Que faut-il en penser ?
Henry Stapp a publié un livre : ‘Mindfull Univers, Quantum Mechanics and the participating Observer’, (Edit. Springer) ; (L’Univers de la Conscience, Mécanique Quantique et l’Observateur actif.) Ce livre a été précédé en 2009 par : ‘Mind, Matter and Quantum Mechanics. ; (Esprit, Matière et Mécanique Quantique).
Ce livre est en partie commenté dans le Blog : Philoscience, article du 18 juillet 2012. Je cite : « Le point de départ de Henry Stapp consiste à montrer que les inventeurs de la mécanique quantique (MQ), notamment ceux regroupés au sein de l'école de Copenhague, ont par cette nouvelle science obligé à l'abandon des postulats de la science classique, c'est-à-dire l'existence d'un réel indépendant des observateurs et la nécessité pour comprendre ce réel de le détacher de toute subjectivité, c'est-à-dire toute référence à l'observateur et à son esprit (mind). » ; « Heureusement la MQ a remis, selon l'expression de Stapp, la science sur ses pieds, en se donnant comme objet d'étude les processus par lesquels les humains acquièrent des connaissance et les modalités selon lesquelles ces connaissances construisent les représentations que nous nous donnons de nous-mêmes et, de l'univers. Loin d'être incompréhensible, la MQ est beaucoup plus compréhensible que les physiques traditionnelles, dans la mesure où elle fait appel à une intuition forte que nous éprouvons et utilisons tous les jours, celle selon laquelle l'attention consciente que nous portons aux choses et aux évènements de notre monde nous est indispensable pour mieux les comprendre. La MQ nous a obligé, à partir de l'affirmation du principe d'indétermination de Heisenberg, à prendre en compte la façon dont nos choix conscients orientent nos conduites, faisant appel à un grand nombre de comportements différents possibles que la science déterministe classique se refuse à évoquer. »
Pour apprécier les travaux de H. Stapp, nous allons nous concentrer sur un sujet que nous connaissons bien qui est ‘L’effet Zénon Quantique’. Ce sujet a été traité à plusieurs occasions, notamment dans le cours I (2007-2008), où j’ai présenté les travaux de Sudarshan, Misra et Chiu (datant de 1980) qui révèlent expérimentalement et théoriquement cet effet appelé aussi d’une façon explicite ‘Effet chien de garde’. Rappelons succinctement que cet effet est obtenu quand un état quantique métastable est mesuré d’une façon répétitive et réinitialisé suffisamment souvent, eh bien ! la durée de vie de cet état quantique est effectivement modifiée, elle s’accroît. Par exemple si une particule se désintègre très rapidement, eh bien ! si on l’observe plusieurs fois durant des intervalles de temps inférieurs à sa durée de vie moyenne, elle ne se désintègre pas, (plus), en tous les cas moins rapidement. L’effet tunnel a été soumis à l’expérimentation de l’observation tangible de l’effet Zénon. Ce sujet a été à nouveau traité durant le cours IV (2009-2010 : consulter 53PH3PP9) a été l’objet de riches exposés réalisés par Marcel Sabaton et Michel Carrese. De plus le cours de Serge Haroche au Collège de France développe largement ce sujet sur le plan théorique et formel.
J’ai souvent exprimé mon étonnement à propos de la rapide banalisation de cet effet Zénon. Ceci étant dû au fait qu’il est facilement déductible des équations fondamentales de la mécanique quantique et donc l’étonnement et le questionnement à propos de cet effet s’est rapidement estompé. Pourtant on se trouve confronté a un effet qui met en évidence la dépendance de valeurs physiques suivant les conditions de leur observation, et qui plus est : des variations de l’action concrète de l’observateur induisent immédiatement des variations significatives de leur(s) valeur(s). Nous sommes là confrontés à une phénoménologie très originale. On peut se réjouir et être satisfait que la Mécanique Quantique rende compte mathématiquement de ces contextes spécifiques de mesure. Plus que celà encore, de mon point de vue, on doit être toujours intellectuellement interpellé à l’égard de ces résultats. Est-ce que la construction de la M.Q. par l’école de Copenhague (Bohr, Heisenberg, Born…) intègre effectivement l’interdépendance sujet/objet ? La réponse explicite a cette interrogation a toujours un sens très important aujourd’hui, parce que nous savons que l’école de Copenhague a construit cette théorie d’une façon très pragmatique, au coup par coup, quelques fois dans l’urgence de réponses qu’il fallait apporter aux arguments d’opposition, de doute, que A. Einstein ne cessait de présenter. Finalement cette construction téléologique (car finalement il fallait expliquer les phénomènes, les observations, qui se présentaient au fur et à mesure de leurs identifications), pierre par pierre, a involontairement (il n’est pas possible de considérer que les promoteurs de l’école de Copenhague aient eu une idée préalable élaborée du corpus de la M.Q., c’était une révolution intellectuelle de trop grande ampleur pour qu’il en fut ainsi), conduit à la conception d’un édifice d’une très grande cohérence et qui nous dit surtout que le concepteur ne peut pas être gommé de cette construction. C'est-à-dire que le sujet pensant ne peut pas penser autrement, même quand il s’est agi, durant quatre siècles, de la conception du corpus de la physique classique.
