Angélisme, Conviction, Raison, Enfermement.
Plusieurs articles tout récemment publiés laissent voir que les physiciens, en l’occurrence les cosmologues, les astrophysiciens, sont plutôt fascinés par leur non découverte alors qu’on s’attendrait à ce qu’ils prennent du recul face aux obstacles qu’ils rencontrent d’une façon répétitive. Sur le site phys.org du 15/03, l’article avec le titre suivant : ‘The frustrating and fascinating world dark matter research’ ; ‘Le frustrant et fascinant monde de la recherche de matière noire’, nous indique d’une façon nette le balancement intellectuel dans lequel des scientifiques évoluent. Selon l’auteur : Niklas Nielsen, « La matière noire comme phénomène est fermement établie (sic), et nous avons plein d’évidences convaincantes qui suggèrent qu’elle est cinq fois plus importante que la matière visible. » Je le cite parce qu’ils sont nombreux ceux qui partagent ce point de vue alors que jusqu’à présent cette matière noire n’a jamais été constatée directement qui plus est : la diversité de la matière noire hypothétique est vraiment ahurissante. Aucun élément de cette diversité n’a montré le moindre indice. Tout récemment l’hypothèse, de l’axion de quelques milliélectronvolts comme candidat, a été une fois de plus minimisée (article du 15/02/2018), ainsi que l’hypothèse des rayons gamma observés depuis 10 années au centre de notre galaxie, preuves de l’annihilation de matière (WIMP) et antimatière (anti WIMP) noire n’est pas retenue (article du 13/03/2018).
Rappelons que la nécessité de la matière noire résulte du scénario qui impose un Big Bang originaire. Celle-ci serait fabriquée au bout de 10-12s et serait responsable de la formation des étoiles et galaxies. Le scénario d’un début de l’Univers avec Big Bang a tellement structuré voire formaté la pensée des physiciens qu’il est compliqué voire impossible de prendre le recul aujourd’hui nécessaire : « Dans la toute première fraction de seconde après le Big Bang, notre Univers était incroyablement chaud et dense. Dans cette soupe primordiale à 10-12s, il est supposé que les WIMP se constituent. Armés de la connaissance de l’expansion de notre Univers et en conséquence de son refroidissement, nous pouvons correctement calculer le nombre de WIMPs produit sous ces conditions. Remarquablement, ce calcul nous fournit un nombre de WIMPs qui correspond à la quantité de matière noire observée… Bien, cela semble trop bien pour que cela ne soit pas juste. Le miracle ne s’est pas produit puisque nous n’avons jamais observé de particules WIMP depuis des décennies qu’on les cherche. Si on les découvre ces particules elles seront différentes de ce que l’on présume. »
Il est aussi étonnamment considéré que la partie visible de notre Univers est connue exhaustivement et c’est en fonction de cette considération que l’on infère comment la partie sombre doit s’ajuster : « Il n’y a pas de raison fondamentale que la partie noire de notre monde soit moins divers que la partie visible. On peut même imaginer que la matière noire s’agglutine en étoiles noires, planètes, et vie, qui existeraient entièrement isolés de notre monde. Nous serions ainsi dans la réciprocité d’une obscurité d’un monde pour l’autre. Comment envisager des moyens de détection d’une partie de ce monde qui nous serait aussi absolument obscur ? » Le 08/02/2018 un article a été publié pour confirmer qu’aucun photon noir : élément hypothétique de ce monde obscur, n’a été jusqu’à présent détecté.
La fascination de l’auteur pour « le modèle de matière noire fermement établi (sic) » est telle qu’il est incapable d’évoquer la théorie MOND, développée par le physicien M. Milgrom depuis le début des années 1980, théorie qui n’implique pas l’existence de matière noire, et qui progressivement s’avère être une théorie capable d’être parfaitement prévisionnelle, là où la théorie de la matière noire ne l’est pas. A ce titre il n’est pas possible d’exclure la valeur alternative de cette théorie. Une fois de plus nous constatons, et c’est désagréable voire inquiétant, chacune des parties tenant d’une théorie ou de l’autre s’est installée dans sa propre tranchée et est incapable de prendre en considération les résultats partiels de l’autre. On mesure ici que la fascination anime un tropisme franchement incompatible avec ce qui favorise le cheminement d’une pensée scientifique.
