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4 août 2023 5 04 /08 /août /2023 09:47

Prolongements de l’article : La physique au risque de la préhistoire.

 

            Dans la continuité de la publication de l’article du 18 juin « La physique au risque de la préhistoire », j’ai fait parvenir à Jean Guilaine (professeur émérite au Collège de France) l’email suivant :

« C’est à l’occasion de l’étude du livre de Philippe Grosos : « La philosophie au risque de la préhistoire » que j’ai éprouvé l’envie de vous envoyer cet email.

« En effet nous avons déjà eu l’occasion d’avoir un échange épistolaire en Septembre et Novembre 2016 à propos, en tant que physicien… à la retraite, de mon concept de ‘Présence’ de l’Être réflexif, ainsi que mon hypothèse : ‘l’espace-temps’ est un propre de l’Homme. Remarquablement mon concept de ‘Présence’ et celui de l’émergence de ‘l’ontologie présentielle’ de Ph. Grosos s’épaulent.

Je considère que c’est un concept dont les physiciens devraient s’emparer. Mais voilà, impossible, pour eux, de dépasser leur croyance que la science physique dévoile la réalité du monde. Tout ce qui pourrait sembler se référer à, un tant soit peu, de l’anthropocentrisme est considéré inacceptable. Or, il n’y a pas plus anthropocentrique que l’hypothèse du Big Bang qui conditionne notre représentation de l’Univers. L’hypothèse du Big Bang correspond à une continuité historique de l’être humain qui a besoin d’une Origine servant de point d’appui afin que la pensée collective puisse se déployer, jusqu’à ce qu’il soit conçu une nouvelle cosmogonie qui efface la précédente.

Je me permets de vous transmettre un document ci-joint correspondant à l’article que j’ai écrit et posté à propos de l’exploitation du livre de Ph. Grosos ainsi que votre préface.

                              Bien à vous. Merci pour tout, et Amitiés.      Philip Maulion »

En retour Jean Guilaine m’a fait parvenir l’email suivant le 24/06 :

« Merci, cher Monsieur, pour votre sympathique mail et pour le texte qui l’accompagne. J’ai en effet eu plaisir à lire et préfacer l’ouvrage de Ph. Grosos.  Les origines de notre espèce et sa définition en regard de son environnement nous réservent encore bien des enquêtes.

Avec mes sentiments dévoués.

Jean Guilaine »

            Ensuite j’ai pu communiquer à Philippe Grosos le message suivant :

 

« Bonjour cher Philippe Grosos

J'ai eu un nouvel échange épistolaire avec J. Guilaine à l'occasion de ma découverte et de l'étude de votre livre "la philosophie au risque de la préhistoire". A l'occasion je vous joins l'article correspondant sur mon blog : "La physique au risque de la préhistoire'. Je me permets ce parallélisme parce que depuis une dizaine d'années je suis convaincu que les scientifiques doivent, afin de sortir des impasses théoriques de la physique et partant de la cosmologie, adopter le concept de la 'Présence' dans le corpus de la pensée fondamentale. Ma grande satisfaction a été de découvrir que votre concept de l'émergence de l'ontologie présentielle est probablement de même facture (si vous voulez bien me le confirmer... ou, bien sûr, le relativiser voire le corriger). 

Il est clair que votre 'ontologie présentielle'/'ontologie participative' engage un éclairage qui doit fructifier dans le domaine de la philosophie. Par contre dans le domaine de la science physique, il induit un changement de paradigme qui provoque une résistance compréhensible mais qui devient de moins en moins justifiable chez les physiciens. 

Quand j'ai demandé à J. Guilaine vos coordonnés je lui ai dit : "Je suis a priori optimiste à l'idée qu'un dialogue puisse fructifier étant donné la similitude de son hypothèse de l'ontologie présentielle avec la mienne de la 'Présence'. Bien qu'elles se situent dans des champs d'études qui sont à notre époque très différenciés, il y a peut-être matière à construire un pont"

Que pensez-vous de cette proposition d'entreprise digne d'ingénieurs des Ponts et Chaussées ?

