Aux chevets de...
En premier lieu au chevet du Modèle Standard de la physique des particules élémentaires, chevet tel qu’il est présenté, dans la revue ‘Cern Courier’ du 10/01/2020, par John Ellis dans un interview, lequel est introduit en ces termes : « John Ellis réfléchit sur 50 ans passés à travailler à l'avant-garde de la physique théorique des hautes énergies et si le domaine est enfin mûr pour un changement de paradigme. » Je confirme qu’Ellis est très bien placé pour évoquer cette période car il fut un de ceux qui en tant que théoricien a poussé jusqu’à l’extrême… la logique mathématique du Lagrangien du Modèle Standard.
Je cite ci-dessous le dernier paragraphe de cet interview traduit par mes soins ainsi que sa version originale :
« Les ondes gravitationnelles vont nous en dire beaucoup sur l'astrophysique, mais il n'est pas si évident de savoir si elles nous en diront sur la gravité quantique (sic). Le boson de Higgs, quant à lui, nous dit que nous avons une théorie qui fonctionne fantastiquement bien, mais laisse de nombreux mystères - tels que la matière noire, l'origine de la matière, les masses des neutrinos, l'inflation cosmologique, etc - toujours présents. Il s'agit d'un mélange de problèmes théoriques, phénoménologiques et expérimentaux suggérant la vie au-delà du Modèle Standard (SM). Mais nous n'avons pas de panneaux indicateurs clairs (sic) aujourd'hui. Les chats théoriques errent dans toutes les directions, et c'est bien, parce que peut-être l'un des chats trouvera quelque chose d'intéressant. Mais il y a encore un dialogue en cours entre la théorie et l'expérimentation, et c'est un dialogue qui est peut-être moins un monologue qu'il ne l'était lors de la montée du SM et de la relativité générale. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés pour aller au-delà des paradigmes actuels en physique fondamentale sont les plus difficiles auxquels nous ayons encore été confrontés, et nous allons avoir besoin de tout le dialogue que nous pouvons rassembler entre théoriciens, expérimentateurs, astrophysiciens et cosmologistes. »
« Gravitational waves are going to tell us a lot about astrophysics, but whether they will tell us about quantum gravity is not so obvious. The Higgs boson, meanwhile, tells us that we have a theory that works fantastically well but leaves many mysteries – such as dark matter, the origin of matter, neutrino masses, cosmological inflation, etc – still standing. These are a mixture of theoretical, phenomenological and experimental problems suggesting life beyond the SM. But we don’t have any clear signposts today. The theoretical cats are wandering off in all directions, and that’s good because maybe one of the cats will find something interesting. But there is still a dialogue going on between theory and experiment, and it’s a dialogue that is maybe less of a monologue than it was during the rise of the SM and general relativity. The problems we face in going beyond the current paradigms in fundamental physics are the hardest we’ve faced yet, and we are going to need all the dialogue we can muster between theorists, experimentalists, astrophysicists and cosmologists.”
J’ai passé une grande partie du mois de Décembre et de Janvier à être au chevet du Modèle Standard de la Cosmologie au cours de mes séminaires car des résultats récents, concentrés rien que sur l’année 2019, obligent à s’interroger sur les limites de la validité de celui-ci.
Le premier résultat qui bouscule très sérieusement est relatif à l’obtention de 2 valeurs distinctes de la constante de Hubble, l’une correspondant à l’univers primordial : 68 km/s/Mpc et l’autre 74km/s/Mpc correspondant à l’univers actuel. Tout a été vérifié, recalculé, et en juillet les impétrants concernés par ce sujet se sont réunis pour constater que contrairement à toute prévision théorique ces deux valeurs différentes sont effectives et ne peuvent être imputées ni à des erreurs de mesure ni à des erreurs de calcul (voir article du 05/12/2019). La constante de Hubble exprime la valeur du taux (vitesse) d’expansion de l’univers, cette constante fait partie de l’architecture centrale du Modèle Standard. En conséquence ces deux valeurs obtenues à des moments franchement distincts de l’évolution de notre univers met à mal l’idée d’une unique architecture de celui-ci.
