Le Réel, un dossier de ‘La Recherche’
Comme je l’ai indiqué dès les premières lignes de mon mémoire : ‘l’Être humain est une réalité de/dans l’Univers’ (voir 1e publication sur mon blog le 03 juin), le produit de mon travail résulte d’une confrontation, d’un tressage, de ma pensée avec celle des autres.
Je cite pour rappel : « Les lecteurs constateront que je cite de nombreux auteurs, tout au cours de ce mémoire, car ma conception ne m’est pas complètement propre, elle n’est pas le fruit de la réflexion d’une personne solitaire. Au contraire, j’étudie, tresse ma pensée avec celle des autres et je ne cesse pas de confronter mes propres hypothèses depuis une vingtaine d’années, à une multitude de propositions, de publications, d’ouvrages, qui me permettent de façonner et d’affiner une conception globale personnelle du monde physique qui se justifie donc au fil d’une interaction entretenue avec des membres de la communauté des physiciens avec lesquels je reconnais des convergences tout autant que des divergences. Cela ne peut pas être autrement.
Une compréhension interactive entre les différentes conceptions ainsi que l’analyse de leurs interprétations sont absolument nécessaires pour entretenir une pensée en mouvement et en progrès. Bref, dans ce contexte, le concept d’intelligence collective, à mes yeux, n’est pas vain. En conséquence un dialogue permanent, qui peut être réel ou imaginaire avec ceux qui proposent, est impératif et peut s’avérer particulièrement fructueux. »
Il n’y a pas de raison que cela s’arrête après mes publications entre juin et août. Et l’occasion de prolonger le tressage des pensées en physique théorique se présente dès maintenant puisque la revue ‘La Recherche’ consacre un dossier sur le thème : « Réel et Réalités » d’une quarantaine de pages dans son dernier numéro Octobre/Décembre 2022.
Evidemment, je conseille de lire ce numéro mais je dois reconnaître que l’ensemble de ces articles du dossier constitue un recensement sans la moindre pensée originale. Certes, il est bon de régulièrement vérifier que les idées principales, ainsi que leurs contreverses, véhiculées soient réactivées et si nécessaire remisent en ordre, mais il faut éviter que cela soit exposer dans un ensemble d’articles monotones qui redisent… ‘La Recherche’ doit avoir les ressources de traiter un sujet si essentiel autrement que par un rappel autrement qu’aussi académique.
Il y eut peut-être la tentative d’animer l’intérêt de ce dossier en insistant sur la dichotomie du ‘réalisme des entités’ versus le ‘réalisme structural’, mais c’est un peu court.
(Voir article de Quentin Ruyant. Philosophe des sciences). Le réalisme des entités est défendu par Ian Hacking (1936 - ), puisqu’il nie que les lois fondamentales des théories (leur structure, donc) aient une validité absolue. Cependant, les scientifiques interagissent directement avec certains des objets qu’ils postulent. Ils utilisent des appareils pour envoyer des électrons sur des plaques de métal par exemple. Quand ces interactions causales sont suffisamment robustes, on aurait de bonne raison de croire que ces objets existent.
(Voir article de Youna Tonnerre. Philosophe doctorante) Le réalisme structural affirme que nous pouvons connaître de la réalité que sa structure mathématique, puisque les sciences ne dévoilent pas les objets qui peuplent le monde ou leurs propriétés, seulement les relations[1] qu’ils entretiennent.
A l’exemple de la théorie de la gravitation universelle de Newton à laquelle a succédé la théorie de la relativité générale. La théorie de Newton a montré ses limites mais à juste raison les réalistes structuraux ont constaté qu’elle était une bonne approximation mathématique de la théorie d’Einstein puisque la Relativité Générale englobe la loi de Newton et retrouve la formulation de celle-ci lors du passage dans un contexte non relativiste. Ce fut à l’occasion du calcul exact de la précession du périhélie de Mercure par Einstein en 1915 que les sceptiques à ses équations commencèrent à s’intéresser à ses travaux. Ce qui était sûr, c’était que la loi de la Relativité Générale prenait la relève, là où la loi de la gravitation de Newton devenait défaillante. Ce serait donc le signe que ces théories successives stipulent une structure mathématique commune. Cette structure est celle que la réalité possède (sic). Au jour d’aujourd’hui, la Relativité Générale n’a pas encore était mise en défaut aux grandes échelles spatio-temporelle, ni quand des objets naturels émettent des champs gravitationnels très intenses.
Pour les réalistes structuraux, c’est parce que cette structure correspond à la structure de la réalité que nos théories scientifiques sont couronnées de succès. Elles peuvent se tromper sur la nature des entités mais elles ne se trompent pas sur les relations mathématiques que les entités possèdent. Le réalisme structural n’implique donc pas que le monde lui-même est un objet mathématique, mais seulement qu’il possède certaines propriétés que l’on peut décrire grâce aux mathématiques. Et que ce sont ces propriétés que l’on est en mesure de connaître (Voir Kant : les conditions de possibilités de la connaissance scientifique).
[1] Voir Carlo Rovelli dans Helgoland, page 13 : « Si l’étrangeté de la théorie des quanta nous confond, elle ouvre aussi de nouvelles perspectives pour comprendre la réalité. La réalité plus subtile que celle du matérialisme simpliste des particules dans l’espace. Une réalité faite de relations, avant que d’objets.