 Avec mes sentiments amicaux.    Ph. Maulion »

En retour j’ai reçu la réponse suivante :

« Cher Monsieur Maulion,

Je vous remercie de votre courriel, qui m’a permis de découvrir votre blog et ainsi vos sujets de réflexion.

Je vous remercie également de votre intérêt pour mon ouvrage.

Il me semble qu’il faut toujours rester prudent face à des rapprochements de pensées, car ils cachent souvent bien des divergences d’horizons. Mais évidemment, on peut aussi se réjouir de certaines convergences lorsqu’elles ont lieu. L’essentiel me semble qu'elles stimulent pour chacun nos réflexions. Et c’est là ce qui me semble important.

En vous souhaitant une bonne continuation dans votre travail,

Bien cordialement, Philippe Grosos »

 

            Effectivement, grâce à cet échange épistolaire il y a pour moi matière à être stimulé, bien qu’il y ait une impossibilité déclarée relative à mon projet de construire un pont car en résumé, Ph. Grosos évoque la nécessaire prudence a priori face : « à des rapprochements de pensées, car ils cachent souvent bien des divergences d’horizons. Mais évidemment, on peut aussi se réjouir de certaines convergences lorsqu’elles ont lieu. » Voyons et auscultons quand il y a, de ce que nous avons pensé, rapprochements ou divergences cachés ou encore convergences peut-être. Cherchons si, à l’épicentre de ces oscillations caractéristiques du doute positif, un socle consistant pourrait être identifié pour servir de point d’appui au tablier du pont à concevoir qui permettrait de rejoindre les deux rives de nos champs d’études respectifs.

            Dans son livre, Ph. Grosos creuse, il propose de rechercher au plus profond du temps arrière de l’humanité les conditions de l’émergence de la philosophie. La philosophie grecque, telle que nous l’entendons, ne sera pas transformée, mais elle sera éclairée, enrichie, peut-être à terme des premiers frémissements de la pensée humaine. Telle est implicitement voire explicitement l’ambition d’une pareille entreprise remarquable qui m’enthousiasme car elle met en valeur, à mes yeux, une dynamique irrépressible d’élucidation qui va dans le sens du développement de notre nature humaine.  

            Par contre j’ai proposé mon concept de ‘Présence’ par nécessité, je l’ai proposé en tant que concept correctif nécessaire pour que le corpus de la physique théorique sorte de l’errance actuelle[1] et qu’enfin il se déploie vers un nouvel horizon fertile comme je l’ai développé dans une série d’articles entre le 3 Juin et le 12 Août 2022 sous le titre générique : ‘L’Être humain est une réalité de/dans l’univers’. Ma proposition n’est en aucune façon artéfactuelle, encore moins conjoncturelle. Elle est, à mon sens, source d’un nouvel élan de productions théoriques qui permettra d’orienter notre regard sur des propriétés et des phénomènes physiques non encore anticipés et concomitamment anéantiront les présupposés qui font encore obstacles.

            Le mode d’être présentiel proposé par Ph. Grosos et mon concept de ‘Présence’ ont, à mes yeux, une fonction semblable, celle d’établir un rôle actif à l’être humain cogitant toujours en devenir. Cela peut paraître plus évident lorsqu’il s’agit d’atteindre la source historique hypothétique de la philosophie que lorsqu’il s’agit de justifier qu’il y a une source active identique qui opère pour la physique. En fait, en vérité, cela est d’autant moins évident en physique qu’il est communément pensé que les lois de la physique que nous mettons en évidence sont celles réelles de la nature[2] préexistantes à l’émergence d’une humanité dans le monde et en conséquence l’être humain n’en serait qu’un lecteur extérieur, passif.

Avec la découverte de la mécanique quantique depuis plus d’un siècle cette croyance brute au réalisme est sérieusement battue en brèche. De fait, nous décrivons le monde tel qu’il nous apparaît et non pas tel qu’il est. Une loi comme celle de Newton qualifiée d’universelle a perdu ce statut. Dans le référentiel spatio-temporel classique, habituel, dans lequel les physiciens expliquent des propriétés physiques, il est impossible, par exemple, de rendre compte de la propriété de l’intrication, et cette défaillance perdure depuis 90 années. En conséquence on est obligé d’admettre qu’elle est une propriété non locale. Ce qui est une hérésie à l’égard de la croyance au réalisme.

