Etats d’âme bénéfiques.
Etats d’âme…, façon de dire car le mot âme a perdu la validité qui était la sienne au fur et à mesure que la métaphysique qui l’a promu a sérieusement perdu de son actualité. Mais il est un fait que j’ai connu une variété d’états d’inquiétude voire d’angoisse avant de poster l’article précédent. J’ai pu m’y résoudre au bout de quelques jours lorsque j’ai pu retrouver le livre : ‘Biologie de la conscience’ de G. M. Edelman et in fine annexer un paragraphe dans lequel le mot ‘scène’ et surtout le processus dynamique de l’être pensant embryonnaire qui le conduit à être au cœur de la scène minimale qu’il fondait, m’accordait la légitimité d’appuyer sur le bouton : ‘Publier l’article’.
Ces états je les connais fréquemment alors qu’en général, pendant tout le temps où j’écris un article, je n’éprouve pas ce besoin de rencontrer une légitimité extérieure.
Dans l’article précédent, j’ai associé l’évolution de la connaissance de l’être pensant à son évolution propre et j’ai essayé d’en fixer des conséquences en ce qui concerne les deux grandeurs essentielles de la science physique et les conséquences en ce qui concerne nos possibilités de connaissances actuelles dans ce domaine.
Il est remarquable de constater que le clivage entre matière inanimée et matière animée ne résulte pas d’une propriété chimique ni biochimique mais d’une propriété physique comme je l’ai traité dans l’article du 02/08/2014 en m’appuyant sur les travaux remarquables des chercheurs du CNRS, publiés le 21/06/2014. Ces acides aminés lévogyres constituant les briques fondamentales de la matière vivante, puisque constituants essentiels des protéines. N’oublions pas que certaines protéines sont à l’œuvre directement dès le niveau de l’embryogenèse comme cela est rendu compte dans l’article de : ‘Pour la Science’ de septembre 2014 : ‘Comment les doigts se forment’. Dans cet article il est décrit l’observation en laboratoire, que les doigts (de souris) : « pourraient résulter d’un mécanisme d’auto-organisation dit de Turing, fondé sur la régulation mutuelle de trois protéines impliquées dans l’embryogenèse, BMP, Sox9 et Wnt… Les biologistes ont imaginé un modèle de Turing à trois morphogènes : la voie Wnt inhibe l’expression du gène de Sox9 entre les futurs doigts, tandis que la BMP la stimule dans les régions qui formeront les doigts. En retour Sox9 régule les deux voies. Ce modèle fournit bien un motif périodique (sic) conforme aux observations…Reste à vérifier qu’il est robuste. »
Est-ce que cette corrélation forte établie entre une détermination physique clairement établie et l’engendrement basique du monde animé ne peut être et rester qu’un sujet de spéculation pour les philosophes ou bien les spécialistes de l’objectivité, les physiciens, ont-ils le désir et les moyens de s’en emparer ?
Rétrospectivement on peut s’interroger : d’où vient l’intuition de Descartes qui plante dans le paysage de l’humanité son arbre de la connaissance dont les racines sont la métaphysique et le tronc la physique ? Cette intuition est très probablement alimentée et justifiée par une finalité très pragmatique affirmée de cette façon par R. Descartes : La science a une double finalité : elle est utile, pour soulager l’existence de quantité de maux et favoriser le bien-être en nous rendant « comme maîtres et possesseurs de la nature » (sic) ; elle est moralement désirable car en nous donnant la connaissance des causes elle nous conduit à la sagesse.
Maîtres et possesseurs de la nature, ne peut plus être un projet pour l’humanité actuelle car la compréhension de l’écologie scientifique nous dit que biologiquement et physiologiquement nous sommes immergés dans la nature et donc notre vie en dépend et avec le XXIe siècle la problématique de la survie de l’espèce humaine, ou d’une partie, n’est plus taboue.
La prescription de Descartes est aussi nourrie du souci de l’élévation vers plus de sagesse du genre humain, suivant la conviction que les connaissances extraites de la confrontation sans fin avec l’ordre naturel, constitue une conquête bénéfique de la part du sujet pensant et une conquête d’autant de fragments de liberté. Comprendre les lois de la nature est donc partie prenante du progrès pour l’humanité. Plus ont fait reculer notre ignorance des lois de la nature, plus l’humanité s’émancipe de ses contraintes, plus l’humanité s’humanise. Jusqu’où l’humanité peut-elle s’émanciper des lois de la nature alors que la cause première, la racine première, du monde vivant est tributaire d’une propriété de polarité de la lumière qui en conséquence doit être nommée : Notre lumière.