Un autre article du 23/03/2018 dans phys.org qui relate la confiance qu’ont les physiciens en l’aboutissement de leur théorie qu’ils labourent depuis 50 ans mérite d’être analysé. Il s’agit de l’interview de deux membres de l’Université de Rutgers (New Brunswick), l’un est théoricien de la physique des particules et l’autre est expérimentateur de la physique des particules élémentaires. L’un et l’autre nous affirment qu’il n’y a pas de doute possible, ils sont sur la bonne route, l’article le confirme avec son titre : ‘Physicists at crossroads in trying to understand universe’ ; ‘Physiciens au carrefour pour tenter de comprendre l’univers’. Ils évaluent qu’avec le LHC, ils sont dans un domaine d’énergie qui leur permet d’ausculter les premiers instants de l’univers soit à 10-12s après le Big Bang. Ils ont été impliqués dans la découverte du Higgs, élément clé du Modèle Standard. Pour eux le Modèle Standard doit être considéré : « Comme la théorie la plus fantastiquement réussie de tous les temps. Elle est le triomphe de l’intelligence humaine. » Nous ne pouvons qu’être totalement en accord avec cette qualification mais cela ne doit pas conduire par fascination à un tarissement de cette intelligence, au contraire il faut souhaiter que cela provoque une nouvelle vague des capacités créatrices de l’intelligence humaine. C’est selon moi à ce carrefour où nous devrions nous trouver. Or, plutôt que d’être admiratif, voire médusé, du chemin que l’on a parcouru en cinquante années, il est temps de considérer que le Modèle Standard (M.S.) nous a porté au plus loin de ce que l’on peut connaître actuellement mais maintenant il est obsolète pour atteindre un nouveau plus loin.
Il est possible que ce soit ce que pensent les auteurs de l’article : « Le problème c’est qu’en tant que théoriciens, nous sommes victimes de notre propre succès. Le Modèle Standard est tellement couronné de succès que la théorie n’indique pas comment répondre aux questions que nous avons encore. » Il est évident que ces deux phrases se choquent, et elles expriment la difficulté de prendre du recul et de pouvoir penser que les succès obtenus n’ont pas une valeur universelle mais qu’ils sont ceux d’une étape, celle-ci ne permettant pas d’atteindre la prochaine étape avec le(s) même(s) paradigme(s). Contrairement à ce que nous disent les auteurs de l’article nous ne sommes pas avec le M.S. entrain de dévoiler le monde réel mais nous sommes en contact avec un aperçu du monde, aperçu correspondant à nos capacités actuelles de le penser. Le repos sur ses lauriers de la pensée scientifique des physiciens ne peut pas être d’actualité comme ils le pensent : « Le boson de Higgs répond à beaucoup de questions, mais nous n’obtenons pas directement (sic) les indices de cette structure théorique comment les réponses aux questions restantes pourraient être formulées, donc nous sommes à carrefour avec cette quête de 50 années. Nous avons besoin des expériences qu’elles nous fournissent des indications et alors, avec un peu de chance (sic), ces indications seront suffisantes pour nous dire la prochaine structure théorique qui sous-tend le Modèle Standard. » Une fois de plus on est confrontés au fait de ne pas pouvoir considérer que l’absence d’indication(s) est l’indication qu’il faut retenir.
Très récemment une nouvelle publication du 23/03/2018 avec le titre : ‘Cosmic Instability Could Have Created Dark Matter’ ; ‘l’instabilité cosmique aurait pu créer de la matière noire’, montre que dans le cadre du Modèle Standard on peut théoriquement inventer et justifier une très grande variété de matière noire. Cela est possible parce que le M.S., n’est qu’un modèle que l’on tente d’enrichir et de justifier théoriquement avec ce que l’on observe. Ainsi la première image de l’univers, celle du rayonnement fossile ou encore nommée fond diffus cosmologique, est une source voire un cadre de formulation d’hypothèses variées qui doivent, pour être retenues, confirmer et être en phase avec ce que l’on considère avoir décrypté dans cette première image de l’univers. Au sein du M.S. il y a pour les théoriciens beaucoup de degrés de liberté (peu de contraintes) qui autorisent des ajouts d’hypothèses.
Donc dans l’article (dans le Physical Review letters) dont je fais référence il est dit : qu’une hypothèse de l’instabilité du champ de Higgs aurait pu semer l’Univers de trous noirs primordiaux qui servent maintenant de matière noire. En accord avec ce scénario, la matière noire consisterait en une large population de trous noirs qui se seraient formés grâce aux fluctuations du champ de Higgs instable à l’aube de l’Univers. Ces ci-nommés trous noirs primordiaux ont déjà été proposés antérieurement (sic), mais c’est la première fois qu’une hypothèse qui n’implique pas de la physique au-delà du modèle standard est proposée.
Dans leurs calculs les théoriciens explorent les fluctuations du champ de Higgs supposé très intense pendant le tout début de la phase d’expansion de l’Univers, appelée inflation. Moyennant certaines suppositions (c’est à ce niveau, entre autres, que l’on profite des degrés de libertés), ces fluctuations provoquent des effondrements dans certaines régions et produisent les germes de trous noirs microscopiques avec des masses voisines de 1015kg ce qui donne une densité consistante avec les prédictions cosmologiques de matière noire.