Ma conviction, je l’ai développée dans la série d’articles exposés sous le titre générique très explicite : ‘L’Être humain est une réalité de/dans l’univers’. Cela explique le vif intérêt que j’ai rencontré à l’égard du livre de Ph. Grosos. Le cheminement de sa pensée me convainc et s’il l’a exploité à propos de la philosophie, à mon sens, elle vaut autant pour la physique moyennant les adaptations nécessaires correspondant à la spécificité de ce savoir historique acquis par l’humanité. Il est, en outre, juste de considérer qu’historiquement les deux champs de connaissances en question ont connu un développement entremêlé du fait de l’histoire du développement de la réflexion humaine. Nous disposons d’indications situées dans cette histoire mettant fin à cet entremêlement, et annonçant une distinction franche à venir, entre des raisonnements relevant à la fois d’une manière de dire ainsi que d’une conscience de vivre en société de ceux relevant de l’intégration d’observations de lois et propriétés présumés invariantes révélant des causes naturelles. Thalès de Milet aurait été un de ces premiers philosophes présocratique aussi qualifié de savant grec, mathématicien (théorème de Thalès, toujours enseigné en quatrième) né à Milet vers 625-620 av. J.-C. et mort vers 548-545 av. J.-C. dans cette même ville. Personnage légendaire, qui eut Anaximandre comme disciple, qui semble n'avoir rien écrit mais sa méthode d'analyse du réel en fait l'une des figures majeures du raisonnement scientifique. Il sut s'écarter des discours explicatifs délivrés par la mythologie pour privilégier une approche caractérisée par l’observation et la démonstration (voir Wikipédia).

Le cheminement de la pensée de Ph. Grosos m’a tellement convaincu que je tente ci-dessous d’inscrire dans le fil de sa pensée ma conception de la naissance de la physique. Toutefois, nous devons garder à l’esprit que la volonté impérative de décrypter progressivement les lois élémentaires de la nature s’impose aux premiers Homo en réponse à une nécessité de survie qui engage un processus franc d’hominisation. C’est dans une période qui se situerait autour de 2 000 000 d’années avant notre ère avec l’émergence, entre autres, d’Homo erectus, qu’apparaît un mode d’être propre que je caractérise par l’installation d’une ‘Présence’ dans le monde. C’est pourquoi[3], qui veut penser la naissance et la vocation de la physique, il lui faut envisager que c’est avec l’émergence, entre autres, d’Homo erectus au sein d’un monde où il commence à se penser lié, voire fixé à un sol, à une terre, en cours d’installation en elle au point de pouvoir la concevoir sienne. Qui veut penser la naissance de la physique doit pouvoir se demander jusqu’où celle-ci est redevable d’un mode d’être au monde en lequel, entre autres, Homo erectus, acquérant capacités d’observation et d’adaptation suffisantes pour se couler dans les contraintes que lui impose la nature et ainsi et s’engager dans un processus d’évolution darwinienne. Comment penser que, de tout cela, la physique, puisse s’exempter ? Comment croire que sa naissance puisse en faire abstraction ?

J’ai éprouvé une véritable satisfaction lorsque le neuroscientifique Stanislas Dehaene (professeur au collège de France) a clairement indiqué en Octobre 2017 dans un article de ‘La Recherche’, que la connaissance scientifique ne pouvait s’exempter d’une compréhension de sa naissance. Ci-jointe sa version qui aurait mérité que celle-ci suscitât un début de débat sur ce sujet. A mon grand dépit cela ne le fut pas :

Le cerveau d'Homo erectus avait peut-être déjà atteint la compétence d'une machine de Turing universelle (sic), capable de représenter toutes les structures logiques ou mathématiques possibles. Peut-être est-ce une illusion, mais pour l'instant, notre espèce a réussi à comprendre l'organisation des structures du monde à toutes les échelles de l'Univers. Dans un deuxième temps, il y a environ 100.000 ans, on observe une explosion culturelle qui suggère un langage, une communication... On peut donc se demander s'il n’y a pas d'abord la mise en place d'un système de représentations mentales enchâssées, puis l'apparition d'une capacité à communiquer ces représentations. » Article de ‘La Recherche’, Octobre 2017.

