Quelques nouvelles récentes du ciel
1 - Celles du ciel de notre galaxie : celles-ci sont obtenues grâce à la croissance extraordinaire de la performance des instruments en astrophysique. En l’occurrence, l’instrument, entre autres[1], qui nous permet d’obtenir une connaissance plus assurée de la physique en jeu au cœur de la Voie Lactée s’appelle GRAVITY[2]. Cet instrument est en activité depuis 2016 et il permet l’observation avec une précision inégalée des propriétés physiques que met en jeu le trou noir supermassif, distant de la Terre de 25000 années-lumière, et occupant le centre de notre galaxie. Ces observations sont une réussite technique d'autant plus significative que la communauté scientifique a pu suivre l’évolution de l'étoile S2 ayant une orbite elliptique autour du trou noir supermassif (Sgr A*) passant le 18 Mai 2018 au plus près de ce dernier (périastre), à seulement une distance de 18 heures-lumière soit 120 fois la distance Terre-Soleil, soit encore 1500 fois le rayon de Schwarzschild du trou noir. Dans cette position spécifique S2 parcourt sa trajectoire à presque 2,7 % de la vitesse de la lumière soit 8.000 km/s.
L’objectif de cette observation étant d’évaluer si dans ces conditions extrêmes les prédictions de la loi de la relativité générale sont encore correctes. Plusieurs articles viennent d’être publiés et ils rendent compte d’une confirmation de la validité de la loi lorsque le champ gravitationnel devient de plus en plus intense au fur et à mesure que l’on avoisine Sgr A* qui concentre une masse égale à 4 millions de fois la masse solaire.
Cela fait plus de vingt ans que les astronomes suivent l’évolution de l’étoile S2 sur sa trajectoire autour de notre trou noir supermassif. Lorsque S2 réalisa en 2002 sa précédente approche au plus près du trou noir les télescopes n’étaient pas suffisamment précis pour réaliser les mesures nécessaires. En 2018, au passage au périastre, on a pu constater le décalage gravitationnel vers le rouge. La lumière émise par l'étoile est étirée vers de plus grandes longueurs d'onde par l'intense champ gravitationnel généré par le trou noir. Et la variation de longueur d'onde de la lumière issue de S2 est en parfait accord avec celle déduite de la théorie de la relativité générale d'Einstein. Des tests très concluants avaient déjà été réalisés dans le cadre du champ gravitationnel terrestre mais ce test en champ gravitationnel aussi élevé est une première. A propos de ce résultat remarquable, L. Sacco dans Futura Science (26/07) exprime un point de vue que je veux privilégier et que je reprendrai dans un article à venir. De toute façon il est à méditer présentement au pied de la lettre et j’invite les lecteurs à se considérer concernés par ce qui suit car il y là une concentration pertinente de problématiques qui concerne le ciel de la pensée humaine : « La théorie d’Einstein de la relativité générale est plus que centenaire. Bien plus que pour son découvreur, elle témoigne de la mystérieuse capacitée de l'esprit humain à anticiper la structure de la réalité, bien loin de l'univers quotidien qui a accompagné l'évolution du cerveau d'Homo, en se basant sur des mathématiques qu'on n'y trouve pas. Toute confirmation des prédictions de la relativité générale peut être vue comme un triomphe mais également comme un désastre car on attend impatiemment de pouvoir arpenter et comprendre de nouveaux aspects plus profonds et plus vastes du cosmos. Cela serait justement possible si la théorie d'Einstein montrait ses limites. »
Le décalage, observé, vers le rouge d’origine gravitationnel des photons émis par l’étoile S2, laisse penser à une réduction d’énergie de ceux-ci car ils s’extraient avec difficulté de l’intense champ gravitationnel de Sgr A*. Cette explication est en accord avec le fait que la relativité générale met en évidence une interdépendance fondamentale entre matière, espace et temps et en l’occurrence l’écoulement, le battement (tic-tac), du temps ralentit plus le champ de matière est élevé. En conséquence T, la période temporelle du photon s’accroit à cette occasion. Et la longueur d’onde de la lumière λ = CT augmente d’où le décalage vers le rouge.
Une autre confirmation de la relativité générale est attendue : d’ici un an ou deux, il est attendu de constater que la trajectoire de S2 commence à diverger doucement de celle suivie dans le cycle précédent d’il y a 16 ans. Ce phénomène prédit est celui de la précession de Schwarzschild correspondant à un décalage d’une petite valeur de l’axe de rotation de l’orbite de l’étoile. Son équivalent déjà constaté en champ bien plus faible correspond à la fameuse précession relativiste du périhélie de Mercure qui fut la première confirmation (1915) de la validité de la loi de la relativité générale.
