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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 19:04

Faire alliance avec les linguistes pour avancer.

(J’espère que cet article ne sera pas lu comme un article patchwork mais compris comme un article qui met en évidence des relations positives qui peuvent et, à mon sens, devraient être plus souvent expérimentées entre différents domaines scientifiques. Dans cet article je me suis appuyé sur les avancées de la linguistique telles qu’elles sont rapportées aujourd’hui. Selon moi la grande et bénéfique controverse qui a nourri les points de vue antipodiques d’Einstein et de Bohr est essentiellement dû à l’idée très contrastée, que chacun d’entre eux se faisait, de la posture du sujet pensant, habité de toutes ses déterminations, dans sa quête de la compréhension-appropriation des lois qui gouvernent la nature.)     

En dehors de leurs conséquences physiques, je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer une analyse de ce qui a fait l’essentiel des positions antipodiques d’Einstein et Bohr, telles qu’elles se sont affirmées à l’occasion du débat EPR (1935). L’argument EPR étant tellement sur le mode affirmatif que l’on peut entendre l’auteur défier à l’envi celui, (ceux), qui oserait(ent) remettre en cause la logique, le bon sens classique, de ce qui est comme suit énoncé : «Chaque élément de la réalité physique doit avoir un correspondant dans la théorie physique ; [étant entendu que] si sans perturber le système en aucune façon, nous pouvons prédire avec certitude…la valeur d’une grandeur physique, alors il existe un élément de la réalité physique correspondant.» Il est clairement affirmé que la connaissance que nous avons des lois de la nature et de celles que nous devons encore conquérir ne peut déroger à la logique certaine qui est énoncée dans ces phrases ouvrant l’article EPR. C’est probablement excessif que d’établir un lien avec l’instruction cartésienne : ‘que la science nous rende maîtres et possesseurs  de la nature’, mais, selon Einstein, sur le plan intellectuel l’entreprise est déjà bien avancée. En effet, il est convaincu que depuis l’avènement de la physique moderne (Galilée) tous les progrès de la connaissance en physique ont été assurés grâce à des prélèvements concrets sur la réalité de ce qui ordonne la nature et donc à ce titre, lui et ses contemporains ont la mission de poursuivre ce processus d’addition et de mise en rapport logique des lois et des éléments de la ‘réalité’ au fur et à mesure qu’ils sont débusqués par les physiciens. .

On peut comprendre aisément pourquoi A. Einstein conçoit avec cette très forte conviction le processus de la quête intelligente du physicien qui a prise sur la réalité de l’univers car c’est sur ce préalable philosophique qu’il a pu assurer presque solitairement, durant une décennie, la genèse de la loi de la relativité générale. Loi qui est certainement la plus belle création de l’esprit du siècle passé et qui continue de fertiliser la pensée scientifique de ce début du siècle. Mais ce n’est pas un préalable scientifique qui a guidé Einstein, c’est tout simplement un préalable philosophique (métaphysique) car il n’y avait aucun acquis à l’époque qui justifiait de raisonner unilatéralement ainsi. Même Maxwell (qui pour Einstein était une référence certaine et même plus) disait qu’au mieux on pouvait s’appuyer sur une modélisation de la nature, c'est-à-dire de lancer sur la nature des filets – autrement dit des « modèles » - pour en attraper les secrets dont les mailles sont mathématiques, tout en sachant bien que ce sont là des artifices, en ce que ces modèles ne reflètent jamais fidèlement les mécanismes qu’ils servent à représenter.

En contrepartie de la position affirmée d’Einstein celle de N. Bohr est à proprement parler renversante car dans sa réplique au paradoxe EPR exposé, il demande d’admettre que dans le domaine quantique, le physicien n’est plus maître de signification a priori, il ne peut plus anticiper avec certitude un résultat, il lui faut attendre que la mesure soit réalisée dans le domaine qu’il prospecte. Plus humblement, le physicien ne peut que se référer à l’information[1] donnée par la mesure sur les grandeurs qu’il souhaite intégrer dans un ensemble cohérent, significatif. En mécanique quantique, il n’y a pas d’assemblage théorique crédible qui ne soit assujetti au référentiel des conditions et des résultats de la mesure. De N. Bohr : « Les concepts physiques tirent leur seul légitimité de leur capacité à couvrir la situation expérimentale. » Ainsi l’intrication de deux objets quantiques avec ses conséquences est un fait qui s’est imposé à partir du début des années 80 avec l’expérience concluante de A. Aspect. Aucune cause théorique n’est à même d’étayer cette propriété qui est donc, à l’égard de ce qui est notre faculté d’entendement classique, …bizarre, inexplicable.