Dès lors, je me demande si la capacité de représentation symbolique et récursive n’est pas apparue, dans un premier temps, indépendamment du langage, avant tout comme un système de représentation rationnelle du monde.

Et complémentairement dans un interview du 23 septembre 2021 on peut lire : « « Les conquêtes de notre cerveau sont aussi celles de la science. Je suis fasciné que notre cerveau parvienne à découvrir les lois de l’univers, depuis l’infiniment petit jusqu’à l’infiniment grand, jusqu’à se comprendre (sic) lui-même. C’est assez stupéfiant… on peut se demander pourquoi, au fur et à mesure que progressent nos recherches, l’Univers nous reste intelligible. Pourquoi ? Sans doute parce qu’au cours de son évolution notre cerveau a internalisé à la fois des modèles du monde extérieur et d’immenses capacités d’apprentissage. Ce que j’essaie de faire partager dans mon livre, c’est mon perpétuel sentiment d’émerveillement. »

Malgré ma reconnaissance à l’égard de S. Dehaene pour avoir tenté de susciter un débat aussi essentiel, a priori, je ne partage pas l’idée qu’Homo erectus aurait été imprégné tout de go : «de la compétence d'une machine de Turing universelle (sic), capable… » Je privilégie la démarche d’une conquête toujours en cours. Selon ma conception, avec, entre autres, Homo erectus, germe la ‘verticalité’, métaphore très appropriée proposée par J. Guilaine dans la préface du livre de Ph. Grosos. Pour ma part, une origine présumée, identifiée, doit toujours mettre en évidence qu’elle est à l’origine d’une évolution, d’une dynamique qui ne cesse d’opérer. C’est pourquoi selon mon scénario de la conquête de la connaissance du monde physique, mon fil directeur se résume ainsi : « Au sein d’une éternité parmi tous les possibles, Anthrôpos ne cesse de creuser sa connaissance de l’univers… ». Dans ce scénario j’attribue à la conflictualité théorique de l’Être dans la Nature/l’Être de la Nature, la source de la dynamique de l’évolution de l’Être humain, c’est-à-dire à l’affirmation grandissante de l’axe de la verticalité présentielle, au détriment l’axe horizontal, métaphore de l’Être de la Nature.

Pour illustrer mon propos, « parmi tous les possibles, on ne peut pas cesser de creuser », que je considère comme étant une obligation éthique, il est bon de faire vivre, et de soumettre, au voisinage de ses propres considérations prioritaires d’autres expressions de point de vue. Il en est ainsi, un exemple, quant au processus de l’émergence de la verticalité présentielle proposé par Pascal Picq, paléoanthropologue et enseignant au Collège de France, dans son livre (2016, édit Flammarion) : ‘Premiers hommes’, page 336 : « Ce qui fait que notre évolution devient humaine depuis Homo erectus ne vient pas de l’invention des outils, de la chasse, du partage des nourritures, de l’empathie… mais de l’émergence de la condition humaine. Homo, comme le disait le grand éthologue Jakob von Uexküll, est un transformateur de monde par sa pensée et ses actions. Et en premier lieu, par sa puissance écologique qui l’emmène dans des écosystèmes de plus en plus diversifiés, ce que n’ont jamais pu faire les autres hominoïdes ou même les hominidés les plus proches – sinon les Homo erectus archaïques. Cette puissance écologique repose en outre sur une puissance biologique, physiologique et cognitive qui provient – fait inédit dans toute l’histoire de la vie – de ses innovations techniques et culturelles, comme le feu et la cuisson. »

L’Univers nous reste intelligible. Pourquoi ? Interroge S. Dehaene, comme le fit en d’autres temps A. Einstein qui disait que : « Le mystère, c’est que l’univers soit compréhensible. » Mystère pour les réalistes acharnés comme Einstein, mais point de mystère si on accepte l’idée que l’univers que nous nous représentons actuellement dans le cadre du modèle standard de la cosmologie est un univers qui est conçu en fonction de nos capacités d’inférer actuelles. Nos capacités ne peuvent pas déployer un regard universel. Nos capacités d’inférer sont déterminées par les conditions du développement de nos besoins de compréhension du monde. Notre désir d’accéder à la connaissance universelle, horizon éternel qui ne cessera de l’être, est entravé par des déterminations qui résultent des conditions originaires de la conscience de notre présence dans le monde. Pour résumer, si cela se peut, notre mode d’être présentiel s’affirme, grâce à l’enrichissement continu de nos connaissances (l’être dans la nature à l’œuvre), au détriment de notre mode d’être participatif (l’être de la nature) celui-ci attaché à notre origine naturelle qui nous leste de son inertie.

