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2 août 2014 6 02 /08 /août /2014 17:50

    Accordons quelques batifolages à l’esprit.

Il est de saison, n’est-ce pas, de s’autoriser à quelques batifolages intellectuels dans le sens où on a du temps de prendre en considération certains enjambements de la pensée, c’est-à-dire que l’on est plus dans la méditation, plus dans la contemplation d’horizons lointains, que dans la réflexion immédiatement déductive. Déjà l’an passé, j’avais laissé mon esprit gambader en postant le 31/07/2014 un article : ‘Etre de lumière et intelligence des lumières’. Je considérai qu’en tant qu’être humain nous étions probablement déterminés par la matière qui nous constituait ainsi que sa lumière les deux faces d’une même réalité. Cela pouvait conduire, nous qui sommes : un assemblage de poussières d’étoiles, à un tropisme probablement difficile, voire impossible, à transcender. Comment le savoir ?

Madame de Sévigné écrivait : « Faner, c’est retourner du foin en batifolant. » Batifoler suggère plutôt la folâtrerie. Ici, je veux privilégier l’idée de liberté, de légèreté, estivale, qui autorise des enjambements de la pensée, hardis mais pas interdits.  

Louis Pasteur avait été le premier à constater que la différenciation entre la matière vivante et la matière inerte s’observait avec la propriété spécifique de la matière ‘vivante’ de polariser une lumière incidente non polarisée en une lumière sortante polarisée à gauche (lévogyre).

Aujourd'hui, on a su observer et donc vérifier que les acides aminés « naturels » qui constituent les briques élémentaires du monde vivant sont tous lévogyres alors que, lorsqu'on les synthétise dans des conditions symétriques (expérience de Miller par exemple), on obtient un mélange 50/50 des formes L (de lévogyre) et D (de dextrogyre).

Les acides aminés sont les briques fondamentales de la matière vivante, puisque constituants essentiels des protéines. On parle d'homochiralité du vivant. Pourquoi et comment la vie a-t-elle systématiquement privilégié une des deux formes demeure évidemment une question non résolue[].

L’article, joint ci-dessous, publié sur le site de Futura – Sciences le 21/06/2014, nous dit que c’est la lumière stellaire (sic) ultraviolette qui a procédé à cette sélection. Alors le titre de mon article de l’an passé : ‘Être de lumière…’ est une heureuse anticipation. Le concept d’‘Être de la Nature’ que je considère très fréquemment – en cours ainsi que dans les articles – dans une dynamique d’opposition irréductible avec l’‘Être dans la Nature’, devient de moins en moins une pure construction de l’esprit. Mais ne nous autorisons pas pour autant, au-delà, la moindre extrapolation. A l’occasion, il me plaît de citer le professeur de protohistoire : J. P. Demoule : « Révolution technique, le Néolithique est aussi une révolution spirituelle et symbolique : les représentations humaines, rares jusque-là, se multiplient sous formes de statuettes ou de signes gravés. Les chasseurs-cueilleurs se pensaient comme une espèce animale parmi les autres. Au Néolithique, l’homme se ‘dénature’ (sic) pour se penser comme distinct du reste du vivant. » Cette citation me plaît parce que j’ai toujours indiqué que cela représentait le propre de l’être humain qui est toujours engagé dans une conquête impulsée par son être dans la nature (statut qui correspond peut être à celui du physicien), qui cherche à s’émanciper de son être de la nature. Cette émancipation ne sera jamais définitive parce que l’être humain est premièrement, comme cela devient plausible, un être de la nature

Nouvelle lumière sur l'énigme de la chiralité de la vie

Pourquoi les acides aminés utilisés par la vie terrestre sont-ils asymétriques ? Depuis des années, les scientifiques ont une hypothèse pour expliquer cette énigme dite de la chiralité : la lumière ultraviolette du rayonnement stellaire aurait conduit à privilégier l'une des formes dans le nuage au sein duquel se sont formés le Soleil et ses planètes. C'est ce qu'a vérifié une collaboration interdisciplinaire menée par une équipe de l’IAS (CNRS/UPS) dans le cadre de l’expérience MICMOC (Matière Interstellaire et Cométaire, Molécules Organiques Complexe) à l'aide du synchrotron Soleil. Comme en 2011 pour l'alanine, les chercheurs viennent de conforter ce scénario pour cinq acides aminés.

Le 21/06/2014 à 09:24 - Par CNRS la-nebuleuse-de-la-patte-du-chat.jpg 

  • La nébuleuse de la Patte de Chat (NGC 6334) encore appelée nébuleuse de la Patte d'ours, est située dans la constellation du Scorpion à une distance d'environ 5.500 années-lumière du Soleil. Elle s'étend sur environ 50 années-lumière. Elle fut découverte par l'astronome britannique John Herschel en 1837. © EsoStopperNouvelle lumière sur l'énigme de la chiralité de la vie - 2 Photos

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PDF            Les organismes vivants utilisent des acides aminés chiraux présentant uniquement la forme énantiomérique L (lévogyre) pour la fabrication des protéines, une propriété connue sous le nom d’homochiralité. L’origine de cette asymétrie est à ce jour encore mal connue mais il est généralement admis un processus en deux étapes : tout d’abord l’apparition de faibles excès énantiomériques dans un matériau organique chiral, suivie par un mécanisme d’amplification menant à la sélection complète d’un seul des deux énantiomères. L’une des hypothèses privilégiées pour expliquer l’apparition des excès énantiomériques initiaux repose sur l’interaction de lumière circulairement polarisée avec la matière, ce qui introduit l’asymétrie initiale.

Pour élucider cette énigme, les chercheurs ont commencé par reproduire en laboratoire des analogues de glaces interstellaires et cométaires. Ils les ont ensuite soumis à un rayonnement ultraviolet « polarisé circulairement » (UV-CPL) à l’aide des faisceaux disponibles au synchrotron Soleil.
Vincent Minier, astrophysicien (CEA, Saclay), et Laurent Nahon, physicien (ligne Desirs, Soleil), expliquent pourquoi et comment les éléments qui composent le monde du vivant sur notre planète pourraient avoir une origine « extraterrestre ». Une approche simple et claire des recherches en exobiologie et du problème de l’étonnante asymétrie chirale qui caractérise les acides aminés du vivant. © Synchrotron Soleil, Dailymotion

Des glaces interstellaires et cométaires bombardées d'UV polarisés

Depuis 2003, l’équipe « Astrochimie et Origines » a mis en œuvre une expérience de simulation de photochimie sur des analogues de glaces inter/circumstellaires en utilisant un faisceau de lumière « asymétrique » car polarisée circulairement. En 2011, un premier résultat avait permis d’obtenir une sélectivité énantiomérique sur un acide aminé protéique, l’alanine. Grâce aux performances de la ligne Desirs du synchrotron Soleil, ainsi qu’aux méthodes analytiques de chromatographie couplées à la spectrométrie de masse employées à l’institut de Chimie de Nice, de nouveaux résultats marquants ont été obtenus sur les résidus organiques issus de l’irradiation de glaces en lumière ultraviolette polarisée circulairement.