Le deuxième résultat récent qui est troublant est relié à l’annonce publiée le 04/11/2019 par une équipe de physiciens, ayant repris les données recueillies par le satellite Planck et depuis republiées en 2018 avec des résultats améliorés, qui découvrent que contrairement à ce qui est admis couramment notre univers ne serait pas Euclidien[1] (plat) mais sphérique (fermé). Si cela était confirmé ce serait la fin de ce qui adviendrait comme une légende. Et ce n’est pas bon pour le Modèle Standard.
Le troisième résultat qui est, dans la durée, de plus en plus étayé, a comme perspective de remettre en cause l’énergie sombre. En effet l’auteur de la publication du 4/11/2019 : Subir Sarkar affirme que l’accélération de la vitesse de l’expansion de l’univers, telle qu’elle est considérée est un artéfact. En s’appuyant sur les travaux de plusieurs équipes d’astrophysiciens, il est en mesure d’affirmer que les 75 Supernovae type1a (SN1a) qui ont été la référence pour officialiser scientifiquement l’énergie sombre en 1998 ne peuvent pas constituer un échantillon de référence et les 750 qu’il étudie actuellement infirment cette hypothèse. Selon les travaux de l’équipe de S. Sarkar, l’accélération observée en 1998 est une accélération au sein de l’univers local dans un volume significatif mais ne concernerait pas du tout l’univers dans son ensemble. Si ce résultat devenait officiel, ce serait 68% de ce qui compose l’univers actuellement qui serait gommé. Facile d’imaginer la révolution que cela engendrerait.
Enfin le dernier article du 6/01/2020 a un titre explicite : « De nouveaux éléments de preuve montrent que l'hypothèse clé faite dans la découverte de l'énergie sombre est erronée. », alors qu’il relate une étude très différente qui est basée sur le questionnement de la validité de l’hypothèse que les SN1a peuvent être considérées comme des chandelles standards. La réponse est : « hypothèse non valide » Si par ce biais là il y a aussi erreur majeure, le tremblement sera encore amplifié.
Faisons un retour aux propos de John Ellis, qui fait une liste partielle des mystères scientifiques qui ont été générés ces cinquante dernières années : « Mais laisse de nombreux mystères - tels que la matière noire, l'origine de la matière, les masses des neutrinos, l'inflation cosmologique, etc - toujours présents. » et qui conclut son propos par : « Les problèmes auxquels nous sommes confrontés pour aller au-delà des paradigmes actuels en physique fondamentale sont les plus difficiles auxquels nous ayons encore été confrontés, et nous allons avoir besoin de tout le dialogue que nous pouvons rassembler entre théoriciens, expérimentateurs, astrophysiciens et cosmologistes. »
Premièrement, je considère que la longueur de la liste des mystères est directement corrélée au nombre d’extrapolations abusives voire superficielles et opportunistes de certains développements théoriques (voir mes articles sur les neutrinos dès le début de la création de mon blog) et l’accumulation ainsi que l’enchevêtrement des mystères affaiblissent maintenant notre capacité de discernement des vraies failles des Modèles Standards. A la fin du XIXème siècle la situation de crise en physique était centrée sur un seul sujet, celui de la vitesse de la lumière, après les résultats de A. Michelson et E. Morley obtenus en 1887. Il fallut attendre qu’en 1905 A. Einstein invente l’authentique paradigme de la relativité de l’espace et du temps qui permette de résoudre le mystère tenace de la vitesse de la lumière qui s’est imposée comme constante universelle. Et on sait comment par la suite la bobine s’est déroulée.
Depuis qu’il y a eu l’illusion d’une perspective d’une ‘Théorie du Tout’ qui a engendré une marche forcée d’annonces théoriques mais sans lendemain, cet horizon continue, malgré tout, d’être toujours scruté. Le savoir absolu, finalisant, comme, sur une période, l’a caressé S. Hawking doit être définitivement considéré comme une chimère. En physique, il n’y a pas de moment du Graal. Notre ligne directrice la plus fertile est celle qui est engendrée par une dynamique d’évolutions de nos connaissances qui conforte et/ou rectifient les précédentes. Cette escalade est, par elle-même, à coup sûr motivante. Creuser l’inconnu pour que la lumière de l’intelligence de Sapiens atteignent toujours de nouveaux recoins de l’univers est source d’une énergie intellectuelle suffisante en soi.