Etant donné l’état de la crise de la physique théorique fondamentale ces dernières décennies, il a été considéré pendant une certaine période que le développement d’une réflexion pluridisciplinaire pouvait porter ses fruits. Donc des conférences, des publications, des livres, réunissant principalement des physiciens, des philosophes voire des théologiens, furent à la mode pendant un certain temps. J’ai lu, étudié, parcouru, les productions de ces réflexions collectives. Ce qui m’a frappé c’est qu’elles étaient peu collectives car chacun des intervenants faisaient des exposés en suivant les rails de sa spécialité. Cette mode n’est plus maintenant. Ce qui peut paraître surprenant c’est qu’à cette époque il n’y eut pas un Ph. Grosos pour partager le fruit de son travail à la communauté scientifique et, à mon sens, potentiellement proposer une réelle sortie de crise. Si Ph. Grosos est le représentant d’une vraie avant-garde, alors il faut maintenant sonner trompettes pour annoncer la bonne nouvelle.

Une des expressions les plus explicites confirmant l’impossibilité de concevoir le rôle d’une ‘Présence’ dans le corpus de la physique fondamentale, je l’ai lu en découvrant le discours d’inauguration de la prise de fonction de Fabiola Gianetti en tant que nouvelle Directrice Générale du CERN à Genève dans les premiers jours de 2016 : « If new physics is there we can discover it, but it is in the hands of nature. » soit « Si une nouvelle physique est là, nous pouvons la découvrir, mais c’est entre les mains de la nature. »

Penser que la nature se laisserait voir sans que préalablement les scientifiques aient posé au minimum leur pensée théorique prédictive de ce qu’il y aurait à observer est aberrant. Déjà avant 2016 et depuis, jusqu’à maintenant, rien de significatif n’a été observé avec l’exploitation de cet instrument remarquable, du point de vue des avancées technologiques exploitées, qu’est le Large Hadron Collider (LHC) où officient 17000 personnes originaires d’une centaine de pays. Je dois dire aussi qu’à l’occasion du renouvellement de son mandat en 2021 et après cinq années d’échec, elle a exprimé une philosophie qui souligne une certaine évolution que je soumets à l’appréciation de chacun (dans ‘La Recherche’, Janvier-Mars 2022) : « Le moteur de la recherche ce sont aussi les idées qui sortent des sentiers battus. Les ateliers de théorie que nous organisons rassemblent des spécialistes de disciplines très diverses (sic), pour mettre de nouvelles hypothèses sur la table… Nos expériences sont conçues pour tenter de chercher une nouvelle physique dans le cadre des scénarios théoriques existants, mais aussi de manière ouverte et indépendante…  Nous parlons ici d’un investissement à long terme dans le but de mieux comprendre comment fonctionnent la nature et l’Univers. Il s’agit d’une quête intrinsèque à ce qui nous rend plus humains (sic) : nous ne pouvons pas l’arrêter. »

Si comme le souhaite Fabiola Gianetti, nous cherchons à mieux comprendre comment fonctionnent la nature et l’univers, nous devons comprendre quelle est la nature de notre relation avec la nature et l’univers. Nous ne pouvons pas être extérieur à la nature, pas plus de l’univers car nous sommes forgés par les poussières d’étoiles et tout ceci nous détermine. En 2023 vient d’être publié le livre de Guido Tonelli : ‘TEMPS’ ou les mystères de Chronos, édit Dunod. Livre ne présentant, à mes yeux, aucune originalité car toutes ces idées ont déjà été brassées moult fois dans de nombreux ouvrages, si ce n’est que sans prendre garde G. Tonelli participe à l’épaississement de l’obscurité dans laquelle se trouve pris le modèle standard de la physique des hautes énergies qui est la référence théorique officielle prévalente au CERN comme dans tous les sites de recherche de la physique des particules. Page 129, il expose que « la durée de vie, notée habituellement : τ, de certains composants fondamentaux de la matière peuvent être évalués par des moyens indirects de l’ordre de grandeur de 10-25seconde, soit dix millionièmes de milliardièmes de milliardièmes de seconde. Force est de recourir aux mathématiques, bien que notre imagination a du mal à appréhender ce que représente un intervalle de temps aussi infime. »

