Tropisme
Ce titre est peut-être inapproprié mais finalement je le conserve et je l’expliquerai plus loin. La décision d’écrire cet article est venue en découvrant celui publié par Phys.Org le 18/09 : « How Herschel unlocked the secrets of star formation » ; « Comment Herschel découvre les secrets de la formation des étoiles. » Ici Herschel désigne un télescope spatial Européen très sensible à l’infrarouge qui fut expédié en 2009 et qui a fonctionné jusqu’en 2013.
Mon propos n’est pas de relater les résultats reconstitués sur la base de ce qui a été détecté et enregistré grâce à Herschel mais de déployer des réflexions sur la base de commentaires qui ont enrichi la teneur des résultats exposés dans l’article.
« Nous sommes fait de poussières d’étoile, a dit Carl Sagan (1934-1996), puisque les atomes qui nous font – nos corps, nos maisons, notre planète – proviennent largement des générations d’étoiles préexistantes. Attribuer du sens à l’Univers dans lequel nous vivons est un effort engagé depuis des milliers d’années grâce à l’incessant travail de la part des innombrables penseurs premiers, des philosophes, et plus récemment par les scientifiques (sic) (Je suis en accord avec cette fonction et responsabilité nouvellement attribuées aux scientifiques). Ce processus continu est ponctué par des découvertes majeures, souvent rendues possibles par la fabrication de nouveaux instruments (Homo Faber est à l’œuvre) qui ouvrent de nouvelles fenêtres sur le monde, qui amplifient et déploient nos sens. Permettant aux astronomes d’observer plus loin et avec de plus grands détails au cours des quatre derniers siècles, les télescopes ont été la clef pour établir notre compréhension physique du cosmos. Semblablement les progrès des détecteurs en astronomie - de l’œil humain aux plaques photographiques il y a quelques centaines d’années, avec en plus une grande variété de dispositifs électroniques durant le siècle passé – ont été très révolutionnaires pour le développement de ces recherches.
La découverte de la lumière à des longueurs d’onde autres que celles visibles, au 19e siècle, et son application à l’astronomie pendant le 20e, a prolongé le processus, révélant entièrement des nouvelles catégories de sources cosmiques ainsi que des nouveaux phénomènes, tout aussi bien des aspects inattendus de certaines d’entre elles déjà connues.
Le plus froid est un objet, la plus grande est la longueur d’onde de lumière qu’il émet, ainsi en observant le ciel dans l’infrarouge lointain et dans le domaine sous-millimétrique, cela nous permet d’accéder à quelques-unes des sources les plus froides dans l’Univers, incluant gaz froid et poussière à la température de 50°K et encore moins.
Bénéficiant d’un télescope avec un miroir primaire de 3,5 mètres – étant le plus grand à jamais à observer dans l’infra-rouge lointain – et des détecteurs refroidis juste au-dessus du zéro absolu (ceci explique sa durée de vie limitée à 4 ans car le liquide de refroidissement a une durée d’action limitée dans le temps), Herschel pouvait réaliser des observations avec une sensibilité sans précédent et une résolution spatiale aux longueurs d’onde cruciales pour creuser (sic) jusque dans l’enchevêtrement des nuages où se forment les étoiles. »
En conséquence, très concrètement sommes-nous capables, avec nos capacités de penser, de nous émanciper des propriétés physiques et des contraintes de la matière qui nous fait ? Est-ce que nous pouvons voir et penser au-delà de ses assemblages possibles qui ne peuvent pas être infinis puisque contrainte par des règles ? A priori, on peut considérer que ce questionnement est primaire, naïf, qui n’a pas lieu d’être. Toutefois nous ne pouvons pas évacuer si facilement l’idée que nous ne pouvons pas échapper à un certain tropisme. Ici, il faut préciser ce que l’on veut dire en utilisant le mot tropisme. Dans sa première signification tropisme réfère à : croissance orientée dans l’espace chez les végétaux, sous l’influence d’une excitation extérieure ex : tournesol (phototropisme), il y a aussi le géotropisme (action de la pesanteur) ; dans une seconde signification qui est littéraire : force obscure, inconsciente (A. Gide) ; sentiment fugace, mais inexpliqué (N. Sarraute).
La lumière à laquelle nous sommes directement sensibles est en premier lieu, celle pour laquelle notre œil est sensible dans une bande de longueur d’onde étroite (de l’ordre de 0.4 → 0.8 µm) et tous les appareils extraordinaires que nous avons construits sont sensibles et sont donc des détecteurs d’une lumière qui est en amont ou en aval de la bande étroite de sensibilité de notre organe : œil. Bref cette lumière fait sens pour nous. Nous avons donc l’intelligence de cette lumière mais uniquement de ce type de lumière. On pourrait donc considérer que nous ne pouvons pas avoir (jusqu’à présent) une intelligence des lumières, s’il y en avait de multiple dans notre univers ou dans d’autres univers du multivers, mais qui seraient saisissables uniquement par les moyens d’autres signifiants que la longueur d’onde. Ce questionnement n’est pas (plus) métaphysique, il est d’un point de vue physique très terre à terre puisque l’hypothèse de matière noire est constamment évoquée.