Je propose que l’on médite sur l’article du 16/01/2020, dans ‘Nature’, ayant pour titre : « Combien la physique quantique est effrayante ? La réponse pourrait être incalculable. » ; « How ‘spooky’ is quantum physics ? The answer could be incalculable. » Dans l’article de synthèse de Castelvecchi, il est précisé que des physiciens ont tenté d’évaluer jusqu’à quel degré ‘l’action fantôme à distance’ (spooky action) continue d’être un pis-aller pour rendre de la propriété de l’intrication. Rappelons que cette expression recouvre, depuis Einstein, l’incapacité d’expliquer rationnellement la propriété de l’intrication.
Le questionnement actuel sur cette énigme est le suivant : jusqu’où cette apparente coordination miraculeuse de la nature entre deux objets distants s’impose ? Des physiciens théoriciens munis d’outils mathématiques pures et algorithmiques ont cherché à répondre à la question en repoussant dans ces ultimes retranchements les données de l’énigme et la réponse à la question est : « Inconnaissable » Avec ce résultat (publié dans un article de 165 pages) on constate que ces physiciens ont gratté l’os de la connaissance jusqu’au stade où celle-ci devient rédhibitoirement impossible. Ce résultat du savoir inconnaissable est clairement annoncé depuis 1931 par K. Gödel, son théorème de l’incomplétude nous informe qu’aucune théorie mathématique formelle ne peut s’autojustifier avec ses moyens propres et il est impossible de montrer la validité ou la fausseté à l’intérieur de la théorie en question pas plus que sa cohérence. Etant dans l’impossibilité d’expliquer l’intrication avec des arguments physiques vouloir la décrire par le biais de la logique mathématique constitue une alternative vraiment acceptable. Mais il se trouve que l’incomplétude décelée en mathématique depuis 1931 et depuis jamais contredite (au contraire) rejaillit sur la physique et ce n’est pas surprenant. Surtout sur cette affaire de la ‘spooky action’
A l’origine de ce sujet traité aujourd’hui, il se trouve un article de 1976 de A. Connes, utilisant le langage des opérateurs, article dans lequel il demande si des systèmes quantiques avec une infinité de variables mesurables peuvent être approximés par un nombre fini. La réponse des auteurs d’aujourd’hui est : Non. Il est impossible de calculer la quantité de corrélations que deux tels systèmes peuvent manifester à travers l’espace quand ils sont intriqués. Un des physiciens commente ce résultat, qui le surprend, en osant affirmer : « La Nature est dans un certain sens fondamentalement finie (sic). » Je considère qu’il est vraiment inquiétant qu’un physicien puisse dire des choses aussi étriquées et je n’exagère pas en pensant que c’est inquiétant d’être équipé de telles œillères. (Voir article du 22/07/2019). Bref en aucun cas, la Nature ne peut être considérée comme une chose.
Tout ce que je viens de relater ne peut être qualifié de négatif ou pessimiste, l’essentiel étant de trouver la bonne direction, en écartant tous les faux amis relatifs au savoir complet et suffisant qui nous permettraient comme l’avait prétendu S. Hawking : ‘Occuper la place de Dieu.’ De toute façon, n’ayons pas la mémoire courte car K. Gödel, depuis 1931, a, pour nous, écarté toute ambition parasite à la connaissance éclairante.
Il se trouve que le hasard puisse coordonner étonnamment les choses puisqu’aujourd’hui même, dans le site ‘Techno-Science’ est publié l’article suivant : « Une expérience sur le phénomène quantique "fantôme" pourrait résoudre un mystère de la physique » Cet article nous indique l’écart des préoccupations entre les physiciens théoriciens et expérimentateurs, ceux-ci cherchant surtout à appliquer bien qu’il y ait une faille extraordinaire de la connaissance. Dans ces conditions, est-ce que l’on peut construire quelque chose de solide dans la durée ? En lisant l’article ci-dessous en copie on mesure la portée de l’aventure. On n’oublie pas de prendre en considération le fait que c’est avec la propriété de l’intrication, que pour la première fois, les physiciens sont confrontés à une énigme si tenace tout au moins dans la durée.