Dès la fin 2012, j’ai publié un article ‘Synthèse : un monde en ‘Présence’’ dans lequel j’inférai qu’il y avait une durée limite de l’observation des phénomènes dans la nature que j’évaluai à l’époque être de l’ordre de 10-23 ; -25s. Ceci donne un ordre de grandeur et cela pourrait être encore plus petit de quelques ordres de grandeurs[4]. J’ai formulé cette hypothèse d’une limite concrète à laquelle nous étions confrontés parce qu’on ne peut pas faire abstraction de notre relation avec la nature et celle-ci met en évidence notre, nos, limite(s) propre(s).

Il est très impressionnant de constater que depuis la dernière observation, en 2012, obtenu du boson de Higgs, prédit depuis 48 ans, doté d’une durée de vie, par déduction, de l’ordre de 10-22s, plus rien n’a été scientifiquement identifié. Il est aussi impressionnant de constater que de nombreux physiciens sont convaincus que depuis que le LHC refonctionne avec des performances techniques inégalées, il y a certainement des événements mis en mémoire informatique, ignorés, que nous ne sommes pas en mesure de décrypter et de plus risquent d’être effacés[5]. Pour autant l’inertie est impressionnante du refus de prendre en considération le saut du paradigme que représente celui de la ‘Présence’. Il n’y en a pas d’autres qui s’offrent en alternative.

La situation est la même pour ce qui concerne l’autre modèle standard, celui de la cosmologie. Mais la situation est différente car il est sérieusement ébranlé, en cours de fissuration, étant donné les observations que nous obtenons depuis un an provenant de ‘James Web Space Telescope’, (JWST), lancé dans l’espace le jour de Noël de 2021. Depuis, l’analyse des photos extraordinaires reçues, nous devons prévoir que le modèle standard de la cosmologie est caduc tellement les écarts entre ce qu’il prédisait et les résultats observés, relatifs à l’univers primordial (premier milliard d’années depuis le soi-disant Big Bang) sont très significatifs.

Grâce à ce nouveau télescope nous pouvons projeter des observations au plus profond de l’univers et ce qui est nouvellement observé n’était pas du tout prévu dans le cadre du modèle standard théoriquement et progressivement conçu depuis les années 1970. Bon gré mal gré on continue de situer les quantités imprévisibles d’étoiles et de galaxies par rapport à un temps zéro que l’on appelle : Big Bang. Celui-ci est, à mon sens, l’expression d’une version cosmogonique de la conception originaire de l’univers. Le 13/07, a été publié un article attribuant à l’univers l’âge de 26 milliards années, soit deux fois plus ancien que ce qui est officiellement fixé. Il est encore trop tôt pour attribuer une valeur scientifique respectable à cette publication mais ce qui est certain c’est qu’un tabou est tombé et cela s’impose. On constate que l’idée d’une origine est maintenue et je considère que cela est nécessaire parce que l’être humain, même si celui-ci est un scientifique dit objectif, a besoin de concevoir une origine pour poser sa pensée afin qu’à partir de ce ‘’ il puisse déployer celle-ci. Quitte à porter de plus en plus loin cette origine, le physicien collectif doit être conscient de son pragmatisme. A priori des bouleversements très significatifs sont à prévoir, dans les très prochaines années voire dans les prochains mois, en ce qui concerne notre conception de l’univers et le prolongement de la négation de notre présence dans l’univers devra au minimum être fragilisée au point que la contribution d’une ‘Présence’ s’imposera. De fait, force sera au minimum de conjecturer que l’être humain n’est pas nu de toute contribution lorsqu’il décrypte et met en évidence une loi de la Nature