Revenons à la thèse de H. Stapp, restons concentrés sur l’effet Zénon et voyons comment il l’explique grâce au commentaire de J.P. Baquiast auteur de l’article du blog :
« -Les modèles pour l'action et l'effet Zénon quantique.
Il s'agit d'ensembles organisés de neurones qui réagissent aux interactions du corps avec le milieu et qui sont utilisés par le cerveau comme guides pour des actions subséquentes susceptibles d'intervenir en réaction des stimulus d'entrée. Ils ont un rôle important pour la survie, offrant au cerveau des gammes de recettes utilisables dans les circonstances critiques. Ils doivent rester actifs pendant quelques 10 à 100 millisecondes avant d'enclencher l'action correspondante. Il s'agit d'états vibratoires qui demeurent stables sous forme d'oscillateurs harmoniques, au lieu de se dissoudre dans la masse chaotique du cerveau. Les réponses qu'ils commandent relèvent de la levée de l'indétermination quantique, en offrant à la conscience le choix entre Oui et Non. C'est seulement en ce choix que se manifeste le libre-arbitre du sujet
Si cependant il se produit une rapide séquence soit de Oui répétés, soit de Non, l'effet Zénon quantique évoqué plus haut, conduit à la persistance des états correspondants, ce qui évite leur dissolution dans le bruit provoqué par des états plus passagers du cerveau. Selon Henry Stapp, ce résultat favorable pour le sujet conscient confronté à des forces mécaniques susceptibles de détruire les capacités de son cerveau à réagir aux menaces est le résultat d'une « volonté » d'attention manifestée par ce même sujet. Ainsi ce dernier peut-il, si l'on peut dire, « conserver ses esprits » dans des circonstances qui pourraient le conduire au contraire à les perdre.
Ces quelques exemples, auxquels nous nous limiterons, permettent de mieux préciser la nature de la conscience. Il ne s'agit pas d'une propriété évanescente, venue d'on ne sait où dans le cerveau, et qui pourrait provoquer toutes les sortes d'actions imaginables. Il ne s'agit pas non plus d'éléments neuronaux matériels, ayant leur place précise dans le cerveau. Il s'agit plutôt de faisceaux d'intentions, matérialisées par des assemblées de neurones, susceptibles de provoquer des actions. Leur mode d'intervention relèvent de la simple application de l'équation d'Heisenberg, en ce sens qu'ils lèvent les indéterminations ou incertitudes se produisant au sein des neurones et ensembles de neurones qui ne peuvent être décrits ou localisés de façon mécanique, mais qui sont seulement définis par des fonctions d'onde et réduits par l'observation. »
On constate donc que H. Stapp tente d’expliquer l’effet Zénon à partir de la connaissance que nous aurions actuellement du fonctionnement du cerveau humain. Il semble assuré que cette connaissance, aujourd’hui, est suffisamment bien établie pour considérer qu’il est possible d’expliquer l’effet Zénon à partir des aptitudes quantiques du cerveau. Sans difficulté on peut dire que cela est extrêmement prématuré de vouloir expliquer les choses en exploitant la chaîne de causalité dans ce sens : ‘c’est à cause des propriétés connues du fonctionnement du cerveau humain que nous pouvons expliquer l’effet Zénon Quantique’ Cela n’est pas possible actuellement…et il faut prévoir encore beaucoup de temps pour inférer ce type de corrélation avec une objectivité suffisante. Soyons pragmatique et observons quand cela est possible, s’il y a des corrélations qui peuvent être détectées en étudiant les choses dans l’autre sens. C’est exactement ce que j’ai préconisé à la fin de l’article posté le 27/08/2012 :’D’infinis précautions’.
Comme je l’ai déjà indiqué, je suis toujours étonné et marri par la rapide banalisation de l’effet Zénon alors qu’il nous met au pied du mur du questionnement : ‘Y a t’il une réalité intrinsèque ? Est-elle connaissable comme telle par le sujet pensant ? ‘
Avant de terminer cet article je voudrais rappeler qu’en 2010 un groupe international de chercheurs comprenant, l’ENS Paris/UPMC/CNRS, a obtenu un résultat qui l’a étonné et l’étonne encore car il prévoit de refaire l’expérience pour infirmer ou confirmer ce résultat[1]. Ces chercheurs ont obtenu une mesure du rayon du proton de 0.8418 femtomètre au lieu des 0.877 connu et attendu avec une très grande précision quand on fait traditionnellement la mesure avec un atome d’hydrogène. Ce résultat dérangeant a été obtenu à partir d’un atome ‘d’hydrogène muonique’ quand l’électron est remplacé par un muon. Dans ce cas les mesures doivent être réalisées en moins de 10-6seconde à cause de la durée de vie très courte du muon. Attendons les résultats de la 2em campagne de mesure et si le résultat étrange est confirmé alors il faudra se demander s’il n’y a pas un effet Zénon quantique qui est en cause. En attendant, je le verse au dossier de cet effet.