Sachant que lumière et matière sont les deux facettes d’une même réalité (voir cours de S. Haroche) c’est-à-dire que la lumière à laquelle nous sommes sensibles est émise par la matière avec laquelle nous sommes conçus et qui est celle et, jusqu’à présent, seulement celle que nous avons reconnu dans notre univers. Il est compréhensible que nous en soyons des détecteurs naturels car elle nous est familière. Quid, donc de la lumière émise par la matière noire, par exemple ? Est-ce que l’hypothèse de l’existence de matière noire est correcte mais étant naturellement insensibles à sa lumière ceci expliquerait pourquoi nous ne pouvons pas observer sa présence rayonnante ? Ou bien effectivement son rayonnement est à découvrir dans le futur ? La seule hypothèse que je connaisse à ce sujet, propose l’hypothèse de photons noirs. Le concept de photon, même noir, est à mon sens trop connoté, trop orienté pour ouvrir un nouvel espace de connaissance. Ceci indique la difficulté et peut-être même l’impossibilité de transcender les propriétés de la matière qui nous constitue bien que nous soyons aussi des êtres de culture qui accumulons de plus en plus de culture…scientifique.
Lorsque j’écris : « La lumière à laquelle nous sommes sensibles est émise par la matière avec laquelle nous sommes conçus et que nous avons identifié dans notre univers », je mets en évidence une difficulté basique de distinguer un hors de soi d’un en soi. Le hors de soi peut vouloir dire tout simplement hors de notre univers. Cela peut vouloir dire aussi hors de cette partie de l’Univers avec laquelle nous avons des caractères communs. Ceci voudrait dire que ce que nous percevons présentement comme notre univers n’est qu’une fraction d’un univers plus vaste qui pourrait correspondre aux prémices de ce que certains annoncent, appréhendent, d’une façon très générale, avec l’hypothèse du multivers.
On ne peut que s’interroger sur l’ampleur de notre ignorance. Aujourd’hui nous avançons l’idée que nous ne connaissons que 4,9% de ce qui constituerait notre univers. Ce très faible pourcentage a atteint paradoxalement cette faiblesse quantitative au fur et à mesure que nos capacités de voir et de comprendre se sont accrues. L’imperceptible s’est incroyablement accru ces 40 dernières années, est-ce que cela annonce un rebond de l’acuité de ce qui fait ce que nous sommes ? J’aurais tendance à envisager qu’il y aura rebond et celui-ci est devant nous. Rebond lorsque nous comprendrons, donc lorsque nous aurons vu, que ce qui jusqu’à présent nous était imperceptible ou bien mal perçu, mal qualifié, comme par exemple en ce qui concerne les neutrinos.
Je ne suis pas seul à le penser car alors que j’étais en train d’écrire cet article, le 23/09, l’article suivant était publié avec le titre : « Neutrino facility could change understanding of the universe » ; « Des instruments pour les neutrinos pourraient changer notre compréhension de l’univers. » Ceux-ci sont dédiés à : DUNE (Deep underground neutrinos expériments), instruments implantés au Dakota du Sud et qui seront en activités au plus tôt en 2025. Je communique ci-après un extrait de l’article :
« Les scientifiques de DUNE, observeront particulièrement la différence de comportement entre les neutrinos et la contrepartie de leur antimatière : les antineutrinos, ce qui pourrait nous fournir une information pourquoi nous vivons dans un univers dominé par la matière – dit autrement, pourquoi nous sommes tous là, au lieu d’avoir été annihilés juste après le Big Bang. DUNE, montrera aussi le processus de production des neutrinos quand une étoile explose, ce qui permettrait de révéler la formation de étoiles à neutrons et des trous noirs et recherchera si les protons ont une durée de vie infinie ou éventuellement se désintègre, nous permettant de nous rapprocher du rêve Einsteinien de la grande unification. »
On peut constater avec cet extrait (original, ci-dessous), l’ampleur du questionnement en ce qui concerne les lois physiques (supposées) qui prévalent dans notre univers et que nous devons résoudre. Bien que je partage l’ampleur de ce que nous devons questionner, je considère que les problèmes posés sont mal focalisés car ils sont cloisonnés par les deux modèles standards celui des particules élémentaires et celui de la cosmologie, alors que ce dont il s’agit c’est d’en sortir.
« One aspect DUNE scientists will look for is the differences in behaviour between neutrinos and their antimatter counterparts, antineutrinos, which could give us clues as to why we live in a matter dominated universe – in other words, why we are all here, instead of having been annihilated just after the Big Bang. DUNE will also watch for neutrinos produced when a star explodes, which could reveal the formation of neutron stars and black holes, and will investigate whether protons live forever or eventually decay, bringing us closer to fulfilling Einstein's dream of a grand unified theory.”