Enfin pour finaliser cet article, j’évoque le compagnonnage partiel de ma conception de : l’Être humain est une Réalité de/dans l’Univers, lorsque j’ai découvert le livre, (en 2021), de Carlo Rovelli[6] « Helgoland ; le sens de la mécanique quantique. » Mais sa théorie rabat tellement la présence du physicien qu’il est impossible, à mon sens, de prendre en compte sa thèse, exemple : « La clé de voûte des idées de ce livre, est le simple constat que le scientifique et son instrument de mesure font aussi partie de la nature. Ce que la mécanique quantique décrit est la manière dont une partie de la nature se manifeste auprès d’une autre partie de la nature… le photon observé par Zeilinger[7] dans son laboratoire est une de ces entités. Mais Anton Zeilinger en est une autre. Zeilinger est une entité comme une autre (sic), au même titre que le photon, un chat ou une étoile… L’essence de ce qui se passe entre un photon et Zeilinger qui l’observe est la même que celle de ce qui se passe entre deux objets quelconques lorsqu’ils interagissent, lorsqu’ils se manifestent l’un à l’autre en agissant l’un sur l’autre. » Dans cette citation le mode d’être présentiel du physicien est franchement dénié, habituellement c’est implicite, C. Rovelli l’assume, l’explicite et de plus le théorise. Je cite ci-après ce que l’auteur affirme page 98 :

 « Il existe évidemment des systèmes physiques particuliers qui sont « observateurs » au sens strict du terme : ils ont des organes sensoriels, une mémoire, ils travaillent en laboratoire, ils sont macroscopiques, etc. Mais la mécanique quantique ne décrit pas uniquement comment le monde agit sur ces systèmes : elle décrit la grammaire élémentaire et universelle (sic) de la réalité (sic) physique, sous-jacente non seulement aux observations en laboratoire, mais à n’importe quelle interaction. »

Dans cette ultime phrase, où il est affirmé une croyance à l’accès immédiat à la connaissance universelle et celle conjointe à la réalité physique qui se révèleraient d’elles-mêmes, sont révélés deux redoutables faux-amis permanents chez les physiciens détournant leur regard intelligent du mode d’être présentiel effectif correspondant à l’état de l’évolution de nos connaissances actuelles. A mon sens, ces deux faux-amis ne sont là qu’en vue d’orienter notre regard intelligent en direction d’un horizon à conquérir, motivant, pour Homo sapiens que nous sommes, toujours en quête d’un au-delà à découvrir, transformateur de monde par sa pensée et ses actions. A titre d’exemple, citons J. Guilaine, qui dans son e-mail, exprime cette dynamique vertueuse, qui ne cesse de nous habiter, engendrée par la présence permanente d’un au-delà à découvrir : « Les origines de notre espèce et sa définition en regard de son environnement nous réservent encore bien des enquêtes. »

 

 

 

 

 

[1] C’est une situation dramatique qui perdure depuis au moins trois décennies. Elle est exprimée de différentes façons mais en résumé on pourrait affirmer qu’elle est sous tendue par le caractère insaisissable, jusqu’à présent, de ce qu’est la nature effective du temps qu’exploitent les physiciens et partant de l’espace. Lee Smolin, dans son livre (2013) : « La Renaissance du Temps : pour en finir avec la crise de la physique (sic) », nous dit : « La question du Temps est au cœur de toutes les problématiques scientifiques, de la cosmologie à la mécanique quantique. Le Temps est-il une illusion qui cache une vérité éternelle, ou une réalité physique de notre Univers ? » ; « Il nous faut marquer une rupture nette, nous lancer dans une nouvelle sorte de théorie… » Cette crise de la physique peut être évaluée apparemment différemment comme l’exprime dans son livre Sean Carroll (2019) : « Quelque chose de profondément caché : mondes quantiques et l’émergence de l’espace-temps » ou encore par Philip Ball dans son livre (2018) : « Au-delà de l’étrangeté », qui cite Edwin Jaynes : « La mécanique quantique est un mélange particulier décrivant en partie la réalité de la Nature, en partie une incomplète information de l’humain à propos de la nature – le tout brouillé par Heisenberg et Bohr dans une omelette que personne ne peut débrouiller. » Et finalement Sabine Hossenfelder, dans un ouvrage (2018) construit sur la base de riches entretiens avec les plus grands théoriciens, invite les physiciens à repenser leur façon d’édifier des théories et rappelle la nécessité, pour les scientifiques, d’accepter le désordre et la complexité afin de découvrir la vérité (sic) sur notre univers.

