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11 juin 2018 1 11 /06 /juin /2018 12:04

Temps Quantique

            Le temps quantique a été évoqué par C. Rovelli, dans son livre : « L’ordre du Temps » (voir articles précédents), p.161 et autres, de la façon suivante : « Je crois que c’est ce temps thermique – et quantique – qui est la variable que nous appelons « temps » dans notre univers réel (sic), dans lequel une variable temps n’existe pas (sic) au niveau fondamental. » Cette phrase est étonnamment alambiquée car le niveau quantique est considéré comme un niveau fondamental, alors si comme il l’affirme il y a un temps quantique, que penser ? De plus il n’est pas approprié d’évoquer : « notre univers réel », scientifiquement on ne peut évoquer que l’univers tel qu’il nous apparaît, étant donné l’état actuel de nos connaissances.

            Analysons maintenant la référence sur laquelle s’appuie Carlo pour éclairer une conception du temps quantique qui participerait aussi à une appellation du temps qui n’existe pas au niveau fondamental :

P.161 : « Alain Connes, très grand mathématicien français, a eu une intuition brillante sur le rôle de l’interaction quantique à la racine du temps.

            Quand une interaction rend concrète la position d’une molécule, l’état de la molécule est altéré. La même chose vaut pour sa vitesse. Si la vitesse est concrétisée avant la position, l’état de la molécule change de façon différente de ce qui se serait produit si les deux événements advenaient dans l’ordre inverse. L’ordre compte (sic). Si je mesure d’abord la position d’un électron, et ensuite sa vitesse, je change son état de façon différente de ce que j’aurais fait en mesurant d’abord sa vitesse et ensuite sa position.

            On appelle ceci la « non-commutativité » des variables quantiques, parce que la position et la vitesse ne « commutent » pas, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent pas échanger leur place impunément. La non commutativité est l’un des phénomènes caractéristiques de la mécanique quantique. Elle détermine un ordre, et donc un élément minimal de temporalité, dans la détermination des deux variables physiques. Déterminer une variable physique n’est pas une opération inoffensive, c’est une interaction. L’effet de ces interactions dépend de leur ordre, et cet ordre est une interaction. L’effet de ces interactions dépend de leur ordre, et cet ordre est une forme primitive de l’ordre temporel.

            Que l’effet des interactions dépende de l’ordre de leur succession est peut-être précisément un fondement de l’ordre temporel du monde. C’est l’idée fascinante avancée par Connes : le germe premier de la temporalité dans les transitions quantiques élémentaires réside dans le fait que celles-ci sont naturellement (partiellement) ordonnées.

            Connes a donné une version mathématique raffinée de cette idée : il a montré qu’une sorte de flux temporel est défini implicitement par la non-commutativité des variables physiques. »

            Il y a dans cet exposé ci-dessus une extrapolation qui conduit à de la confusion parce que ce sont les opérations de mesure des variables physiques qui ne commutent pas et on ne peut pas inférer sur la non-commutativité des variables physiques comme cela est affirmé.

            Cette remarque ne correspond pas à une volonté de chipotage mais respecte un des concepts fondamentaux prévalant aux bases non contredites de la physique quantique car à l’échelle de celle-ci l’objet en soi est inaccessible directement à notre connaissance et nous devons intervenir activement (instrumentalement) dans tout acte de connaissance des grandeurs qui caractérisent l’objet. Heisenberg a toujours affirmer que la séparation radicale entre l'«objet» et l'observateur à travers ses appareils de mesure est vraiment illusoire ainsi que parler de l’évolution d’un ensemble quantique entre deux mesures n’a pas de sens. Ainsi, il faut considérer que c’est l’ordre de l’intervention de l’observateur qui n’est pas commutatif puisque la mesure des variables conjuguées exige des dispositifs expérimentaux incompatibles.