En conséquence contrairement aux fondements certains de la pensée théorique d’Einstein, il n’y a pas pour le physicien la possibilité d’inférer sur la base d’une réalité effective locale du monde. A l’échelle quantique, aucune pensée scientifique juste ne peut être conçue sur la base de la pensée préalable : il y a une réalité locale du monde. De W. Heisenberg : « Le postulat d’une réalité physique existant indépendamment de l’homme n’a pas de signification. ». J’aimerais qu’il soit plus souvent reconnu l’intuition épistémologique remarquable de N. Bohr[2] qui avec si peu d’éléments disponibles à l’époque, avait annoncé que le sujet pensant était un être si intimement influencé, structuré, formaté, déterminé donc, par son environnement naturel, physique, tel qu’il lui est donné par ses sens, qu’il lestait ses capacités intellectuelles de prospection et de conceptualisation. Le physicien peut en partie constater (mesurer) ce qui est au niveau quantique, mais en aucun cas il ne peut envisager de le conceptualiser, de se l’approprier, par ses propres facultés de représentation selon les modalités à sa disposition en tant que sujet pensant fruit d’un monde classique. A l’échelle quantique le physicien ne peut prétendre accéder à la connaissance du monde tel qu’il est mais seulement développer un discours scientifique à propos des informations obtenues en retour des gestes expérimentaux. De N. Bohr : « La physique est seulement concernée par ce que l’on peut dire sur la nature. »

La langage qui façonne la pensée et qui en est aussi son émanation résulte des facultés créatives, adaptatives, extraordinaires de l’homo sapiens qui a pu développer une conscience de sa singularité en prononçant (construisant) son individualité. Il a su développer un processus de différenciation, d’émancipation, à l’égard de la nature en mettant en œuvre une capacité de désignation, autant que faire se peut, de ce qui compose celle-ci. Désigner consiste entre autre à mettre à distance de soi. Evidemment les ressorts du langage ont puisé dans la perception que nous avons du monde immédiat, extériorisé, ainsi objectivé, donc classique. En conséquence, nous pourrions donc (peut-être) espérer que les linguistes nous aident à comprendre pourquoi nous ne pouvons pas penser ‘quantique’. Reconnaissons que cela n’a jamais été leur préoccupation, trop occupé à tenter d’identifier la ou les structures propres au langage.

Tout récemment (avril 2012) un remarquable ouvrage : ‘Dernières Leçons, Collège de France 1968-1969’ d’Emile Benveniste, a été édité (EHESS, Gallimard, Seuil). La préface de Julia Kristeva est aussi de très grande qualité. Une incursion chez Benveniste (1902-1976)[3] qui fit du langage le chemin d’une vie peut nous éclairer vis-à-vis de la problématique posée. Comment la langue fabrique du sens, comment se constituent les significations ? Habituellement ces questions ne figurent pas dans le programme habituel des linguistes, parce qu’ils supposent le plus souvent le sens donné, et donc ils cherchent à scruter sa transmission plutôt que son émergence. En 1968, Benveniste a cette idée neuve : c’est au sein des phrases, dans la succession des termes, que s’engendre le sens. La signification est générée par ce qui est en train de se dire, par l’énonciation, par les phrases en mouvement, proférées par un sujet singulier. On est fort loin d’avoir tiré les enseignements de cette conception dynamique mais voilà ce qui doit attirer notre attention. .

L’essentiel de la langue, c’est de signifier. Comment ça signifie ? Comment s’engendre la capacité de penser dans l’appareil même du langage ? Ce qui ressort quand on suit Benveniste c’est que le langage sert tout autant à concevoir du sens qu’à transmettre du sens. Et probablement plus à en concevoir. Pour Benveniste : « ça signifie » est synonyme de « ça parle », et c’est donc sans le recours à quelque « réalité externe » ou « transcendantale », mais dans les « propriétés » du langage même, qu’il prospecte et analyse les possibilités de faire sens, spécifiques de cet « organisme signifiant » qu’est l’humanité parlante. (Cela laisserait entendre que le langage construit son monde sans se référer, sans le recours, sans quelque prélèvement à une quelconque réalité externe, qui serait a priori accessible au sujet pensant.) Etudier le « pouvoir signifiant » dans les propriétés mêmes du langage, selon Benveniste, « signifier » constitue un principe interne du langage. Il a cherché à montrer comment l’appareil formel de la langue la rend capable non seulement de « dénommer » des objets et des situations mais surtout de « générer » des discours aux significations originales, aussi individuelles que partageables dans les échanges avec autrui. » « L’organisme de la langue génère aussi d’autres systèmes de signes qui lui ressemblent ou augmentent ses capacités, mais dont elle est le seul systèmes signifiant capable de fournir une interprétation. »