Dans le livre Guido Tonnelli : « Temps », Dunod 2023 page 106 : « La matière est constituée de particules qui interagissent entre elles en échangeant d’autres particules. Nous pouvons résumer ainsi, d’une phrase, la théorie qui nous permet de comprendre de quoi est fait le parfum d’une rose ou le plasma comprimé qui rugit dans le noyau des étoiles. La recherche des constituants élémentaires de la matière a une histoire millénaire. Vers 600 avant J.C., les premiers philosophes grecs commencent à chercher une explication naturaliste (sic) du monde. Aujourd’hui, nous utilisons des noms étranges pour désigner les particules élémentaires, mais les règles du jeu n’ont guère changé depuis l’époque d’Anaximandre de Milet (vers 585 av. J.C. – vers 525 av. J.C.)  A cela, ajoutons une affirmation célèbre du ‘Réalisme’ d’Einstein en 1933, dans un article dit E.P.R. pour réfuter la mécanique quantique : « Si, sans perturber en aucune manière l'état d'un système, la valeur d'une quantité physique de ce système peut être prédite avec une probabilité égale à 1, alors il existe un élément de réalité correspondant à cette quantité physique. »

 

[3] Cet exercice de ‘copier-coller’, peut se mesurer en se reportant aux pages 37-38 de l’Introduction de ‘La philosophie au risque de la préhistoire’. Et je renouvelle mon conseil d’une lecture et d’une étude du livre, à coup sûr, très profitables pour tous ceux qui ont envie de creuser par eux-mêmes ce sujet. Autant au point de vue de la philosophie évidemment que celui au point de vue de la science physique que je recommande. L’Introduction comprend 3 items : ‘La boîte à outils des philosophes’ ; ‘Archéologie de la philosophie’ ; ‘Philosophie et archéologie préhistorique’.

 

[4] Les moyens techniques exploitables maintenant permettent une compréhension de plus en plus précise de ce qui se passe dans notre cerveau durant le 1/3 de seconde avant qu’il n’y ait prise de conscience effective d’une image ou encore à propos d’un concept. En effet des neurones conceptuels (sic) sont maintenant isolés dans le cerveau. » Avec cette étude exhaustive on peut dire que ce 1/3 de seconde correspond à la ‘durée aveugle de la conscience’ et cela ne peut pas être sans conséquence sur l’éveil intellectuel et la vigilance observationnelle du sujet réflexif. De là, il serait quand même difficile de postuler que le fonctionnement par intermittence avérée de la conscience du ‘sujet pensant’, conduise à un fonctionnement intellectuel, observationnel, absolument continu du sujet réflexif. Précisons que le Temps propre du Sujet pensant (TpS) : 10-25s, ou moins, que je postule n’est pas une grandeur de l’ordre de la conscience mais de l’ordre de l’existentialité.

[5] De George Ellis (professeur émérite de l’université du Cap) : « Pour moi, le fait que le CERN ait passé les dix dernières années à effacer des données qui détiennent la clé d’une nouvelle physique fondamentale, c’est ça, le scénario du cauchemar. »

[6] Carlo Rovelli est physicien théoricien et philosophe des sciences à l’université d’Aix-Marseille.

[7] Anton Zeilinger, est un physicien autrichien. Il est connu pour ses travaux de téléportation quantique. Avec Alain Aspect et John Francis Clauser, il est lauréat du prix Nobel de physique en 2022

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  • : Ce blog propose une réflexion sur les concepts fondamentaux de physique théorique. Le référentiel centrale est anthropocentrique. Il attribue une sacrée responsabilité au sujet pensant dans sa relation avec la nature et ses propriétés physiques. L'homme ne peut être nu de toute contribution lorsqu'il tente de décrypter les propriétés 'objectives' de la nature.
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