L’évolution animale résulte d’une confrontation-adaptation plus ou moins passive aux contraintes de la nature. Dans une continuité biologique, l’évolution humaine résulte d’une confrontation-adaptation certainement active aux contraintes physiques de la nature. Certainement active, parce que des stratégies de contournement se mettent en place pour contrer l’inhumanité des lois de la nature. Pragmatiquement, la voie ouverte consiste à décrypter les lois de la nature pour vivre avec, s’en émanciper, se les approprier. Il me semble qu’il est raisonnable de penser que – pour une grande part – l’intelligence humaine s’est développée au fur et à mesure qu’elle s’est nourrie de la quintessence de cette histoire toujours renouvelée, en devenir, de la confrontation-adaptation aux contraintes de la nature et qu’elle représente cette quintessence. L’être humain a progressivement dressé sa ‘Présence’ au sein de la nature au point de concevoir qu’il habite une étendue spatio-temporelle exclusivement faite pour lui, en tant qu’être pensant, qu’il appelle l’Univers. Mais sa curiosité n’a pas de raison, pour autant, d’être assouvie, il ne peut en rester là, c’est un des propres de l’homme. Dans ce contexte on peut apprécier à sa juste valeur les impulsions décisives de la philosophie cartésienne et ce n’est pas un hasard si elles sont formulées dans une périodique historique que l’on appelle la ‘Renaissance’.
Très probablement les dessins pariétaux découverts dans les grottes protégées nous montrent des gestes d’émancipations à l’égard de ce qui constitue le monde animal naturel. Il y a 35000 ans environ, nos ancêtres ont projeté sur des parois, ils ont ‘écrit’ sur les parois, qu’ils avaient pris conscience de leur différence avec le monde animal, qu’ils avaient pris conscience qu’ils appartenaient à des mondes distincts. L’extraordinaire lucidité et l’extraordinaire vérité des représentations, avec une économie de moyens émouvante, nous montrent que l’impact d’une empathie récente encore prégnante guide la main de l’artiste homo sapiens. Les scènes de chasse, par exemple, représentées indiquent qu’ils avaient acquis une compréhension d’un positionnement dans le temps et dans l’espace, d’eux-mêmes, et du monde immédiat qui leur était extérieur. A cause de leur confrontation avec le monde animal, ils étaient à même de décrypter et de représenter sur les parois de la grotte Chauvet, l’élan, l’énergie, qui met dans un mouvement irrépressible les lionnes en chasse visant le même objectif. Plus les homos sapiens étaient en mesure de décrypter cet élan sauvage, plus ils étaient en mesure de le ‘dire’, de le faire savoir, plus ils étaient en mesure de se préserver collectivement de ses conséquences parfois funestes pour eux-mêmes.
Après la présentation de la prise de conscience de la séparation, il semblerait qu’il fallut attendre le néolithique, il y a 12000 ans, pour que l’homo sapiens se représente lui-même (statuette, signe gravé) comme représentant d’un genre qui le distingue de tous les autres genres qu’il côtoie.
Dans la quatrième de couverture du livre : ‘La fin de l’exception humaine’[1]que j’ai déjà abordé dans l’article du 02/12/2013 : ‘La fin comme celle du Phénix’, je cite : « L’humanité s’inscrit dans la vie grâce à des visions globales du monde et à des savoirs empiriques morcelés. La thèse de l’exception humaine est une vision du monde. Son coût, au regard de son utilité supposée, est exorbitant – l’impossibilité d’articuler les savoirs empiriques assurés en une vision intégrée de l’identité humaine qui conjugue les sciences de la culture et les autres connaissances concernant l’homme. »
L’auteur voit juste en évoquant le morcellement des savoirs empiriques qui s’explique toujours selon l’auteur à cause du refus d’accepter l’origine naturelle de l’homme et qu’il n’y a pas d’exception humaine. Je ne suis pas sûr que dans son analyse il accorda beaucoup de place au savoir spécifique de la physique, et pourtant… Mais le coût qu’il suppose est certainement exorbitant. Peut-être que les physiciens sont confrontés au chiffrage de ce coût : 95% d’ignorance de ce qui compose Notre univers.
Dans son livre le plus récent, pour tenter de jeter une lumière nouvelle sur les 95% obscurs, Lee Smolin évoque l’hypothèse – en s’appuyant sur sa certitude de la réalité du temps – que les lois de la physique pourraient évoluer à la manière des lois de la biologie (sic). Effectivement, je propose de prendre le contre-pied de Smolin en considérant que l’évolution à prendre en compte est celle de nos capacités de décryptage des lois de la nature.
Ainsi comme je l’indique dans mon précédent article, ce n’est pas C : vitesse de la lumière qui évolue, mais ce qui doit évoluer c’est notre capacité à prendre en compte des vitesses naturelles autres que celles de Notre lumière. Rubicond certainement difficile à franchir.
Ce qui doit évoluer c’est notre capacité d’intégrer qu’il existe d’autres matières que la baryonique et que celles-ci ne seraient pas contraintes par exemple par E = mc2.
Ce qui doit évoluer c’est la croyance que le corpus des lois physiques est un corpus de lois finis.
Ce qui doit évoluer c’est la croyance que le sujet pensant est nu de toute contribution lorsqu’il décrypte et met en évidence une loi de la nature.
Ce qui doit évoluer c’est la compréhension historique de notre rapport d’intelligence avec les propriétés de la nature, de notre capacité à conceptualiser, en prenant en compte l’histoire profonde de l’évolution de l’être pensant.