 « Enoncer quelque chose, c’est poser une réalité (sa réalité vécue, conçue) et c’est aussi un acte cognitif : une pensée s’énonce en mots »

La croyance d’Einstein à propos de la réalité qui se laisserait dévoiler par l’intelligence du physicien et de ses outils n’est pas compatible avec la compréhension du ‘sujet pensant-parlant’ qui émerge des travaux de E. Benveniste qui s’est consacré à l’étude de l’humanité parlante…pensante[4]. Le langage, donc la pensée, n’opèrent pas sur la base de prélèvements sur une quelconque réalité, même pas d’un point de vue originel. Quand l’être humain se construit être dans la nature, c’est avec ses propres ressources. 

N. Bohr avait compris très tôt qu’il était difficile de vouloir décrire, penser, les propriétés quantiques au plus près de leur vérité avec des capacités de représentation et des capacités langagières forgées au contact et à l’épreuve de notre monde immédiat. On peut considérer que le principe de complémentarité qu’il a énoncé en 1927 constitue la riposte la plus appropriée pour remédier à ce handicap. Il accepte le principe que quand nous chaussons nos ‘lunettes cérébrales’ pour rendre compte d’un phénomène que nous voyons-pensons comme ondulatoire celles-ci ne peuvent simultanément les voir-penser suivant un aspect corpusculaire et réciproquement. (Pensons à la discussion entre Christiaan Huygens et Isaac Newton à propos de la lumière au XVIIe siècle.) Effectivement les termes onde et corpuscule sont très déterminants, ils sont à l’échelle de notre monde le fruit de perceptions très clivant. N. Bohr admet implicitement que ces deux termes sont profondément prégnants et leurs empreintes intellectuelles sont non seulement inaliénables mais elles sont aussi un véritable obstacle pour ‘voir’, penser, autrement ce qui caractériserait les objets et les propriétés quantiques. Avec son principe de complémentarité, Bohr prend acte de cet héritage et fait preuve de pragmatisme, il installe l’aspect ondulatoire et l’aspect corpusculaire sur deux versants opposés de la description d’une unique entité qui est de l’ordre de l’échelle quantique et qui donc ne nous est pas intellectuellement accessible en tant que telle…et probablement ne le sera jamais (après tout, j’accepterais volontiers de mettre un bémol à cette dernière affirmation).

A ce titre les expériences décrites par A. Ourjoumtsev, in ‘Pour la Science’ juillet-septembre 2010, p.80 sont illustratives. Si on sait qu’il y a quelque chose dans l’interféromètre, l’aspect ondulatoire s’impose si et seulement si ce quelque chose (même macroscopique) ne nous livre aucune information sur le fait qu’il serait quelque chose au cours de sa pérégrination dans l’interféromètre. Il serait intéressant de faire la même expérience mais avec la variation suivante : l’observateur ne sait pas s’il y a ou il n’y a pas quelque chose dans l’interféromètre (cette alternance étant parfaitement aléatoire.) La sophistication suprême de cette expérience serait d’observer simultanément le fonctionnement cérébral de l’observateur grâce aux moyens de l’imagerie cérébrale qui sont maintenant au point.

Afin d’illustrer un peu plus mon propos en ce qui concerne la détermination induite par la prégnance des mots concepts, prenons l’exemple des neutrinos. Nous déclarons depuis une bonne décennie que leurs saveurs (3 identifiées) oscillent alors qu’il serait plus juste de dire que leurs saveurs se substituent mutuellement. Par contre l’expression oscillation des saveurs permet de mettre en jeu ce qui caractérisent les propriétés de l’oscillation d’un point de vue mathématique. Cela permet d’identifier des paramètres propres de l’oscillation et de les valoriser en rapport avec les résultats expérimentaux accumulés. En aucun cas, cela ne nous autorise à continuer d’affirmer que nous voyons les saveurs des neutrinos osciller effectivement. Avec cet exemple nous disposons d’une belle illustration de la thèse de Maxwell en ce qui concerne la modélisation de la nature. Enfin toujours à propos des neutrinos, l’hypothèse du ‘seesaw mechanism’ (bascule, balance), qui est une tentative d’expliquer l’extrême petitesse de la masse des neutrinos recensés, montre encore que ce sont des images du monde classique qui sont convoquées a propos d’une propriété qui doit être encore considérée comme ad hoc.

