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9 décembre 2018 7 09 /12 /décembre /2018 12:15

Le syndrome de l’oiseau-lyre

            A la fin d’octobre un article dans le New Scientist annonçait : ‘Doutes graves sur les ondes gravitationnelles découvertes’, par le détecteur LIGO, produites par la fusion de deux trous noirs. Le 15 octobre 2015, l’interféromètre LIGO (situé aux Etats Unis) avait réalisé cet enregistrement et la publication officielle de ce résultat fut assurée en février 2016 après de long mois d’auscultation et de traitement du signal enregistré afin de garantir une valeur scientifique à l’événement.

            Ce fut avec beaucoup de stupeur quand le doute fut publiquement instillé, 2 ans et ½ après, par une équipe de chercheurs de l’Institut Niels Bohr de Copenhague. Ils instillèrent l’idée que l’équipe de LIGO avait exploité une technique « autoréalisatrice ». Ce type d’équivoque n’est pas impossible, surtout quand il s’agit d’une première détection annoncée comme théoriquement possible depuis plus d’un siècle. Mais après lecture de l’article démolisseur, je n’avais pas été convaincu par les arguments semant le doute car il y avait un mélange d’arguments critiquant la méthode avec d’autres qui semblaient chercher la petite bête et donc non recevables. Le risque d’une technique autoréalisatrice n’est pas négligeable car préalablement à la détection et à la publication ont été simulés tous les cas de figures de fusion de trous noirs à toutes les distances possibles de la terre. Cette base de données constituée pendant une dizaine d’années a été réalisée en exploitant les équations de la Relativité Générale, seul outil théorique actuellement à notre disposition. Cette base de données est riche de tous les ‘signaux calibres’ de vibrations possibles de l’espace-temps engendrées par la fusion de trous noirs. Et c’est lorsqu’il y a une très bonne superposition entre le signal enregistré par l’instrument et celui de la base de données que l’on considère être face à un événement réel doté des paramètres publiés. Est-ce suffisant ? pas tout à fait car après tout, un signal peut avoir un certain nombre de caractéristiques qui font penser à… sans qu’il soit pour autant à ce que l’on pense.

            Heureusement, il y eut un autre événement bien plus riche en informations reçus par plusieurs détecteurs de natures différentes. Cela s’est produit le 17/08/2017 et cet événement a correspondu à une fusion de 2 étoiles à neutrons. Cette fusion a produit en plus de la vibration gravitationnelle (vibration de l’espace-temps), des flashs de lumière avec des longueurs d’onde différentes et leurs propagations ont été réceptionnées par plusieurs télescopes alertés de cette occurrence et de plus l’observation d’une fusion nucléaire éphémère a été constatée. Cet événement multimessages a en même temps, évidemment, fiabilisé les résultats précédents obtenus par LIGO. Enfin, et c’est très important, cette fusion peut être situé spatio-temporellement avec une très grande précision ce qui permet d’organiser un suivi des phénomènes secondaires.

Malgré la valeur nouvelle et renforcée, à cette occasion, à la fois du résultat, de la fiabilité de l’instrument, de la technique et de la méthode du travail de l’équipe LIGO, l’équipe de Copenhague continue de maintenir ses griefs.

Pendant ce temps, une équipe Australienne avec d’autres, a obtenu de réanalyser toutes les données enregistrées par LIGO en 2017 et grâce à des techniques de calcul encore améliorées, et après 15 mois de recherche, d’auscultation méticuleuse des données, elle a découvert 4 fusions supplémentaires de trous noirs enregistrés entre fin juillet et fin aout 2017 (sic). Dont l’une est phénoménale (29/07/2017) puisque le trou noir résultant est de 80 masses solaires avec la conversion instantanée de 5 masses solaires en une énergie qui a violemment secoué l’espace-temps environnant et donné naissance aux ondes gravitationnelles qui ont commencé à se propager. Il a été aussi calculé que la fusion s’est produite il y a plus de 5 milliards d’années, soit avant que notre propre système solaire ne se forme dans la Voie Lactée. Les trois autres fusions de trous noirs ont été détectées entre le 9 et le 23 Août 2017 situées entre 3 à 6 milliards d’années et produisant des trous noirs finaux avec une masse de 50 à 60 fois celle de notre soleil. Avec l’observation de ces phénomènes on rencontre une parfaite illustration du paradigme explicite inscrit dans la loi de la Relativité Générale : Matière (énergie) – Espace – Temps, les traits d’unions rappellent l’interdépendance entre la matière, l’espace et le temps.

On peut s’étonner de cette fréquence de fusions de trous noirs, puisqu’avant octobre 2015 on n’avait jamais rien observé, et les chercheurs de Copenhague exploitent cette situation pour étayer leurs arguments qui expriment un doute négatif car pour eux ce serait la preuve de la détection de bien d’autres sources de vibrations (par ex. tremblement de terre ou autres secousses dans l’espace). On peut aussi avoir un sentiment de doute… mais positif car il n’est pas impossible qu’au bout du compte il y ait dans l’univers un tel tumulte d’événements cataclysmiques. C’est un avenir proche qui nous le dira car nous sommes encore dans la préhistoire de la détection des ondes gravitationnelles. Plusieurs autres détecteurs (3) sont en cours de construction et lorsqu’ils seront mis en réseau cela permettra d’obtenir d’excellents progrès.