Les chercheurs ont étendu l’expérience de 2011 à cinq acides aminés : α-alanine, valine (protéiques) ; acide 2,3-diaminopropionique, acide 2-aminobutyrique et norvaline (non protéiques) parfaitement séparés dans les deux formes énantiomériques L et D. À chaque fois, ils ont obtenu des excès de la même forme (gauche ou droite selon la polarisation). Bien que toujours faibles (inférieurs à 2 %), ces excès sont comparables à ceux observés dans certaines météorites primitives et renforcent par leur caractère systématique le scénario astrophysique pouvant mener à l’apparition de l’homochiralité propre au vivant.


Image, obtenue au microscope (grossissement de 60), d’un échantillon de résidu organique à température ambiante issu de l’irradiation de glaces en laboratoire. La taille de la cible est d’environ 1 cm2. © P. Modica

De la lumière polarisée dans les pouponnières d'étoiles

La transposition à l’astrophysique est plausible car les analogues de glaces utilisés en laboratoire sont de composition chimique proches de celle des glaces inter/circumstellaires. De plus, dans la nébuleuse d’Orion et NGC 6334, des sources intenses de rayonnements polarisés circulairement à gauche et donnant jusqu’à 22 % de taux de polarisation ont été mises en évidence dans des régions de formation d’étoiles massives bien plus vastes qu’un système planétaire en formation. Notre Système solaire aurait donc pu bénéficier de telles conditions lors de sa formation.

Ce résultat d’une expérience d’astrophysique de laboratoire pourrait donc valider l’hypothèse ancienne selon laquelle la sélection énantiomérique des molécules du vivant, constatée en premier par Pasteur en 1848, procède d’une origine physique déterministe, par ailleurs discutée par Pierre Curie en 1897.

Finalement, une des implications indirectes de ce résultat est que la nébuleuse solaire serait vraisemblablement née dans une région d’étoiles massives. Cette idée est envisagée depuis trente ans et confortée par la détection de radioactivités éteintes dans les météorites primitives, conséquence de l’explosion d’étoiles massives en supernovae. Cette expérience se poursuit en prenant maintenant pour cible d’autres molécules prébiotiques importantes dont l’homochiralité biologique (droite) est à l’opposé de celle des acides aminés (gauche) : les sucres.

Fin de l'article de Futura Sciences

 


            « Ce résultat d’une expérience d’astrophysique de laboratoire pourrait donc valider l’hypothèse ancienne selon laquelle la sélection énantiomérique des molécules du vivant, constatée en premier par Pasteur en 1848, procède d’une origine physique déterministe. »

Je cite cette phrase de l’article car depuis une décennie, je formule l’hypothèse que le sujet pensant est un être déterminé et l’hypothèse de TpS témoigne entre autres de cette détermination. Non seulement je considère qu’elles sont physiques mais elles ont des conséquences sur nos capacités de décryptage des propriétés ‘physiques’ de/dans la Nature.  Prudence car ces déterminations qui conduisent à TpS ne relèvent pas du même ordre dans la hiérarchie du vivant. L’une est à l’origine du monde vivant, l’autre concerne l’être vivant que nous sommes au plus haut de la hiérarchie de ce monde vivant. Sur la base de ce constat, il n’y a pas de place pour la moindre spéculation, il faut faire silence, il ne faut pas chercher à établir des corrélations qui ne pourraient être que farfelues mais on peut prolonger la flamme d’une grande proximité avec la Nature par la voie de la poésie ou de la philosophie comme le firent les grands poètes et philosophes de la Naturphilosophie romantique allemande au XIX siècle[1].  

            Difficile de concevoir qu’un exclusif monde du vivant (le nôtre) ne peut émerger qu’avec des acides aminés lévogyres, comme si le monde vivant avait posé préalablement ses conditions à son édification. Pourquoi n’y aurait-il pas un autre monde vivant édifié sur la base d’acides aminés dextrogyres ? Certes, ce monde éventuel nous est totalement opaque mais tant que nous ne pouvons pas justifier qu’il faut impérativement des acides aminés lévogyres pour que se conçoivent des organismes vivants : uniques représentants d’un possible monde vivant, nous ne pouvons pas fermer la porte.

            Pour ma part je vais tenter de continuer de creuser sur le thème ‘Être de lumière et intelligence des lumières’ et si le volet ‘Être de lumière’ devient un peu plus légitime celui de l’‘intelligence des lumières’ n’a pas progressé depuis l’an passé, pas de mon fait en tous les cas. Il faudrait recueillir des indications sur le fait que la lumière qui nous est si familière est une lumière de Notre univers actuellement intelligible et franchir le cap d’une intelligence d’autres lumières (au moins une autre) qui nous conduirait à réunir d’autres univers (au moins un autre) au Nôtre.

Complément ajouté le 05/08

            A présent, retenir l’hypothèse que Notre univers pourrait être complètement identifié par la propriété que la vitesse C de la propagation de sa lumière = 2,998.108 m/s devient une hypothèse à retenir. Cela veut dire aussi qu’elle est une constante universelle que dans cet univers qui est le nôtre et cette propriété que nous avons décryptée résulte de notre profonde détermination physique. Puisque notre univers serait ainsi complètement identifié par C, cela veut dire que les autres propriétés qui accompagneraient la définition de son identité physique, telles que l’estimation de sa dimension spatiale, la nécessité d’un début temporel, etc… sont superflues, et parasitent notre capacité d’aller de l’avant dans la compréhension et l’identification d’un monde plus riche, plus étendu, parmi tous les possibles…au sein d’une éternité.

