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24 février 2020 1 24 /02 /février /2020 18:08

La dynamique de l’espace-temps est conforme au paradigme d’Einstein.

            En 1918, trois ans après la publication de la loi de la Relativité Générale (RG) par Einstein, deux mathématiciens autrichiens avaient compris qu’en plus d’une conception élastique de l’espace-temps qu’elle mettait en évidence à cause de l’interaction avec la matière, elle incluait aussi une propriété de fluidité toujours sous l’action de la matière. Les deux mathématiciens sont Lense et Thirring et ils nous ont légué l’effet Lense-Thirring qui a été scientifiquement constaté seulement en 2011 grâce au satellite Gravity Probe B lancé en 2004. Cet effet est faible, mais effectivement observable. Il rend compte de l’effet d’entraînement de l’espace-temps qui environne un objet massif en rotation. C’est-à-dire que le référentiel spatio-temporel que nous définissons pour mesurer le mouvement de rotation de l’objet massif évolue concomitamment dans le même sens de la rotation.

Cette propriété est maintenant confirmée par un article du 30/01/2020 dans Phys.org, avec le titre : « Les astronomes sont les témoins de l’entraînement de l’espace-temps en observant une danse cosmique stellaire depuis 20 ans. » En effet, sur cette durée ils ont suivi la trajectoire d’une étoile à neutrons autour d’une naine blanche. La naine blanche dénommée PSR J1141-6545 entraîne l’espace-temps avec une force 100 millions de fois plus importante que le ferait la terre et de plus elle tourne sur elle-même très rapidement. Et pour rendre compte de l’orbite spécifique observée de l’étoile à neutrons sous son emprise gravitationnelle il est nécessaire d’inférer que c’est l’entraînement du référentiel spatio-temporel qui explique les différents signaux particuliers émis par l’étoile à neutrons durant cette vingtaine d’années.

L’équipe qui a observé cette danse cosmique présente une accumulation de données qui justifie cette interprétation. A l’occasion, elle commente : « Cela indique que la Relativité Générale est vivante et bien portante, exposant encore une autre de ses nombreuses prédictions. »

            Je partage le point de vue enthousiaste de l’équipe mais je crois qu’il est bon de placer cet enthousiasme à une bonne distance. A. Einstein a fondé la RG sur la base du paradigme suivant : « Les bonnes lois de la physique, celles qui, selon lui, rendent compte du monde réel, sont celles qui sont indépendantes de tout observateur. Ce principe est illustré par l’exploitation de la covariance générale (ou invariance générale, ou encore principe d’indifférence) pour fonder sa loi de la RG » Or si le référentiel spatio-temporel en question était observé immobile cela signifierait qu’il serait attaché à l’observateur et il y aurait incohérence. C’est-à-dire que l’effet Lense-Thirring est précisément conforme au paradigme fondamental de A. Einstein, mais pas plus. Cela nous indique que ce paradigme a une très grande valeur heuristique à l’échelle de validité de la RG mais il ne nous dit pas ce qui est réellement, définitivement, loi absolue de/dans la nature[1]. Il est possible de prédire qu’un nouveau paradigme (à formuler) permettra d’embrasser plus largement phénomènes et propriétés de la nature et de les comprendre différemment. Evidemment ce nouveau paradigme inclura ce que celui d’Einstein aura permis de mettre partiellement en évidence et il permettra une avancée significative de la relation d’intelligibilité, de compréhension, entre l’être humain et la Nature (monde extérieur).  

            Présentement, il est vraiment approprié de réfléchir à la nature des composantes espace et temps. Celles-ci sont définies par le physicien, elles émanent et sont représentatives de notre sensibilité. Elles sont les résultantes de notre perception empirique du mouvement autant physique que biologique. En physique elles sont toujours matière à controverse, il y en a qui disent que le champ gravitationnel efface le recours à un champ spatio-temporel et lorsque les mathématiciens s’emparent d’une interprétation de la R.G, on peut lire ce qui suit : « En physique théorique, la covariance générale (ou invariance générale) est l'invariance de la forme des lois physiques dans toute transformation de coordonnées différentiable. Le principe qui sous-tend cette notion est qu'il n'existe a priori aucune coordonnée dans la Nature, ce sont seulement des artifices mathématiques utilisés pour la décrire, et qui ne devraient donc jouer aucun rôle dans l'expression des lois fondamentales de la physique. En d'autres termes, selon le principe qui sous-tend la notion de covariance générale, les lois physiques ne portent pas a priori directement sur la Nature mais sur une variété différentielle abstraite (sic). Une loi physique qui est covariante générale prend la même forme mathématique dans n'importe quel système de coordonnées et s'exprime généralement en termes de champs tensoriels. Les théories de l'électrodynamique formulées au début du XXᵉ siècle en sont des exemples. »

            Cette conception épurée, abstraite, désincarne les scénarios propres du physicien comme celui des auteurs de l’article dont je fais référence : pendant vingt ans nous avons observé une danse cosmique stellaire. La clairvoyance des physiciens à l’égard de cette problématique est faible. Récemment, le 16/01/2020, le physicien de l’université de Genève Nicolas Gisin a publié un article dans ‘Nature’ dans lequel il exprimait son inquiétude et son désaccord sur le fait que le langage mathématique façonne (trop) notre compréhension du temps en physique : « Mathematical languages shape our understanding of time in physics ». Dans un article du 19/07/2017 j’ai posté à propos de ce sujet : « Votre, Notre, cerveau est une machine du temps », ainsi que le 06/08/2017 : « Appel d’offres » dans lequel j’affirmais explicitement que l’espace-temps est un propre de l’homme.