Il n’est pas possible de croire que le champ de ce que nous pouvons observer actuellement de notre univers soit fermé. Il vaut mieux considérer qu’avec nos moyens d’observations de plus en plus performants nous allons disposer d’informations de plus en plus riches et supplémentaires sur les objets célestes. Il se pourrait donc que l’antagonisme, matière noire ou pas et celui de MOND ou pas, devienne obsolète. Il se pourrait que nous ne soyons pas si éloignés d’une telle situation. En effet, sur le site de Physics World du 29/03 et de Futura Sciences le 01/03/2018 un article : ‘Galaxy devoid of dark matter puzzles astronomers’ ; ‘Une galaxie dépourvue de matière noire rend perplexe les astronomes’ peut-être nous dit-il qu’il y a déjà matière à cette perspective. Aussi grande que la Voie lactée, DF2 est une galaxie très pauvre en étoiles et, surtout, elle ne contient que très peu de matière noire voire pas du tout. Ce qui est inexplicable dans le cadre du modèle cosmologique standard. Son alternative la plus connue, la théorie Mond, en apporte-t-elle une meilleure description ? C'est le contraire : cette étrange galaxie pourrait même la réfuter.
DF2 est une galaxie, comme on en a déjà observée plusieurs centaines, qui est ultra-diffuse : ‘UDG ‘ en anglais. Sa taille est comparable à la Voie Lactée mais elle n'abrite pas de trou noir central et ne comporte pas de bras spiraux ni de disque. Et elle ne ressemble pas non plus à une galaxie elliptique... Elle semble finalement au moins 400 fois moins riche en matière noire que ce que l'on aurait pu prévoir. Et encore cette valeur n'est-elle qu'un maximum : le minimum pourrait être zéro.
DF2 pose un gros problème au modèle de la matière noire froide, qui, en effet, n'a jusqu'à présent jamais prédit l'existence d'un tel objet. La théorie alternative Mond est encore plus contredite par DF2.
Cette nouvelle énigme qui se présente avec des objets de la catégorie DF2, s’ajoute à celle confirmée il y a 2 semaines à propos du désaccord entre les évaluations différentes de l’ordre de 10% de la vitesse de Hubble étant données les conditions distinctes mais rigoureuses de ces évaluations. Le Modèle Standard est un modèle qui n’offre toujours pas de pistes significatives pour élucider des énigmes devenues anciennes. Il s’agit entre autres de l’énigme de la disparition de l’antimatière, et celle de la nature de la masse du neutrino et de sa faible valeur toujours insaisissable, ainsi que celle de l’unicité ou pas du boson de Higgs. Je fais ce rappel pour indiquer qu’il faudrait sérieusement considérer que le modèle standard de la cosmologie avec l’hypothèse du Big Bang est un modèle qui au bout de 50 ans a épuisé son utilité en tant que référentiel et étape d’auscultation de notre univers. Dorénavant il est la cause d’une crise, peut-être nécessaire si elle favorise le dépassement. Il faut que la pensée des physiciens se libère de ce qui constitue un carcan de cette pensée. Peut-être y sommes-nous. Voir P.S.
P.S. Dans le journal ‘Le Monde’ daté du 4 Avril, il y a un article de deux pages la ‘Matière noire, Clé introuvable de l’Univers’. Il y a un paragraphe qui a particulièrement retenu mon attention puisqu’au risque de vous lasser, à force d’articles, sous des angles multiples je réitère ce même constat : « La communauté scientifique vit donc une crise multiple : il y a une crise du WIMP qu’on ne voit pas dans les détecteurs ; il y a une crise de l’idée favorite des théoriciens, la supersymétrie, qui accompagnait le WIMP ; et il y a une crise de la théorie des cordes qui a besoin de la supersymétrie pour s’appliquer aux particules de matière. C’est typiquement le signal qui annonce un changement majeur…on se demande si cette crise n’est pas en train de nous amener à revoir notre conception de l’espace et du temps. » Est-ce que je peux maintenant m’exclamer, ‘Diantre, je découvre avoir, là-bas, des compères qui ont aussi saisi où se trouve le nœud de la crise ainsi que sa résolution, et non des moindres, entre autres E. Witten qui sous pèse : « L’espace-temps est peut-être maudit » ou N. Seiberg qui déclare que l’espace-temps était « une illusion ». Il aurait ajouté : « Il faut changer nos lois ». Je peux ajouter, non il n’y a rien à changer, mais il faut comprendre que nos lois résultent de notre aperçu du monde avec lequel nous sommes en contact (dépendant de nos capacités instrumentales d’observations), aperçu correspondant à nos capacités actuelles de le penser. Et à la base de cette conception je postule que le sujet pensant est le fondateur de l’espace-temps. Autrement dit l’espace-temps est un propre de l’être humain. Dès lors que N. Seiberg et d’autres accepteront ce fondement, j’ai la conviction que sans changer nos lois actuelles, ils pourront en formuler de nouvelles.