            A présent, la bonne question est la suivante : ‘Disposons-nous présentement de phénomènes physiques non élucidés, qui seraient des signes de notre aveuglement intellectuel (cognitif) mais qui seraient des messages, des indices, qui nous parviennent d’un monde plus riche, plus étendu ?’  Ma réponse est oui, et il y a accumulation d’indices qui devraient être décryptés différemment, par exemple à propos de la physique des neutrinos, concomitamment avec la matière noire, entre autres. Aujourd’hui, il y a acceptation intellectuelle d’une émancipation à l’égard des critères et des lois de la physique reconnue qu’à travers des extrapolations mathématiques. Il suffit de constater tout le tralala qui s’est ensuivi avec la publication du livre de Max Tegmark. Sans dénier, évidemment, l’intérêt que représente ce type de production intellectuelle, cette production présenterait, selon moi, l’inconvénient de créer un effet d’écran (qui ne sera certes que provisoire) détournant le regard qui devrait se concentrer sur une réceptivité différente, franchement nouvelle, des phénomènes physiques recensés qui nous interpellent depuis des décennies.

 


   

[1] Par exemple la conception goethéenne repose sur l’idée d’une continuité de la nature et de l’esprit. La nature serait visible dans l’esprit. Cette thèse de l’identité de la nature et de l’esprit conduira à voir dans la nature un être total, même une totalité organique, dont la philosophie et la science devront restituer l’unité !!

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12 juillet 2014 6 12 /07 /juillet /2014 13:41

Bouts de chemin.

J’ai choisi ce titre parce qu’avec trois exemples je vais montrer qu’il peut arriver de partager le point de vue de physiciens sur un sujet spécifique alors que sur tout le reste on peut être en complet désaccord. En fait l’accord s’établit sur le constat que nous pouvons cheminer vers des thèses et des conclusions qui sont localement convergentes, alors qu’elles sont le produit de préalables métaphysiques et conceptuels totalement éloignés et motivées par des objectifs assurément divergents.

Ces trois exemples sont illustrés par des rencontres avec les positions de Max Tegmark qui sont exprimées dans une interview dans ‘La Recherche’ de juillet-aout 2014 : « La Réalité n’existe pas », ensuite avec Lee Smolin dont son livre « La Renaissance du Temps » vient d’être publié en français chez Dunod, enfin avec Jean-François Robredo (philosophe et historien des sciences) qui vient de publier un livre : « Le Big Bang est-il un Mythe ? » au puf.

En ce qui concerne Max Tegmark, en premier lieu je me réfère à l’article du 17/02/2014 : ‘Avec Max Tegmark’ parce que je mettais en exergue la convergence entre ma conviction : ‘Au sein d’une Eternité parmi tous les possibles, l’anthrôpos creuse sa connaissance…’ et celle de Tegmark qui croit pouvoir postuler : « que les mathématiques de notre univers ne constituent qu’une structure mathématique parmi une infinité d’autres structures concevables… »

Dans l’article de la Recherche, qui a un titre résolument affirmatif : « L’essence du monde est mathématique. », on lui pose la question : « Vous considérez, comme mathématicien platonicien, que les concepts mathématiques existent indépendamment de tout acte conscient ? » et il répond : « Je suis même un platonicien extrême puisque je pousse l’idée bien plus loin que beaucoup d’autres : je pense que non seulement les structures mathématiques existent réellement, mais qu’elles sont l’unique réalité. » Selon M. Tegmark les mathématiques sont là comme d’ailleurs R. Penrose l’a souvent affirmé. Les mathématiques sont là, bien plus que l’être humain dont sa conscience sera mise en équation au même titre que notre Univers est un objet mathématique. « Certes, il reste énormément de choses que les équations n’expliquent pas encore, la conscience par exemple. Mais je pense que nous y arriverons, nous sommes juste limités par notre imagination et notre créativité (sic). »

Assurément, il faut comprendre que si la conscience humaine peut être mathématisée cela veut dire que l’être humain n’a pas de conscience. A priori, pour des scientifiques comme Tegmark, ce que nous appelons communément conscience, se réduit à un ensemble d’algorithmes, certes sophistiqué et puissant mais qui pourra être transposé sur/chez des êtres artificiels. En résumé, pour Tegmark, l’être humain n’est pas plus que les automates que nous serons dans un avenir envisageable en mesure de concevoir. On retrouve cette extraordinaire ambivalence chez les platoniciens contemporains : la réalité mathématique est de l’ordre du divin par contre l’être humain est réductible à une conception physicaliste. Je n’interprète pas d’une façon abusive, il suffit de lire la citation suivante pour entendre le degré de conviction de Tegmark : « La force des mathématiques tient d’ailleurs au fait qu’elles n’ont aucune inhibition (sic). L’étrangeté (sic) ne les arrête pas. » Ici, il est dit que les mathématiques se meuvent par elles-mêmes avec leur propre force et sans inhibition.

La très grande majorité des platoniciens qu’ils soient mathématiciens ou physiciens affirme que les nombres et les mathématiques sont là, dans la Nature, et il suffit d’avoir de l’attention pour accéder à l’alphabet de ce qui préexiste dans cette Nature. Cette croyance n’est pas banale car cela revient à amputer ‘l’être pensant’ de la faculté de fonder, d’une façon autonome, sur la base de ses propres capacités et de ses propres besoins, le socle de son propre là, notamment spatial et temporel c’est-à-dire ce qui contribue à la fondation du socle de la conscience de sa ‘Présence’ dans le Monde[1]. La connaissance et le développement des mathématiques ne résultent pas d’une production de l’intelligence humaine. Dans ce domaine l’intelligence humaine est neutralisée.

Pour les platoniciens, la croyance de la toute-puissance des mathématiques par elles-mêmes – malgré la validité du théorème de Gödel toujours confirmée depuis 1931 et encore récemment consolidée – conduit à considérer que l’être humain n’est pas un acteur, il est considéré comme un être passif privé de tout ressort existentiel qui animerait et projetterait sa volonté toujours en mouvement de conquérir de la compréhension sur le pourquoi et le comment de son existence ainsi que sur le pourquoi et le comment des forces dont elle dépend.

Malgré le fait que j’ai pu écrire un article ‘Avec Max Tegmark’, donc considérer qu’il était souhaitable de faire un bout de chemin théorique avec lui, fondamentalement, il m’est impossible de partager sa métaphysique platonicienne. D’ailleurs, pour s’en convaincre, il suffit de reprendre le contenu de mon précédent article du 03/07 et de le comparer avec cette dernière citation de l’impétrant : « Et l’espace lui-même n’a finalement d’autres propriétés que ses propriétés mathématiques.»

