Doute sur la publication du 17 mars.
A peine un mois après la publication annonçant la détection des ondes gravitationnelles quantiques relatives à la phénoménologie supposée du Big bang, qu’un article mettant en évidence de sérieux doutes sur la valeur de la publication du 17 mars est posté le 15/04 sur le site du New Scientist.
A mes yeux, il y a deux raisons d’être sceptique vis-à-vis de la publication du 17/03 telle qu’elle est proposée par John Kovac et Clement Pryke. La première vient du fait que les chercheurs trouvent une amplitude du phénomène de polarisation 2 fois plus grande que celle attendue. La deuxième est plus symptomatique, laissant entrevoir qu’un biais sérieux ait pu être introduit, c’est l’annonce tout de go, d’un sigma supérieur à 5, sans aucune vérification par une équipe extérieure à l’expérience.
L’article du New Scientist fait référence à des premières vérifications de la part de Philipp Mertsch à l’égard des possibles bruits de fond de phénomènes de polarisation du rayonnement électromagnétique. Le bruit de fond causé par les poussières célestes de sources multiples a été pris en compte par Kovac et all, selon leurs critères, et a été estimé dans les conditions de leurs observations à 20%. Selon Ph. Mertsch, les découvreurs des ondes gravitationnelles quantiques ont probablement sous-estimé la poussière résiduelle au sein des enveloppes en expansion des supernovae qui ont autrefois explosé. Il se trouve qu’au moins une de ces enveloppes traverse significativement le champ d’observation et d’évaluation de Bicep2. Est-ce que son impact sur le résultat publié le 17 a été correctement évalué ?
Aux échelles de perception qui sont les nôtres aujourd’hui, nous savons bien les limites, dites de l’observation, que nous côtoyons actuellement. Grâce aux moyens informatiques, les processus de modélisation ou de simulation que nous entreprenons à partir d’existence supposée, ici d’ondes gravitationnelles primordiales, ne peuvent pas être totalement neutres, totalement passifs.
Le doute est installé, peut-être que l’équipe de Kovac sera en mesure de le lever d’une façon convaincante rapidement. Ce qui est certain c’est que les résultats de Planck, actuellement promis en octobre 2014, offriront une confirmation ou une infirmation. Il paraîtrait que l’équipe de Planck dispose d’indices favorables grâce à des techniques et des conditions d’observations très différentes. De toutes les façons la mise en forme de résultats publiables s’avère délicate car nous avons déjà subi deux reports de publication depuis l’an passé.
Quel que soit, in fine, le résultat, réjouissons-nous de tout ce qui a pu se dire, être publié, republié, depuis le 17/03. En accéléré, en quelques jours, nous avons bénéficié de tout ce qui depuis 1980 a été cogité pour tenter de justifier d’un instant primordial de Notre univers qui soit en accord avec les constatations de sa structuration apparente, telle qu’elle nous apparaît, jusqu’à maintenant. En accéléré, en quelques articles, nous avons été confrontés à l’enchaînement des hypothèses qui s’impose, pour que l’édifice soit cohérent, pour que la machinerie engendre. Ainsi on ne peut manquer d’évaluer sa fragilité, sa construction artefactuelle. Au bout du compte on constate que cet instant primordial sans cesse se dérobe parce que la cause primordiale se dérobe. A moins d’évoquer le Divin, la cause divine, nous ne pouvons pas nous arrimer au point fixe de la cause primordiale qui enclencherait la machinerie de la genèse de Notre univers. Une des alternatives proposée, est la banalisation de Notre univers qui serait généré parmi tant d’autres au sein d’un multivers et/ou avec d’autres multivers, enfin la thèse de l’inflation éternelle proposée par Alan Guth procède d’une préoccupation identique.
La quête d’une origine primordiale absolue est donc une source de difficultés insolubles[1]. Ce n’est pas parce que l’on peut prétendre attribuer une origine à l’être pensant que nous sommes, (tout du moins un horizon sensé repérable dans le temps[2]), qu’automatiquement il doit en être ainsi de Notre propre univers naturel. La métaphysique incontestée chez les cosmologistes aujourd’hui consiste à considérer que c’est Notre univers qui est en mouvement avec un processus de genèse. Je propose que nous procédions à un véritable changement de paradigme métaphysique qui conduit à considérer que c’est l’intelligence de l’être pensant qui est en mouvement, métaphysique que j’énonce comme suit :au sein d’une Eternité (l’Univers), parmi tous les possibles (le(s) Multivers), avec ses capacités cérébrales sans limite : l’anthrôpos ne cesse de creuser un univers de connaissances (Notre univers), qui progressivement englobera les entités : univers, multivers, qui lui semblent encore extérieures, exogènes, qui sont plus le fruit d’une intuition légitime et/ou d’un souci de cohérence que celui d’une intelligibilité déjà établie. C’est en mettant en évidence des nouvelles propriétés et des nouvelles lois physiques que le sujet pensant, grâce à l’évolution permanente de ses capacités cérébrales, intégrera ces entités dans son propre univers en extension.
Au sein d’une Eternité : tout est là, le problème d’une origine de ce que nous débusquons comme nouveau phénomène conçu grâce à nos nouveaux savoirs ne se pose pas. Il n’y a en fait qu’une finalité qui est la nôtre et nous caractérise, qui en permanence nous met en jeu, et éternellement nous mettra en jeu.