Pour compléter et actualiser ces réflexions j’invite à étudier l’article suivant : ‘La langue façonne la Pensée  de Lera Boroditsky ; in ‘Pour la Science’, septembre 2011. Cet article relate que depuis 10 ans des linguistes ont montré que des langues différentes transmettent des capacités cognitives différentes ainsi que, par exemple, les représentations spatiales et temporelles. L’apprentissage dépend de la langue que l’on parle.

Ces linguistes ont constaté que les exigences d’une langue peuvent renforcer la capacité à s’orienter dans l’espace. Ils ont aussi constaté que les individus pensant différemment l’espace ont des chances de penser différemment dans le temps. Ce qui, entre autre, ressort de cet article c’est que l’espace et le temps peuvent être, suivant les cultures, les langues, déterminés à partir de repères extrêmement distincts mais il n’en reste pas moins qu’ils sont des cadres fondamentaux appelés par l’humain pour se situer. Ceci semble être une donnée invariante sous toutes les latitudes. En encart, il est précisé : « L’extrême diversité des langues dans le monde serait liée à des différences de cognition, et chaque langue serait associée à une « façon de penser ». Cette idée doit cependant être nuancée. Les variations cognitives observées selon la langue semblent concerner les mêmes domaines, à savoir le nombre, l’espace et le temps d’une part, la mémoire et les relations avec autrui d’autre part. Il est remarquable que ces domaines correspondent à ce que plusieurs scientifiques nomment les connaissances noyaux. Il s’agit de connaissances prélinguistiques, c'est-à-dire qu’elles se développent tôt chez l’enfant, avant même l’apparition du langage. »

Ce qui est cité ci-dessus confirmerait ce que j’ai toujours indiqué (dès les premiers chapitres du cours en 2007) à propos de l’espace et du temps qui seraient inhérent à l’être humain[5]. Coïncidence intéressante dans le même numéro de la revue se trouve un article qui s’intitule : ‘Vivre dans un monde quantique’ où il est écrit qu’à l’échelle quantique : il n’y a pas besoin de se référer à un cadre spatio-temporel. Ce qui laisserait entendre, selon mon hypothèse, que le cadre spatio-temporel est imposé par l’être humain déterminé à cause de son rapport spécifique, exclusif, avec le monde extérieur perçu, décrypté, de l’échelle classique. 

Regardons plus en détail cet article de Vlatko Vedral. Premièrement cet article est très critiquable par ce qu’il l’introduit avec ce titre : « Vivre dans un monde quantique ». Il n’y a pas de monde quantique qui se différencierait particulièrement. Il n’y a qu’un seul monde et une description qui fait appel à des lois quantiques lorsque nous sommes à l’échelle correspondante. N. Bohr avait déjà en son temps lancé un avertissement pour contrer ce type de bévue : « Il n’y a pas de monde quantique. Il n’y a qu’une description physique quantique abstraite. » Une fois que nous sommes avertis de ce genre d’extrapolation erronée on peut analyser ce qui est écrit p. 28 « Par exemple, l’espace et le temps sont en physique deux des concepts les plus fondamentaux, mais qui ne jouent qu’un rôle secondaire en physique quantique. L’intrication est le phénomène quantique essentiel. Elle lie entre eux des systèmes sans référence à l’espace et au temps. S’il y avait véritablement une frontière à tracer entre les mondes quantique et classique (sic) nous pourrions nous reposer sur le cadre spatio-temporel classique pour doter la théorie quantique d’un cadre similaire. Sans cette démarcation – en fait surtout parce que le monde classique n’existe pas – nous n’avons plus besoin de ce cadre. Il nous faut plutôt chercher à expliquer l’espace et le temps comme des phénomènes émergeant d’une façon ou d’une autre d’une physique fondamentale dénuée de cadre spatio-temporel. Cela se prolonge par des interprétations sur l’espace et le temps. »