Le paradigme einsteinien fut porté par son auteur dans le domaine de la physique quantique naissante et il fut un opposant de grande envergure face à l’avènement de la fondation pragmatique de la mécanique quantique de l’école Copenhague qui privilégie une physique où l’observateur a un rôle essentiel. Einstein a développé vainement l’idée que la mécanique quantique était incomplète et que des variables cachées devaient être recherchées. Le paroxysme de cette opposition est connu avec l’expression d’Einstein : en physique il ne peut pas y avoir d’action fantôme (spooky action), parce que son réalisme commande que qu’elles que soient les situations physiques et expérimentales deux objets doivent être toujours discernables dans l’espace-temps. Pour l’école de Copenhague, il n’y a aucune action fantôme avec la propriété de l’intrication car, quand celle-ci est observée à l’origine de sa constitution, la fonction d’onde des objets intriqués est clairement définie et elle l’est ainsi tant qu’il n’y a pas de mesure sur les objets intriqués sur leur ligne de vol. Ce qui est étonnant, c’est qu’au bout du compte pour une grande majorité de physiciens c’est l’expression : ‘action fantôme’ qui fait sens et la problématique de l’observateur, de l’observation, est laissée de côté. C’est la raison pour laquelle on rencontre dans des publications des considérations vraiment troublantes. Voir la fin de l’article du 27/01/2020. Ainsi des chercheurs ont essayé de calculer la quantité de corrélations que deux tels objets ou systèmes peuvent manifester à travers l’espace quand ils sont intriqués. Comme si pas à pas l’intrication se propageait sur leur ligne de vol respective, la nature étant actrice et non pas l’observateur. Voici une remarquable confusion générée par le principe de réalité en mécanique quantique. Je recite cette idée aberrante exprimée par un physicien qui commente : « La Nature est dans un certain sens fondamentalement fini ». En effet, elle nous instruit sur un état de réflexion qui a perdu ses repères essentiels et nous sommes exposés à des divagations regrettables. La Nature n’est pas une chose que l’on pourrait encadrer ! Pas plus que nous le sommes ! Lorsqu’on évoque la Nature, je préfère effectivement que ce soit de la façon dont N. Gisin aborde ce sujet comme je l’ai évoqué dans l’article du 23/08/2016 : « Finalement, la physique – et la science en générale – est l’activité humaine qui a comme but de décrire et de comprendre comment la Nature fonctionne. Pour cette raison on a besoin de décrire comment les humains interagissent avec la nature, comment on questionne la nature. » Voir aussi mon article du 18/03/2015 : « Comprendre la physique comme science de l’interface de l’être l’humain et de la Nature »

En ce qui concerne le ‘comment la Nature fonctionne’, je pense qu’il ne faut pas sous-estimer l’hypothèse que globalement la Nature ne fonctionne pas, mais le physicien lui prête par projection du ‘fonctionnement’. Ce qui correspond à une compréhension partielle obtenue par le physicien et il y a effectivement résonnance, accroche, avec ce qui est, certes, d’une façon réduite, dans la Nature mais il faut la considérer comme une étape pour se hisser vers une compréhension plus multiple, plus complète. Selon mon entendement la Nature doit être comprise comme un état qui comprend tous les ‘fonctionnements’ possibles. A cet égard, je suggère de méditer à propos de la constatation profonde et remarquable de Carole Fritz, directrice de l’équipe scientifique de la grotte Chauvet, exprimée dans la ‘Recherche’ de Février 2020 : « Il y a cependant une vraie différence : la production de Sapiens est unique. C’est le seul groupe (d’Hominines) qui est capable de se projeter dans des représentations artistiques[2] complexes comme ce peut être le cas en Europe à Chauvet (36000 ans). Ce qui révèle une maturité cognitive acquise très tôt. Mais, pour moi, il n’est pas question ici de modernité. C’est un nouveau système social qui se met en place. »

La capacité de projection est exactement ce que je désigne, souvent dans mes articles, comme une détermination chez le ‘sujet pensant’ que nous sommes. Ce que Carole Fritz affirme, me confirme dans l’idée que paléoanthropologues et physiciens devraient coopérer comme j’ai pu le proposer dans l’article du 21/07/2015 : ‘La seconde naissance de l’homme’.

 

 

[1] Il faut se souvenir que de sérieux doutes ont commencé à être instillés dans l’esprit de nombreux physiciens du modèle standard de la physique des particules élémentaires lorsqu’il a été découvert que la masse du boson de Higgs était si conforme à la prévision théorique.

[2] Acceptons l’idée que l’activité du physicien est une activité artistique particulière de représentations, le pinceau et les couleurs qu’il exploite lui sont proposés par les mathématiques. Cette activité artistique du physicien montre la diversification et l’évolution cognitive extraordinaires de Sapiens depuis 36000 ans. Je pense que ce fil directeur est pertinent.

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