Maintenant, je propose d’évaluer quel est ce bout de chemin parcouru en commun avec Lee Smolin. Il est approprié de se référer à l’article que j’ai écrit le 02/05/2013 : ‘Bienvenu au ‘Moment Présent’ de Lee Smolin’. A priori le chemin parcouru en commun est très court car son but est de montrer qu’il faut considérer le temps comme réel, donné dans la nature. Toutefois la lecture de son livre qui vient de sortir réserve quelques surprises. Celui-ci a comme sous-titre : ‘Pour en finir avec la crise de la physique’ et c’est effectivement une analyse de cette crise la plus exhaustive qui motive la démarche intellectuelle de l’auteur. Je cite dans le prologue : « L’objectif de ce livre est de suggérer qu’il existe une autre voie (théorie). Nous avons besoin de faire une coupure radicale et de nous mettre en quête d’un nouveau genre de théorie qui pourra être appliqué à la totalité de l’univers – une théorie qui déjouera les confusions et les paradoxes, répondra aux questions sans réponse, et produira de véritables prédictions physiques pour les observations en cosmologie. Je ne possède pas une telle théorie, mais ce que je peux offrir est un ensemble de principes pouvant guider notre quête pour la prouver. Ils sont présentés au chapitre 10. »

Au chapitre 10, il évoque la thèse qu’en fait toutes les lois dans la Nature sont possibles mais il se trouve que celles qui prévalent pour rendre compte de l’Univers sont le fruit d’une évolution et s’il y a évolution, il y a la preuve de la réalité du Temps. « Si, en revanche, le temps est bien réel, alors rien, pas même les lois ne dure pour toujours. »

En s’appuyant sur la philosophie de Charles Sanders Peirce, (Philosophe et Logicien, 1839-1914), L. Smolin amorce son raisonnement en retenant de la part du philosophe américain l’idée principale suivante : « Supposer que les lois universelles de la nature puissent être appréhendées par l’esprit et cependant ne disposer d’aucune explication pour leur forme, autre qu’inexplicable et irrationnelle, est une position difficile à justifier. », « La seule manière possible de rendre compte des lois de la nature et de l’uniformité en général est de supposer qu’elles sont le fruit de l’évolution. »

A partir de ces considérations l’objectif de L. Smolin est d’étayer une réponse vis-à-vis du questionnement suivant : « Pourquoi un objet – ici, l’univers – possède une propriété particulière : plus précisément, par exemple, que les particules élémentaires et les forces interagissent via des processus décrits par le modèle standard de la physique des particules. Le problème est un défi, parce que nous savons que le modèle standard, avec ses paramètres particuliers, est juste une possibilité parmi un énorme nombre de choix (sic) pour les lois de la nature. Alors comment expliquons-nous pourquoi une entité ait une propriété particulière parmi un vaste ensemble d’alternatives ? »

Nous retrouvons une convergence intéressante avec ma thèse : « Au sein d’une éternité, parmi tous les possibles, l’anthrôpos creuse… », sauf que l’objectif de L. Smolin avec la caution de Ch. Peirce est d’éradiquer tous les possibles autres que ce qui est connu. Pour moi, tous les possibles dans le Monde sont là. Au stade présent de l’évolution de nos capacités cognitives, ce que nous avons réussi à décrypter jusqu’à présent fait partie de ces possibles qui appartiennent à une somme qui n’a pas de limites. Cette somme nous offre comme horizon l’Eternité. Le sujet pensant puise la dynamique de son existence dans sa volonté intellectuelle toujours renouvelée de conquérir la connaissance de tous les autres possibles.

Le projet réaliste de L. Smolin est d’expliquer les propriétés de notre propre univers tel que nous l’avons dorénavant identifié. « Dans une cosmologie scientifique, le postulat d’univers parallèles, univers qui seraient causalement déconnectés du nôtre, ne peut en rien nous aider à expliquer les propriétés de notre propre univers. Nous concluons pour avoir une théorie scientifique de cosmologie qui peut produire des prédictions falsifiables il faut que les lois évoluent avec le temps.» Cela est dit et répété, p. 131 : «Ici, les lois de la nature évoluent, impliquant que le temps est réel. », ou encore, p.132 : «La physique doit abandonner l’idée que les lois sont intemporelles et éternelles et adopter à la place l’idée qu’elles évoluent dans un temps qui est réel. » 

Une fois que Smolin a planté le décor de sa conviction fondamentale à propos du Temps, il consacre tous les autres chapitres de son livre à mettre en évidence, avec sa loupe, des indices, des traces, qui pourraient consolider et valider sa conviction. Je vous laisse le soin de construire votre propre jugement en lisant ce livre. La dernière fois qu’une telle tentative significative fut entreprise d’élucider ‘La Nature de l’Espace et du Temps’, ce sont S. Hawking et R. Penrose qui dans un livre commun en 1997 opposèrent leurs convictions et leurs compréhensions de la nature des lois physiques. Ce fut au bout du compte un échec à l’égard du projet annoncé.

Maintenant, je vous conseille de lire le petit livre de Jean-François Robredo (philosophe et historien des sciences) qui a pour titre : ‘Le Big Bang, est-il un mythe ?’. Plusieurs fois dans mes cours cette interrogation a été formulée avec, de ma part, une réponse affirmative qui suivait, en précisant que c’était une étape nécessaire de l’évolution de la connaissance scientifique du sujet pensant mais qu’on était au bord de pouvoir scientifiquement dépasser ce genre d’assertion.

La quatrième de couverture précise : « Parler des origines, c’est se raconter des histoires. L’humanité a toujours eu besoin de mythes fondateurs, de secrets révélés, de récits merveilleux. Depuis l’avènement de la science moderne, les scientifiques sont accusés de « désenchanter le monde » : il n’y aurait plus de genèse à transmettre, mais des phénomènes à comprendre. Pourtant, au XXe siècle est né le big bang. Pour certains, il s’agit d’une description objective des origines de l’Univers. Pour d’autres, le mythe est d’autant plus efficace qu’il se présente comme le dépassement de la mythologie… Atomes, lumière, galaxies : sommes-nous des enfants des étoiles ou les héros d’un récit que l’humanité se raconte à elle-même ? Nos grands scientifiques sont-ils des génies ou des poètes inspirés ? Sans oublier ce que cela implique dans les relations, toujours conflictuelles, entre vérités scientifiques et révélations religieuses. »