Pour décrypter le monde qui lui est extérieur, l’être humain a recours aux notions fondamentales qui ont contribué à son émergence singulière de sujet pensant. Pour aiguiser ces notions, ses outils, l’être humain s’est frotté, avec ses sens en développement, à un monde de perception immédiat donc correspondant à ce que l’on nomme l’échelle classique[6]. Parmi ces notions, il y a l’espace et le temps et plus fondamentalement le temps. Dans ce contexte on peut envisager que l’espace et le temps deviennent caducs à l’échelle quantique. Dire que « l’espace et le temps seraient des phénomènes émergeant » voudrait dire alors qu’en deçà du seuil de cette émergence, l’intelligence de l’homme est inopérante, elle est démunie, et on ne peut plus projeter de signification sur une base aussi essentielle que la spatiale et la temporelle. J’ai fait l’hypothèse qu’à propos du temps, la valeur rédhibitoire serait de l’ordre de 10-25s correspondant à τs ou TpS (‘Durée irrémédiable et aveugle de l’intelligence humaine.’) ; (voir articles précédents dont « Si faille il y a, quelle est sa nature ? ») ; nous pouvons en déduire en multipliant par C cette durée irrémédiable que 10-2 fermi est l’ordre de grandeur de distance en deçà de laquelle on perd toute capacité de mesure spatiale. C’est d’ailleurs à cet ordre de grandeur que certains disent que l’électron a effectivement cette dimension géométrique et d’autres disent qu’à partir de cette dimension on doit le considérer comme ponctuel.

Ainsi donc l’intrication, ce lien mystérieux entre deux objets quantiques, qui fait que toute action exercée sur l’un modifie instantanément les propriétés de l’autre, qu’elle que soit la ‘distance’ qui les séparerait, nous renvoie à une de nos déterminations. En fait on ne peut effectivement évoquer la distance qui les séparerait parce que ces objets intriqués au départ le reste après coup et en conséquence ne peuvent être individuellement distingués, localisés. Le repérage spatial et temporel n’est plus opérationnel.

Lorsqu’on étudie l’objet que l’on nomme le photon, il faut remarquer que nous constatons que celui-ci ‘est’ ou n’‘est pas’. Nous sommes incapable d’isoler une durée pendant laquelle on pourrait déclarer qu’il serait en formation. Il en est de même pour ce qui concerne la production d’un état d’intrication de 2 photons par exemple, ou de la production d’un état d’intrication de deux cristaux via des photons déjà intriqués. Ces processus prennent naissance à l’intérieur de τs, l’être humain est aveugle et nous ne pouvons considérer qu’une seule entité.  

 



[1] Par exemple à propos du spin de l’électron ou d’une autre particule l’appareil de Stern et Gerlach nous donne l’information que l’électron peut être considéré comme un objet tournant sur lui-même. Toutefois, il n’est pas possible pour nous de concevoir comment une particule puisse tourner sur elle-même simultanément dans toutes les directions. Le fait que nous le pensions comme objet tournant constitue  certainement un obstacle pour le penser autrement mais il faudrait aussi pouvoir imaginer des instruments de mesure moins classiques.

[2] Etrange quand même qu’il soit toujours associé à la problématique de l’intrication le nom d’Einstein alors qu’il l’avait imaginé pour la réfuter et surtout réfuter les fondements de la mécanique quantique proposés par N. Bohr et l’école de Copenhague.

[3] Les investigations lexicologiques de Benveniste, éblouissent par l’abondance des matériaux mis en œuvre et son aptitude continuelle à intégrer le fait singulier dans un ensemble cohérent, qualités qui éclatent dans sa contribution à l’histoire de « civilisation » […] On constate que le français sert de point de départ à des réflexions et à des définitions qui le dépassent : l’examen d’une langue particulière débouche sur un problème de linguistique générale. C’est chez Benveniste, une démarche essentielle.

[4] Très grand connaisseur des langues et des langues anciennes grâce à son milieu familial, ses voyages et ses études : le grec ancien et moderne, le latin, le sanscrit, le hittite, le tokharien, l’indien, l’iranien, toutes les langues indo-européennes, les langues amérindiennes, l’hébreu, le turque, le russe, l’arabe, le slave…

[5] Le temps n’est pas là par lui-même, il n’est pas donné, il n’est que par la mesure opérée par le sujet fondateur et acteur de la mesure. L’être humain est le seul être qui dispose d’un savoir sur le fait qu’il est …. C’est un spatio-temporel et il peut l’exprimer.

[6] « Ainsi nous créons le monde classique que nous observons en fonction de la sensibilité de notre perception, et comme le dit C. Bruckner : « Il pourrait y avoir d’autres mondes classiques complètement différents du nôtre. » » In ‘Pour la Science’, dossier juillet-septembre 2010, p.37.

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