De plus, espérons que ce qui nous est annoncé depuis l’an passé, c’est-à-dire une image de l’ombre de Sgr A* soit publiée. Dans ce cas nous espérons obtenir une image qui permettra d’observer les distorsions extrêmes de l’espace-temps au voisinage de la ligne d’horizon des événements, là où le champ gravitationnel est à son acmé dans notre galaxie. Il était prévu qu’un premier résultat soit publié au plus tard en Mai, toutefois nous avons obtenu un message de report de résultat car il semblerait que le dispositif mis en place pour obtenir cette image est difficile à maitriser. Rappelons qu’il s’agit de mettre en réseau de très nombreux télescopes qui se trouvent en activité sur tous les continents afin d’obtenir l’équivalent d’un télescope récepteur de la dimension de la Terre. Souhaitons que d’ici la fin 2018 nous ayons un résultat sinon considérons que le défi posé est encore prématuré.
2 - Des nouvelles récentes du ciel de notre Univers : celles-ci ne nous offrent pas le même enthousiasme car pour ce qui concerne l’étude de l’émergence du ciel de notre univers nous sommes toujours dans l’expectative car une étape vient d’être révolue et la prochaine est encore dans une phase de définition. L’étape révolue est marquée par la dernière publication dans la semaine du 16 juillet des dernières cartes de l’univers précoce obtenues par le satellite Planck.
Le satellite Planck qui a collecté ses données entre 2009 et 2013 est considéré comme l’instrument spatiale (après COBE et WMAP) qui nous a permis d’obtenir les données les plus précises jusqu’à présent. Ainsi l’âge de notre Univers est de 13,8 milliards d’années, sa géométrie est essentiellement euclidienne, et à 95% il est composé de matière noire et d’énergie sombre (sic). Les dernières données confirment que Planck évalue une expansion de notre Univers plus lente de 9% que celle couramment déterminée actuellement grâce à des techniques nouvelles et sur une période de l’évolution de l’univers bien plus récente (les 5 milliards d’années en amont de notre présent).
Les physiciens ont à leur disposition une carte des plus précises de la variation de la température du fond diffus cosmologique (cosmic microwave background : (CMB), fond cosmique micro-onde), ce grand achèvement doit être approfondi pour aller de l’avant.
Pour l’instant aucun projet majeur de continuation de cette étude n’est en vue avec des moyens identiques. Ce qui pourrait conduire à un désastre scientifique car il y a tout un savoir-faire et une capacité d’expertise qui se perdront. La tendance serait plutôt de mettre en œuvre des missions plus petites concentrées sur des mesures plus détaillées d’autres paramètres du CMB, incluant sa polarisation. Avec l’obtention éventuelle de cette donnée, les chercheurs espèrent déduire une signature de l’inflation : cette période très brève au tout début de l’univers qui aurait connu une expansion exponentielle.
Le CMB a certainement encore beaucoup de secrets à nous révéler. Mais avec quels moyens ? L’Europe et les Etats Unis refusent de s’engager financièrement sur de gros projets. Les équipes de chercheurs doivent donc concevoir des projets modestes mais très ciblés sur des quêtes spécifiques d’informations. Les réseaux de télescopes terrestres ont la cote. Des projets de coopération plus amples sont aussi proposés incluant le Japon et/ou l’Inde.
Le CMB a certainement encore beaucoup de secrets à nous révéler est la conviction actuelle de la très grande majorité des physiciens travaillant sur ce sujet. Juste avant le lancement du satellite Planck, la très grande majorité de ces physiciens pensaient qu’ils obtiendraient avec cet instrument un référentiel d’informations parfait et complet permettant de décrire notre Univers qui n’aurait plus de secret pour l’humanité. Heureusement cela n’est pas ainsi, la tâche n’est pas achevée, au contraire nous découvrons qu’il y a encore beaucoup de secrets à dévoiler c’est ce dont nous devons nous satisfaire car cela oblige l’intelligence humaine à se maintenir en éveil. Le ciel de l’Univers et le ciel de l’esprit humain sont dans une interdépendance parfaitement harmonieuse.
[1] De nouvelles observations effectuées dans le domaine infrarouge par les instruments de très grande sensibilité, GRAVITY (2), SINFONI et NACO installés sur le Very Large Télescope de l'ESO (VLT), ont permis aux astronomes de suivre, au cours du mois de mai 2018, le mouvement de l’étoile baptisée S2.
[2] Le développement de l'instrument GRAVITY résulte d'un partenariat entre l'Institut Max Planck pour la Physique Extra-terrestre (Allemagne), le LESIA à l'Observatoire de Paris , PSL / CNRS / Sorbonne Université / Université Paris Diderot et l'IPAG à l'Université Grenoble Alpes / CNRS (France), l'Institut Max Planck pour l'Astronomie (Allemagne), l'Université de Cologne (Allemagne), le Centre d'Astrophysique et de la Gravitation (CENTRA, Portugal) et l'ESO.