P. 44-45, selon l’auteur, d’un point de vue philosophique, l’hypothèse du big bang ne peut pas être classée dans la catégorie propre aux mythes car par définition les philosophes réservent cette catégorie « aux mythes (même les plus succincts, déficients, voire quasi irrationnels…) qui proposent toujours une explication rationnelle complète, globale, parfaite, « métaphysique ». Le big bang est donc « moins qu’un mythe » du point de vue de la perfection, de la raison et du sens. Cette incomplétude et cette imperfection (le big bang explique tout sauf lui-même) essentielles sont donc des arguments qui signalent les différences de forme entre le mythe et la cosmologie scientifique. »

Si on s’écarte du point de vue des philosophes, on peut qualifier l’hypothèse du big bang de mythique, en prenant comme référence la définition banale suivante : construction de l’esprit qui ne repose pas sur un fond de réalité. Le mythe du big bang, s’impose encore aujourd’hui pour combler le manque d’explication d’un point de vue scientifique de ce que seraient les premiers instants de Notre univers primordial. Confrontés à cette lacune, les cosmologistes ont, par défaut, émis l’hypothèse du big bang dans leur grande majorité (qui commence sérieusement à s’effriter depuis quelques années). Ils ont éprouvé le besoin et l’intérêt de poser leur pensée sur cette ‘origine’ provisoire. Je dirais que ceci est profondément humain car si on fait référence à l’histoire de la pensée humaine on rencontre ces étapes où on s’appuie sur la nécessité d’une origine qui provisoirement s’impose jusqu’à ce qu’à nouveau une pensée rénovée, puisse se redéployer vers de nouveaux horizons, et qui concomitamment rend obsolète l’origine opportune qui a contribué à ce redéploiement. De mon point de vue le big bang constitue le symptôme des limites de nos capacités actuelles de décrypter les propriétés dans la Nature plutôt que l’origine significative de l’avènement de Notre univers.

Effectivement, nous sommes dans une phase où il est nécessaire de mettre en relief le ou les nouveaux paradigmes scientifiques qui permettront ce redéploiement qui finira par s’imposer. Peut-être qu’avant tout il faut cesser de considérer l’Univers comme un Tout ! J’ai lu avec plaisir quelques pages de Robredo, (j’ai ainsi une preuve supplémentaire qu’il est utile de se ressourcer et de réfléchir auprès d’autres penseurs qu’uniquement des scientifiques), quand il cite (p. 63) d’Alembert : « La cosmologie est la science du Monde ou de l’Univers en tant que {…} tout gouverné par une intelligence suprême et dont les ressorts sont combinés, mis en jeu et modifiés par cette intelligence. » Comment d’Alembert – s’étonne Robredo – non croyant, pourfendeur du finalisme dans la nature, peut-il réintroduire Dieu et la finalité quand il parle de l’Univers ? C’est que l’Univers, quand on le voit (même scientifiquement !) comme un Tout, impose semble-t-il l’idée d’un créateur, d’une volonté suprême, c’est-à-dire du sens. Selon l’auteur, David Hume aurait connu le même tremblement après avoir critiqué toutes les raisons de croire en l’existence en Dieu, « il finit par admettre que devant la cohérence et l’apparente sympathie de toutes les parties de ce monde » il faut concéder qu’il y a « un principe d’ordre originel ». Ainsi, on ne manquera jamais de tomber dans ce travers qui obture le questionnement scientifique quand on croira avoir accédé à la connaissance de tous les possibles, quand on croira connaître définitivement l’Univers dans sa totalité, quand on croira que l’on comprend l’ordre qui le constitue, et que l’on sera convaincu que l’on a accédé au sens qui justifie son existence.

P.64 : « Or, le sens de l’Univers ne peut être donné que de l’extérieur. Donc, poser l’interrogation : « l’Univers a-t-il un sens ? » revient à se demander si quelque chose d’extérieur à l’Univers existe, c’est-à-dire en fait poser la question : « Dieu existe-t-il ? » L’univers, le Tout, le Cosmos, le Sens, Dieu : toutes ces notions sont donc souterrainement synonymes, et penser l’une, c’est introduire les autres sans en prendre nécessairement conscience.



[1] Martin Heidegger, certainement le plus grand philosophe de l’Être du 20e siècle, a conçu, pour rendre compte de sa philosophie, le concept du Dasein : L’Être-là, et a toujours étroitement associé dans sa conception philosophique l’Être et le Temps. Son ouvrage le plus célèbre a pour titre ‘Sein und Zeit’. Citer M. Heidegger, m’oblige à rappeler qu’il fut un adhérent ouvert aux thèses nazies et qu’il fut en conséquence un membre actif de ce parti.

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3 juillet 2014 4 03 /07 /juillet /2014 11:26

Ce sont de belles convergences.

 

Lorsque j’ai formulé l’hypothèse de τs temps propre du sujet en 2005 (soit encore TpS), point aveugle de l’intelligence humaine, j’avais conscience qu’elle était à contre-courant. Contre un courant venant de très loin mais il me parut approprié de situer et fixer mon hypothèse en opposition à la thèse du Réalisme d’Einstein. J’ai cherché dans des travaux existants des formulations semblables à cette hypothèse ou voisines mais rien de significatif. C’était donc la solitude qui prévalait.

Je fus donc très heureux quand quelqu’un me rapporta qu’Alain Connes venait d’exprimer une hypothèse très intéressante qui était convergente avec TpS. C’était au cours d’une conférence qu’il avait réalisé à l’université de Metz un samedi A.M. en 2007 ou 2008, donc devant un auditoire d’universitaires. Je cite ce qui fut dit :

Eléments de réponse à la question 17 :

L’espace-temps est très légèrement non commutatif, en fait le point lui-même dans l’espace-temps n’est pas commutatif. Il a une toute petite structure interne qui est comme une petite clé.

Eléments de réponse à la question 18 :

Le point a une dimension 0 au niveau de la métrique mais avec ma géométrie il a une structure interne et j’ai un espace de dimension 6, non commutatif.

Avec ces propos, j’éprouvai moins de solitude et j’étais à l’écoute de la confirmation et des développements. Mais rien ne vint. Etonnant !! Je n’ai retrouvé une trace de sa proposition que dans un livre dont il est coauteur en 2013 de la façon suivante « l’aléa quantique est le tic-tac de l’horloge divine ». Fuite divine ! Pourquoi ? Dommage !!

