans notre univers c’est l’émergence d’une intelligence. (voir mes articles précédents).
En conclusion Y. Nomura écrit : « Beaucoup des idées que je viens de présenter sont encore très spéculatives, mais il est passionnant que les physiciens soient en mesure de réfléchir à ces grandes et profondes questions sur la base des avancées théoriques actuelles. Où ces explorations nous mèneront-elles ? Il semble clair en tout cas que nous vivons une ère exaltante dans laquelle nos explorations scientifiques vont au-delà de ce que nous pensions être le monde physique entier – notre univers - pour atteindre un domaine potentiellement sans limites au-delà. » (D’accord avec Nomura, à condition de considérer que ce domaine potentiellement sans limites au-delà est pour nous, selon ma métaphysique, un horizon dont on peut s’approcher sans jamais l’atteindre, puisque c’est la condition de la mobilité permanente de notre pensée.)
A ce propos, puisqu’avant tout, avec ma métaphysique, nous sommes au sein d’une Eternité, effectivement il n’y pas de Big-Bang et j’ai toujours indiqué que celui-ci avait une fonction utilitaire mais pas plus. En effet l’anthrôpos a toujours besoin de poser sa pensée sur une origine qui ne peut être que provisoire, jusqu’à ce que le développement de sa pensée lui permette d’éliminer l’ancienne par une nouvelle qui annonce une nouvelle cosmogonie.
Il y a peu, le 15 août un article a été publié : ‘Loop quantum cosmology and singularities’ : ‘Cosmologie quantique à boucle et singularités’, in ‘Scientific Reports 7, Article number : 8161 (2017)’ et dans cet article très exhaustif il est affirmé que la théorie en question ne fait pas apparaître de Big-Bang ni de Big Crunch d’ailleurs, ces deux singularités ne sont pas nécessaires pour que la théorie soit cohérente. C’est la première fois que je lis un tel article et c’est un signe. De fait, de part en part, la fragilisation du modèle standard de la cosmologie est engagée depuis quelques années. Le 21 juin, il y avait un article qui avait pour titre : ‘Big Bang : le modèle de Hartle-Hawking est-il faux ?’ dans Futura science. Mais précédemment le 15 juin, un article explicite annonçait : ‘No Universe without Big Bang’ in Physical Review D (2017). DOI: 10.1103/PhysRevD.95.103508. Ce mouvement de balancement théorique va continuer à se produire jusqu’à ce que des mesures probantes finissent par stabiliser le curseur sur une configuration d’univers qui englobera le soi-disant nôtre exclusif actuel dans un monde plus vaste et plus riche en propriétés.
Le deuxième article que je veux citer dans le même N° de ‘Pour la Science’ a pour titre : ’L’inflation cosmologique reste le scénario le plus satisfaisant.’
Ci-joint une citation d’une partie de l’interview qui dit beaucoup sur la fragilité de ce scénario. Cette fragilité m’autorise à penser que ma métaphysique est tout autant légitime et fertile que la théorie de l’inflation.
Pourquoi certains physiciens sont-ils pessimistes quant à la possibilité de tester l'inflation ?
Certains considèrent que l'inflation est une idée impossible à tester par les observations, ce qui est un critère essentiel pour une théorie scientifique. Ils ajoutent que la diversité des scénarios inflationnaires et leur flexibilité face aux contraintes empêchent le paradigme inflationnaire d'être réfutable.
Une polémique à ce sujet est récemment née d'un article paru dans Scientific American et cosigné par Paul Steinhardt. Ce chercheur de l’université de Princeton est l'un des pères de la théorie de l’inflation, mais il se montre aujourd'hui très critique. Il est sain que des scientifiques mettent le doigt sur des difficultés que les autres n'ont pas vues, cela fait partie du processus normal de la recherche. C'est en essayant de répondre à ce genre de critiques que l'on améliore une théorie ou, au contraire, que l'on se rend compte qu'elle n'est pas satisfaisante. Un article virulent de Paul Steinhardt a été mal accueilli par la communauté et une trentaine de scientifiques lui ont répondu dans une lettre ouverte. Les critiques de Paul Steinhardt sont multiples ; il évoque notamment la non-testabilité de l'inflation et le problème de l'inflation éternelle.
De quoi s'agit-il ?
L’inflation éternelle est l'idée que si un champ scalaire provoque l'inflation, cette phase d'expansion ne peut pas prendre fin, parce qu'elle est alimentée par des fluctuations quantiques. Cela avait été découvert en 1983 par Paul Steinhardt et d'autres. L’expansion exponentielle ne s'interromprait que dans des régions limitées, où se formeraient des univers analogues au nôtre. Ces bulles forment un multivers. Le problème, pour Paul Steinhardt, c'est qu'à chaque « univers-bulle » correspondront des conditions initiales arbitraires, puisque les fluctuations ayant conduit à la formation de cet univers-bulle sont aléatoires. Il est alors impossible de prédire les propriétés de notre propre univers. C'est un cadre qui se prête à de nombreuses réflexions théoriques. Par exemple, Yasunori Nomura utilise cette idée d'inflation éternelle et de multivers pour dresser un parallèle avec l’interprétation de la mécanique quantique proposée par Hugh Everett en 1957 (voir l’article : page 26 à 34). La plupart des cosmologistes pensent que la question de l'inflation éternelle est probablement importante sur le plan conceptuel, mais que ses conséquences pratiques sont limitées. C'est peut-être une erreur, mais au quotidien, on n'utilise pas cette notion d'inflation éternelle lorsqu'on cherche à résoudre les problèmes de l'inflation dans notre univers.
Le problème du réchauffement, par exemple ?
Oui, mais pas seulement. J'ai récemment publié un article qui, je pense, sera important pour étudier des scénarios inflationnaires réalistes. Jusqu'à présent, nous nous sommes uniquement concentrés sur la forme du potentiel. Mais j'ai montré que nous avons omis une autre propriété importante. Dans une théorie à plusieurs champs scalaires, la dynamique de ces derniers est soumise à la géométrie de l'espace interne dans lequel vivent ces champs et ne dépend donc pas uniquement du potentiel. L’une des conséquences de ce nouveau facteur
est que l’inflation peut s'interrompre de façon prématurée. Pour chaque modèle donné, les limites de compatibilité des données observationnelles sont alors modifiées. On le voit, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour comprendre vraiment l’inflation.
Existe-t-il des alternatives à l'idée d'inflation ?
Il y en a quelques-unes. Je n'en suis pas spécialiste, mais le consensus scientifique est qu'elles présentent toutes des problèmes plus importants que l’inflation. L’univers avec rebond, par exemple, décrit un univers qui se contracte puis repart en expansion. L’idée est séduisante dans la mesure où elle évite la singularité initiale du Big Bang. Selon Paul Steinhardt, ce modèle ne présente pas certains problèmes de conditions initiales de l’inflation. Mais aucune théorie physique ne permet à l'heure actuelle de réaliser de manière satisfaisante un tel rebond.
L’inflation cosmique reste aujourd'hui le scénario le plus satisfaisant sur les plans théorique et observationnel. Mais les physiciens adorent les surprises et guettent la nouvelle idée qui fera progresser notre compréhension du monde - même si elle doit détrôner l'inflation !
Propos recueillis par Sean Bailly