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Publié par Redbran le 27/01/2020 à 08:002
Des chercheurs ont réussi à montrer l'une des caractéristiques les plus complexes de la mécanique quantique à une plus grande échelle. Leur étude pourrait ouvrir la voie à des technologies révolutionnaires telles que les ordinateurs quantiques et de nouveaux types de capteurs.
Pendant des décennies, les scientifiques ont essayé de prouver que l'une des propriétés les plus étranges de la mécanique quantique n'était pas uniquement une singularité mathématique, mais une caractéristique réelle du monde physique. Ce phénomène, qu'Albert Einstein a nommé "action fantôme à distance", connu également sous le nom d'"intrication quantique", se réfère aux systèmes qui ne peuvent pas être décrits séparément les uns des autres, quelle que soit la distance entre eux.
L'intrication a déjà été démontrée dans des systèmes à échelle microscopique impliquant les photons, les ions, les spins d'électrons, et les dispositifs micro-ondes et électromagnétiques. Mais une équipe de chercheurs partiellement soutenue par le projet HOT financé par l'UE a démontré que l'intrication peut se produire et être détectée à une plus grande échelle. L'étude est cruciale car l'intrication est considérée comme une ressource clé pour de nombreuses technologies quantiques potentiellement transformatrices, y compris l'informatique quantique et la transmission d'informations.
Les conclusions de l'étude ont été récemment publiées dans la revue "Nature". Comme l'expliquent les membres de l'équipe, leur étude "élargit qualitativement la gamme des systèmes physiques intriqués et a des incidences sur le traitement de l'information quantique, les mesures de précision et les tests des limites de la mécanique quantique".
Objets "massifs"
Selon le communiqué de presse publié par l'Université Aalto en Finlande, les chercheurs ont réussi, par des mesures en laboratoire, à amener deux objets distincts et en mouvement – presque visibles à l'œil nu – dans un état d'intrication quantique où ils s'influencent mutuellement. Il a été ajouté dans le communiqué de presse que: "Les objets utilisés pour l'expérience étaient deux membranes de tambour vibrantes fabriquées à partir d'aluminium métallique sur une puce de silicium. Les membranes de tambour sont vraiment massives par rapport à l'échelle atomique: leur diamètre est proche de la largeur d'un cheveu humain fin."
Cité dans le même communiqué de presse, le professeur Mika Sillanpää du département de physique appliquée de l'Université Aalto, a déclaré: "Les éléments vibrants interagissent via un circuit micro-ondes supraconducteur. Les champs électromagnétiques dans le circuit dévient toute perturbation thermique, ne laissant que les vibrations mécaniques quantiques."
L'équipe a éliminé toute forme de perturbations environnementales, ce qui a permis de mener l'expérience à une température proche du zéro absolu, à - 273 °C. Les chercheurs ont découvert que leur approche a entraîné des états d'intrication d'une longue durée, allant parfois jusqu'à une demi-heure. Ils ont ajouté que l'étude ouvre la voie à une manipulation plus précise des propriétés des objets à grande échelle. À terme, cette particularité pourrait être utilisée pour fabriquer de nouveaux types de routeurs et de capteurs.
La téléportation, dans un autre sens que celui présenté par la science-fiction
L'équipe compte également utiliser la téléportation quantique pour transmettre les vibrations entre les deux membranes de tambour. Selon le Dr Caspar Ockeloen-Korppi, l'un des membres de l'équipe cité dans le communiqué de presse, "Nous sommes encore assez loin de Star Trek".
Résumant l'étude dans l'édition britannique de "The Conversation", le Dr Matt Woolley, l'un des chercheurs, a expliqué que l'expérience "est peut-être l'approche la plus proche de la réalisation littérale de la célèbre expérience de pensée d'Einstein, Podolsky et Rosen qui ont étudié pour la première fois en 1935 le phénomène qui allait par la suite être connu sous le nom d'intrication". Einstein a conçu un paradoxe ayant pour but de montrer que la théorie quantique était incomplète, comme il l'a expliqué dans un article écrit avec Boris Podolsky et Nathan Rosen, et qui a été publié dans la revue "Physical Review".
[1] Euclidien : c’est-à-dire, si on prend une coupe transverse de notre univers correspondant au même instant de son évolution il en résulte que tous ces points forment un plan parfait. Ceci est la conséquence de l’inflation primordiale postulée par Andreï Linde.