 

En mai 2013, j’accueillis avec beaucoup d’intérêt la proposition de Lee Smolin motivée par sa quête d’un temps réel physique. Je cite :

« Mais l’univers réel a des propriétés qui ne sont pas représentables par un quelconque objet mathématique. Une de celles-ci est quil y a toujours un moment présent. Les objets mathématiques, étant intemporels, n’ont pas de moments présent, n’ont pas de futurs ni de passés. Toutefois, si on embrasse la réalité du temps et voit les lois mathématiques comme des outils plutôt que des miroirs mystiques de la nature, d’autres faits têtus, inexplicables, concernant le monde deviennent explicables… » Bien que je ne partage pas du tout sa conviction de l’existence d’un temps réel, donné dans la Nature, en dehors de la ‘Présence’ du sujet pensant, je suis très satisfait du fait qu’il ait accordé une fonction essentielle (à découvrir) au moment présent dans sa quête. (Voir article du 02/05/2013 dans le Blog : ‘Bienvenu au ‘Moment Présent’ de Lee Smolin’[1])

 

En mai 2014, dans le NewScientist, on peut lire une analyse de David Mermin à propos du temps que je traduis in-extenso : «Du point de vue d’une perspective humaine, la physique a un problème avec le temps. Nous n’avons pas de difficulté à définir un moment spécial appelé ‘maintenant’ qui est distinct du passé et du futur, mais nos théories ne peuvent pas capturer l’essence (sic) de ce ‘moment’. Les lois de la nature traitent seulement avec ce qui se produit dans certains intervalles de temps. »

« David Mermin déclare avoir résolu ce problème en utilisant un principe semblable à celui qu’il a utilisé ainsi que d’autres à propos de la théorie quantique. Nous devons simplement abandonner l’idée qu’il existe un espace-temps déterminé objectivement. »

 « Au lieu de former des séries de tranches ou de couches qui d’un certain point de vue correspondent à un ‘maintenant’ ou ‘alors’, l’espace-temps de Mermin est un maillage de filaments qui s’entrecoupent reliant ainsi les expériences de différentes personnes… « Pourquoi promouvoir l’espace-temps d’un diagramme, qui est un dispositif conceptuel utile, vers la problématique d’une essence réelle ? » demande Mermin. Sa réponse : « En identifiant mon système abstrait avec une réalité objective, je me trompe en le regardant comme une arène dans laquelle je vis ma vie. » »

Quand Mermin écrit : « Les lois de la nature traitent seulement avec ce qui se produit dans certains intervalles de temps. », je constate une convergence intéressante mais il y a plus qu’une nuance avec mon hypothèse fondamentale : le sujet pensant, ne peut saisir des lois de la nature que comprises dans un intervalle de temps. La nature n’y est pour rien, c’est l’observateur cogitant, qui est le promoteur des lois de la nature qu’il identifie en fonction de ses déterminations, de ses capacités, propres. Pour moi, TpS[2] de l’ordre de 10-25s est l’exemple d’une détermination incontournable, irréductible. Durant TpS, un photon parcourt de l’ordre de 10-2à 10-3fermi. C’est par exemple aussi à cette dimension que s’estompe la possibilité d’attribuer une dimension à l’électron. 

In fine D. Mermin considère que le ‘maintenant’ a une épaisseur temporelle comme j’en fais l’hypothèse et il admet se tromper s’il raisonne en considérant le temps comme une réalité objective. Dans l’article en question il ne va pas jusqu’à dire que le temps est une fondation de l’être pensant comme j’en fais l’hypothèse mais il lui nie la propriété d’une réalité objective.

Avec ces trois cas cités on remarque la difficulté de rompre avec la pensée scientifique traditionnelle du temps. En une petite décennie, je constate quand même quelques convergences partielles mais intéressantes et je les reçois comme encourageantes. Grâce à celles-ci j’éprouve une plus grande légitimité à persévérer et développer mon hypothèse fondamentale : le maintenant est habité par la ‘Présence’ de l’être pensant.

Pour une très grande majorité de physiciens franchir le Rubicond est une affaire délicate parce que cela revient à contredire A. Einstein et certains disciples, qui ne manquent pas d’arrogance, assènent, sans recul, comme Th. Damour  dans une conférence en l’an 2000 : « Par exemple le fait que le passage du temps (le « maintenant ») ne corresponde à rien dans la réalité physique (sic), c’est-à-dire pour reprendre une phrase d’Einstein au fils et à la sœur de Besso, « (Pour nous croyant) que la séparation entre passé, présent et avenir, ne garde que la valeur d’une illusion, si tenace soit elle », est un des messages importants des théories de la relativité qui est complètement ignoré de nos contemporains (ainsi que des vulgarisateurs de la science). »

Pourtant, on ne peut ignorer qu’avec la relativité restreinte et la générale, l’observateur occupe une place essentielle et nécessaire dès qu’on entreprend un raisonnement dans l’un de ces cadres. L’observateur est automatiquement introduit avec une montre ou quelque chose qui égrène le temps : c’est l’observateur qui est le vecteur du temps. Etonnamment, il fallut attendre la publication d’un ouvrage, en 1930, d’Einstein en commun avec Infeld pour que le concept d’observateur soit explicitement mis en scène.

Dans un exemple simple je propose d’expliquer pourquoi le ‘maintenant’ doit être pris en compte et qu’il est irréductible. Prenons l’exemple d’un feu d’artifice au pied de la Tour Eiffel.  

Lorsque j’évoque la ‘belle bleue’ et la ‘belle rouge’ du feu d’artifice du 14 juillet qui, au pied de la Tour Eiffel, s’épanouissent exactement au même instant mais à des distances distinctes (par ex : à chacune des extrémités du bassin du Trocadéro), les équations de la relativité restreinte m’indiquent que la foule au pied de la Tour Eiffel (référentiel O) constatera et partagera la simultanéité des explosions, par contre une foule installée sur une comète en mouvement par rapport à la terre (référentiel O’) pourrait voir des explosions distinctes sur le plan temporel et spatial. Donc il faut qu’il y ait simultanéité temporelle et superposition spatiale des explosions de la gerbe rouge et de la gerbe bleue pour que les deux foules (comme toutes autres foules de spectateurs O’’, O’’’) affirment assurément que les deux explosions se sont produites au même instant.