La publication de ces résultats tout neufs du 4/12, s’est faite avec précaution, avec force d’arguments et de pédagogies. Un tableau récapitulant les 11 signaux significatifs enregistrés par LIGO depuis 2015 a été publié. La méthode permettant d’annoncer ces résultats avec une grande fiabilité scientifique a été préalablement exposée à des pairs au cours d’ateliers de travail. C’est tout bénéfice pour nous parce que l’équipe LIGO est obligée de fournir des informations plus complètes qui justifient leurs annonces sous la pression de ceux qui les contestent.

Un article de David Blair datant du 04/12 est révélateur de cette volonté de rendre publique tout le contexte dans lequel l’équipe travaille afin d’écarter toute publication d’un fait alors qu’il ne serait qu’une illusion. J’en propose une traduction partielle ci-après :

« Ainsi quel est notre degré de confiance lorsque nous détectons des ondes gravitationnelles et que ce n’est pas une illusion ?

Tous les bons scientifiques comprennent que l’examen méticuleux et le scepticisme constituent le pouvoir de la science. Toutes les théories et les connaissances sont provisoires, elles évoluent au fur et à mesure d’un processus d’un meilleur accès à la vérité. Il n’y a aucune certitude, il y a seulement probabilité et signification statistique.

Il y a de nombreuses années, l’équipe de recherche de LIGO a calculé préalablement le niveau de signification statistique nécessaire pour faire l’annonce d’une détection.

Pour chaque signal nous déterminons le rapport de l’alarme qui serait erroné. Cela nous donne combien d’années nous avons besoin d’attendre avant qu’il y ait une chance d’un signal aléatoire imitant le signal réel. Le signal le plus faible détecté jusqu’à maintenant peut avoir une fausse alarme chaque 5 années, donc il y a toujours une chance qu’il aurait pu être accidentel.

Les autres signaux sont plus robustes. Pour les 3 plus forts signaux détectés jusqu’à maintenant on devrait attendre entre 1000 fois et des milliards de fois l’âge de l’univers pour qu’ils se produisent par chance !!

Savoir quoi écouter.

La détection des ondes gravitationnelles est un peu semblable à de l’acoustique ornithologique. Imaginons que nous étudions les oiseaux et que nous voulions déterminer une population d’oiseaux dans la forêt. Nous connaissons le chant de chacune des espèces d’oiseaux.

Quand un chant d’oiseau correspond au chant prédéterminé, nous sommes satisfaits. Sa force nous dit à quelle distance il se trouve. S’il est très faible à l’égard du bruit de fond nous sommes incertains.

Mais de toute façon nous devons considérer l’oiseau lyre qui imite les autres espèces. Comment savons-nous que le chant du Kookaburra n’est pas produit par l’oiseau lyre ? Nous devons être très rigoureux avant de déclarer qu’il y a un kookaburra dans la forêt. Malgré cela nous devons être en confiance si nous faisons de nouvelles détections.

Dans le cas des ondes gravitationnelles nous utilisons des sons mémorisés appelés gabarits. Il y a un unique son pour la fusion de chaque combinaison des masses et des rotations possibles de trou noir. Chaque gabarit est créé en utilisant la théorie d’Einstein de l’émission des ondes gravitationnelles.

Pour éviter que des signaux nous échappent ou pour éviter d’annoncer des faux positifs enregistrés, la plus grande rigueur est nécessaire pour analyser les données. Des équipes importantes scrutent les données, cherchent les défauts, se critiquent entre elles, vérifient les codes informatiques et finalement revoient les publications pour plus de précisions. Les équipes séparées utilisent des méthodes différentes d’analyses et finalement comparent leurs résultats.

Avant que LIGO fasse sa première annonce publique, 2 signaux supplémentaires avaient été détectés d’une façon crédible. Ceci avait augmenté notre confiance et nous indiqua qu’il y avait une population de trous noirs qui entraient en collision dans le cosmos. Le premier était si correspondant à un gabarit, mais faible, que nous avons passé beaucoup de temps à nous assurer que ce n’était pas un hacker qui nous avait délibérément joué un mauvais tour.   

Notre bilan : pour chaque signal nous avons déterminé la masse des deux trous noirs entrant en collision, la masse du nouveau trou noir créé, et assez approximativement la distance et la direction de la collision.

Huit des 20 trous noirs initiaux ont des masses entre 30 et 40 masses solaires, six sont dans la vingtaine, trois dans l’adolescence et seulement deux sont dans les 7 à 8 masses solaires. Seulement un est proche des 50, le plus gros des trous noirs jamais détecté.

LIGO et VIRGO (interféromètre Européen situé en Italie mais n’ayant jusqu’à présent aucune autonomie de détection) améliorent leur sensibilité respective année après année et trouveront beaucoup plus d’événements à partir d’avril 2019, lorsqu’ils seront à nouveau en état de fonctionner. Avec d’autres nouveaux détecteurs en construction nous anticipons une sensibilité dix fois plus grande. Alors nous espérons être en mesure de détecter des signaux à peu près chaque 5 minutes(sic). »

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