Comment est-ce possible de considérer qu’il y aurait a priori de l’ordre dans la nature ? Cet ordre qui nous apparaît ne peut être que provisoire et il n’est que le reflet de la méthode d’investigation humaine qui ne peut être que pragmatique et progressive et évolutive au fur et à mesure des avancées de nos connaissances. Penser que la nature serait intrinsèquement ordonnée révèlerait une sorte d’anthropomorphisme qui parasiterait la liberté intellectuelle essentielle qui anime le désir d’enquête, le désir de savoir. L’être humain cherche à savoir parce qu’il s’interroge : « Parmi tous les possibles qui sont dans la nature quels sont ceux que je peux, avec mon bagage actuel, saisir ? »

            En conséquence à ce stade je considère qu’il n’est pas possible, en évoquant les travaux théoriques d’A Connes, d’inférer du ‘Temps intrinsèque de nature Quantique’. Cette évocation me semble d’autant moins plausible en prenant en compte la philosophie Kantienne qu’ici, avec cette citation, je fais mienne : « C’est nous-mêmes qui introduisons de l’ordre et de la régularité dans les phénomènes, que nous nommons nature, et nous ne pourrions les y trouver, s’ils n’y avaient été mis originairement par nous ou par la nature de notre esprit. » Cette citation, je la fais mienne parce qu’il me paraît évident que les « nous-mêmes qui introduisons… » évoluent avec les nouvelles connaissances mises en lumière. En ce sens en s’enrichissant la « nature de notre esprit » évolue et ce sera, par la suite, sur la base d’un nouvel ordre et d’une nouvelle régularité que la nature sera interrogée.  

            Je souhaite aussi reprendre une partie du livre de C. Rovelli qui cite A. Connes, p.164, à propos de son roman co-écrit : ‘Le théâtre quantique’. Puisqu’il propose un croisement avec ce qui est pensé dans un roman de fiction c’est que cela n’est pas, pour lui, aussi fictif et cet extrait reflèterait une pensée digne d’intérêt dans le livre de Carlo, en tous les cas pourrait nourrir une réflexion.

« Dans le roman de science-fiction d’Alain Connes : Charlotte, l’héroïne, réussit pendant un instant à percevoir intégralement l’information du monde, sans aucun flou.

Charlotte arrive à « voir » directement le monde au-delà du temps : « J’ai eu cette chance inouïe d’expérimenter une perception globale de mon être, non plus à un moment particulier de son existence, mais comme un ‘tout’. J’ai pu comparer sa finitude dans l’espace contre laquelle personne ne s’insurge et sa finitude dans le temps qui nous pose problème. »

            Elle retourne ensuite dans le temps : « J’avais l’impression de perdre toute l’information infinie prodiguée par la scène quantique, et cette seule perte m’entraînait irrésistiblement dans le fleuve du temps. » L’émotion qui en découle est une émotion du temps : « J’ai ressenti cette émergence du temps comme une intrusion, source de confusion mentale, d’angoisse, de peur, de dissociation. »

            On retrouve avec cette citation une antienne ambition du physicien qui est convaincu que son domaine de connaissance a vocation de hisser le ‘sujet pensant’ jusqu’au savoir absolu, universel, jusqu’au savoir englobant le ‘Tout’. L’histoire du développement de la connaissance en physique est jalonnée de ces carrefours où le plus réputé de la classe des physiciens de l’époque annonçait à ses pairs : encore un coup de rein, encore une bonne idée, encore quelques détails à régler et la théorie et les équations qui embrasseront le ‘Tout’ est à notre portée. Il est vrai que les savoirs en science physique émergent suivant un processus d’une rationalité très forte dans le cadre d’un langage mathématique qui pourrait être considéré comme un langage universel. Certes, langage qui a une certaine universalité, exactement celle que les êtres humains sont en mesure de concevoir, mais ce langage n’est absolument pas un don de la nature comme le postule le mythe platonicien. Mythe, dont son essence est d’atteindre aussi, en toute plénitude, l’idéal de la contemplation comme Charlotte en aurait été furtivement témoin : « Charlotte, l’héroïne, réussit pendant un instant à percevoir intégralement l’information du monde, sans aucun flou. » Et le temps serait le grand faucheur qui impose le flou.

Que C. Rovelli fasse appel à cet argument d’appoint, de son ami A. Connes, pour résumer son sujet de recherche et sa pensée n’est pas banal. Voilà pourquoi, je n’ai pas pu me retenir d’écrire cet article aussi spécifique sur le temps quantique parce que nous avons sous les yeux l’annonce que l’émergence du temps est comme une intrusion et source de confusion mentale… Alors que selon mon hypothèse le temps est un propre de l’homme, et il n’y a pas d’autre univers qui soit que celui qui est éclairé par le discours scientifique de l’homme. Dans le futur, il sera intéressant de voir comment des hypothèses aussi parfaitement antipodiques évolueront.

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