Sachant que x’r = γ(xr – v*tret que x’b = γ(xb – v*tb) ;         (1)

si tr = tb et xr > xb ; j’en déduis que x’r  x’b = γ(xr – xb) ;  (2)

 

La loi de transformation des temps respectifs étant :

t’r = γ(tr – v/c2*xr) et t’b = γ(tb – v/c2*xb),                        (3)

j’en déduis t’r – t’b = γv/c2(xb – xr).                                   (4)

 

Si je postule la coïncidence temporelle tr= tb ainsi que la coïncidence spatiale xr = xb,

j’obtiens x’r – x’b = 0 et t’r – t’b = 0. Ce résultat vaut pour tout référentiel O’, O’’, etc.

 

Avec cet exemple de double coïncidence, je constate qu’aucune foule d’observateurs ne peut relativiser les événements que constituent l’explosion de la ‘belle rouge’ et l’explosion de la ‘belle bleue’. Les foules ne peuvent affirmer que la même chose : Ô la belle bleue et Ô la belle rouge se font voir au même moment ! En même temps, la présence de ces observateurs est nécessaire pour dire cette coïncidence. Il faut qu’elle soit énoncée, n’oublions pas qu’il ne peut y avoir de science physique et évidemment de science tout court, que s’il y a énonciation.

L’exemple présenté correspond effectivement à une situation humainement provoquée. Ce sont les artificiers qui décident de placer les fusées l’une par rapport à l’autre et de les allumer simultanément ou pas. Le raisonnement et les résultats seraient les mêmes si l’apparition de la ‘belle rouge’ et de la ‘belle bleue’ résultait d’un phénomène naturel. 

L’affirmation d’Einstein, « Ce qui du point de vue physique est réel…est constitué de coïncidences spatio-temporelles. Et rien d’autre. », pourrait donc être complétée par : Quand il y a coïncidences temporelles et spatiales, les différents observateurs situés dans des référentiels relativistes distincts voient absolument la même chose et ils ont un discours totalement semblable (superposable) pour la décrire. Cela revient à considérer que tous ces observateurs pourraient se situer dans un seul et même référentiel. Dans ce cas le concept d’observateur(s) n’a plus de pertinence – dans ce cas l’exigence de l’énonciation n’est plus garantie – celui de référentiel suffit.

 Revenons à la situation précédente avec la coïncidence uniquement temporelle dans O. La foule au pied de la Tour Eiffel vivra un même ‘maintenant’quand la ‘belle bleue’ et la ‘belle rouge’ s’épanouiront dans le ciel au même instant. On peut retenir que chaque membre de la foule prononce la phrase : « j’étais présent quand la ‘belle bleue’ et la ‘belle rouge’ ont dans le même instant éclairé le ciel ». Mais ce ‘maintenant’ est détruit du point de vue de la foule qui se trouve réunie en O’ sur la comète, car : t’r – t’b = γv/c2(xb – xr). Difficile donc retrouver ce ‘maintenant’ en O’. Le ‘maintenant’ de O est affirmé par la foule grâce à la stricte égalité perçue de tr = tbet il est vraiment impossible de dire que le ‘maintenant’ dans O’ soit t’r ou t’b,ou encore soit entre t’r et t’b. Effectivement, les ‘maintenant’ sont relatifs aux référentiels dans lesquels ils sont vécus quand il n’y a pas coïncidence spatiale. Donc à ce niveau on comprend pourquoi Einstein nie une quelconque signification absolue au maintenant, à ce que l’on vit comme étant l’instant présent.

Avec TpS la simultanéité parfaite ne peut pas être mesurée. Dès qu’un événement a une durée Δt<10-25s, le résultat de la mesure effective est = 0. Il est pensé= 0 car aucune différenciation sur le plan temporel ne peut être perçue. Pensée, produit d’un vécu, absolue, non intellectualisable, donc non destructible. Il y a intrication de l’apparition, par exemple de la gerbe rouge et de la gerbe bleue. La mesure Δt’ par les observateurs de O’ peut être différente, alors qu’il s’agit bien du même événement mais Δt’ = γΔt peut être mesuré >10-25s : pas d’intrication perçue. Dans ce cas s’il y a communication humaine entre O et O’, il y a désaccord irrémédiable entre ce qui est vécu en O et mesurable en O’, bien que γ soit connu des deux parties. On se retrouve dans une situation qui viole le principe de la relativité d’Einstein qui dit que tous les points de vue se valent avec la connaissance des lois de transformations.

A cette échelle, en retenant la violation de ce principe, il faut en extraire les conséquences. Par exemple considérer qu’il y aurait superposition possible de ce qui est pensé et de ce qui est mesuré comme je l’ai proposée en mécanique quantique : à défaut de la connaissance des coordonnées spatio-temporelles dans un interféromètre on pense : onde, sinon on observe trajectoire spatio-temporelle : particule[3]. Sauf que dans le cas présent il y a une différence très importante puisque les observateurs ne sont pas les mêmes – bien que ce soient des sujets pensants génériques avec le même TpS invariant – et donc l’acceptation de la violation ne peut pas à première vue s’adosser sur ce même argument.

Ici quand la temporalisation ne peut pas s’enclencher la superposition temporelle demeure. C’est le propre de l’intrication temporelle. La foule O’ ne pourra pas convaincre la foule O de la non-simultanéité. TpS étant un point aveugle de l’intelligence humaine, ces conséquences ne peuvent pas être abrogées par des arguments provenant d’un autre référentiel en mouvement puisqu’il est un existential[4].

Il est important de rappeler qu’il faut distinguer la nature du temps et la nature de l’espace. Le temps est pure fondation du sujet pensant. Le temps est inhérent à l’être humain. Par contre la Nature offre à ‘l’être pensant’ matière à une représentation de l’espace. Grâce à ses ressources cognitives il y a puisé de la signification qui lui est propre. Cette intériorisation s’est produite par l’intermédiaire d’une association étroite entre matière et dimension. Primordialement, l’espace est donc perçu étroitement corrélé à son substrat matériel. (C’est une idée qui mérite d’être creusée)

L’imbrication de l’espace et du temps telle qu’elle est proposée à partir de la R.R. avec l’avènement de l’espace-tempsest clairement justifiée mais composantes spatiales et composante temporelle ne sont pas interchangeables car elles ne véhiculent pas les mêmes significations. Cette imbrication est en fait très précoce dans l’histoire de l’humanité quand il s’est agi d’inventer des repères qui permettent de positionner des étapes de l’écoulement du temps. Les clepsydres, les longueurs d’une ombre portée, imbriquent position dans l’espace avec déclaration spécifique d’une étape du temps qui s’écoule. La scansion des marées peut aussi être considérée comme une scansion du temps.