Quand j’affirme : « que le sujet pensant, grâce à l’évolution permanente de ses capacités cérébrales… », je pense à l’évolution de nos capacités de cognition directement induites par l’évolution de nos connaissances de l’Univers. Pensons qu’Einstein, il y a un siècle, considérait que l’Univers immuable était simplement notre propre galaxie avec quelques millions d’étoiles. C’est Hubble qui a, en 1920, découvert que cela bougeait au-delà de la Voie Lactée : c’était Andromède qui était ainsi intégrée dans notre patrimoine intellectuel. Progressivement ce qui constituait encore l’Univers s’enrichissait de milliers, de millions, de milliards, de galaxies et concomitamment les galaxies s’enrichissaient jusqu’à des centaines de milliards d’étoiles, de trous noirs dont certains hyper massifs et autres objets célestes curieux et remarquables. Depuis une décennie on identifie des exo-planètes et à partir de là on peut maintenant statistiquement affirmer qu’il y a en moyenne 2.7 planètes qui gravitent autour de chaque étoile. Impossible de laisser de côté l’idée qu’il puisse y avoir d’autres intelligences dans Notre univers et dans les autres. On comprend bien que ces explosions quantitatives induisent des évolutions qualitatives au bénéfice de l’être qui est en mesure d’accueillir ces connaissances nouvelles. En un siècle le patrimoine savant du sujet pensant à propos du cosmos s’est considérablement enrichi de tout ce qui était déjà là évidemment. De là, implicitement (difficile d’affirmer que cela est déjà explicite), nous différencions Notre univers, de l’Univers, et pas de raison que cela s’arrête.
Pensons aussi aux premières versions naïves de Big bang, de Lemaitre, Friedmann, Einstein, et là où nous en sommes aujourd’hui. Pensons aussi aux capacités extraordinaires actuelles de fabriquer des instruments d’observation qui nous permettent d’ausculter la moindre vibration, la moindre lumière du cosmos. Notre regard est de plus en plus profond, nos capacités d’inférer s’étendent... cela ne peut s’arrêter.
Des avancées importantes sont prévisibles, elles adviendront lorsque, par exemple, nous serons intellectuellement en mesure de nous émanciper des contraintes de la loi E = mc2 (voir articles sur les neutrinos et matière noire) ainsi que de nous émanciper de l’horizon ‘indépassable’ de la vitesse de la lumière : constante universelle. On dit qu’il n’y a pas de vitesse possible au-delà de la vitesse de la lumière. Cela est exact lorsqu’il s’agit de la lumière rayonnée par la matière qui nous est jusqu’à présent familière et a fortiori cela est exact pour cette matière elle-même. Mais on évoque aussi la vitesse d’expansion fabuleuse de l’univers primordial qui échappe à toute évaluation, il n’en reste pas moins que le concept de vitesse reste approprié. Certes et ne l’oublions pas c’est l’expansion de l’espace-temps à l’exclusion de toute forme d’énergie et de matière. C’est l’inflaton ? qui serait la cause. Cette évolution se fait à pas comptés : certains physiciens parlent de bouffées d’expansion cosmique exponentielle, d’autres parlent d’une dilatation considérable de l’univers pour atteindre une taille bien supérieure à celle de celui que nous pouvons observer, d’autres encore évoquent une expansion brève et brutale ou encore une expansion fulgurante en un bref instant. Ces variations sémantiques ne sont certainement pas fortuites. Dans certaines expressions le concept de vitesse est un concept de représentation intellectuelle implicitement opérant, dans d’autres ce n’est plus le cas. Exploiter et maîtriser le concept de vitesse pour des vitesses supérieures à la vitesse de la lumière, qui est à la source de notre propre existence car c’est elle qui nous a forgés, sera difficile voire une barrière définitivement infranchissable. Actuellement c’est un horizon et par la voie de la démarche scientifique propre à la physique, il pourrait être objectivement franchi.
[1]La problématique de l’origine a aussi été un obstacle rédhibitoire lorsqu’il s’est agi de vouloir penser l’origine du langage. Pour pallier à cette quête source de stagnation de l’étude du langage par la voie d’une science appropriée, la Société linguistique de Paris a inscrit, en 1866, dans ses statuts un article qui passera à la postérité et qui stipule que la Société n’acceptera « aucune communication concernant l’origine du langage ». Une des raisons de cet article visait à contrer l’attitude quasi mystique dont on entoure outre-Rhin, à cette époque du romantisme allemand, la remontée dans la passé le plus ancien des langues. Il se trouve qu’après-coup de cet interdit historique, il advint la remarquable éclosion et le développement de la linguistique générale, notamment avec Saussure et ses disciples. Si l’interdit fut efficace, plus d’un siècle durant, c’est parce que, la linguistique structurale et la grammaire générative, bref la science linguistique libérée de toutes contraintes mystiques de l’origine, a pu opposer ses évidences théoriques et de méthode. Grâce à cette avancée, dorénavant, les recherches conjointent, des linguistes, des biologistes, des neurologues et psychologues, aussi bien que des anthropologues et des paléontologues sont en mesure de mieux situer la venue du langage à l’homme.
[2]A ce titre, voir le livre passionnant et remarquable : ‘Comment le langage est venu à l’homme’, de J.M. Hombert et de G. Lenclud chez Fayard. Janvier 2014.