Encore récemment j’ai lu un article qui se termine par la phrase suivante : « Nous ferions bien de nous habituer à être un élément essentiel de la réalité. » Franchement il n’est plus pertinent d’utiliser cette problématique pour fabriquer une chute à un article. Certes, c’est un sujet renversant au sens propre du terme, moi-même je ressens le tremblement qui accompagne la nécessité de plus en plus impérative de traiter ce sujet mais c’est en lever de rideau d’articles qu’il doit être maintenant abordé.

Cet article-ci n’est pas final. Il ne marque qu’une étape et je ne développe pas vraiment les conséquences de mon affirmation : « Tous les points de vue ne se valent pas quand la valeur de TpS est en jeu. » On devrait pouvoir le constater soit directement soit indirectement. Quelles sont les expériences qui pourraient confirmer ou infirmer indubitablement cette déclaration ? Il y a le phénomène de l’intrication qui s’explique aisément grâce à la reconnaissance de TpS mais j’admets que ce n’est pas indubitable.

Attendons fin octobre, mais s’il est confirmé qu’il n’y a pas de possibilité de détecter des ondes gravitationnelles qu’elles soient quantiques ou pas (parce que les instruments Virgo et Ligo n’ont jamais rien détectés jusqu’à présent), cela devrait obliger la communauté scientifique à s’interroger, enfin sérieusement, sur la question de la nature profonde de l’espace et du temps car les ondes gravitationnelles sont censées, depuis 1915, être des vibrations spatio-temporelles.

Par rapport à ce que j’ai dit au début de l’article, c’est toujours la solitude qui prévaut, toutefois elle est un peu moindre.



[1] La traduction en français de son livre : ‘La Renaissance du temps’ vient de sortir.

[2] Plusieurs articles du blog font référence à cette hypothèse, en synthèse voir celui du 02/11/2012 : ‘Synthèse : un Monde en ‘Présence’’

[3] Voir article du Blog : ‘l’étrangeté quantique, une illusion ?’ le 11/01/2014.

[4] Voir article du blog : ‘Synthèse : un Monde en ‘Présence’’. Le 02/11/2012.

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 11:31

Prosper Taurin, Edwin Hubble, Arno Penzias, Robert Wilson et les autres découvreurs.

            Dans l’article du 07/05 : ‘Assistons-nous à une redéfinition de la science’, j’ai affirmé ce qui suit : « Sans ‘Présence’, il n’y a rien…qui soit discernable. Selon ma thèse, le ‘Rien’ et ‘Tous les possibles’ sont des concepts qui se rejoignent. Il en est de même du ‘Rien’ et de l’’Eternité’. C’est donc la ‘Présence’ de l’être pensant qui provoque la fracture et qui par la nécessité de son discernement fait émerger dans l’urgence le possible le plus immédiat, émergence qui est toujours en renouvellement, en enrichissement, et ne peut avoir de fin. »

Je propose à travers quelques exemples d’illustrer mon propos qui a priori peut apparaître franchement et exagérément iconoclaste.

C’est le 21 mars 1830 que le laboureur Prosper Taurin, nouveau propriétaire d’un lopin de terre en Normandie non loin de Bernay, heurte le soc de sa charrue sur un obstacle dans le prolongement du sillon droit qu’il ouvrait. Il aurait pu le contourner mais il aurait perdu la rectitude rigoureuse du sillon, alors que depuis l’aurore il avait jusqu’alors retourné avec application des bourrelets de terre bien grasse sur lesquels se réfléchissaient les rayons du soleil levant. Le laboureur se pencha et essaya de saisir l’obstacle coincé sous le soc. Ouf ! Ce n’est qu’une tuile. Il la soulève et la jette au loin, mais avant de relancer son attelage, il jette un œil, il voit des éclats de lumière qui s’échappent du creux de la terre. Le laboureur Normand comprend vite à la couleur des reflets qu’il y a là des pièces d’or. Il creuse et agrandit le trou avec sa pioche et il met au jour une grande quantité d’objets précieux, au moins à ce qu’il lui semble. Dans la frénésie de sa découverte, avec ses mains ou avec sa pioche, il met en évidence des grandes dalles, des parois travaillées et des structures d’une construction importante. Il reste concentré sur ce qui libère des éclats.

Le laboureur avait envie de tirer un gain immédiat de sa fabuleuse découverte mais il se ravisa, il eut l’intelligence de faire connaître quelques un de ces objets à une personne de sa connaissance qui était érudite. Le diagnostic de celui-ci a été immédiat : cela vaut plus que de l’or, ce sont des objets romains, des statues, un buste de Minerve, des cuillers à encens, des canthares, des patères, datant à coup sûr d’avant le IIIe siècle.

Par la suite, essentiellement, de 1850 à 1900, les scientifiques archéologues s’emparèrent du site et c’est un temple de deux mille mètres carrés consacré à Mercure qui fut révélé et ce sont des pans entiers de l’histoire profonde de la Normandie qui furent éclairés et déferleront à partir de ce heurt du soc de la charrue et du soulèvement de cette tuile. Avant, pendant plus d’un millénaire, tous les laboureurs qui précédèrent Prosper Taurin considérèrent que sous cette tuile-couvercle, qu’ils ignorèrent, il n’y avait ‘Rien’ à voir, ‘Rien’ à en dire.

Prosper Taurin mourut très riche.

En 1964, les radio-astronomes Penzias et Wilson, travaillent à mettre au point une antenne très performante, pour ce faire, ils ont besoin d'étalonner correctement leur antenne, et en particulier de connaître le bruit de fondgénéré par celle-ci ainsi que par l'atmosphère terrestre. Quand ils analysent leurs données, ils trouvent un faible, mais persistant bruit de fond mystérieux qui parasite leur récepteur. Ce bruit résiduel semble parfaitement réparti dans tout le ciel et produit son effet jour et nuit. Ce signal d’une longueur d’onde caractéristique ne vient pas de la terre, du soleil, ni de notre galaxie. Après avoir analysé la qualité des composants de leur antenne, ils détruisent les nids de pigeons qui avaient été bâtis, nettoient les déjections des volatiles, mais le bruit de fond persiste. Tous deux concluent que ce bruit est un bruit supplémentaire d'origine inconnue sur la longueur d'onde 7,35 cm. Ce bruit, parfaitement isotrope, converti en température d'antenne, correspond à une température du ciel de 2,7 K, ne présente pas de variations saisonnières, et ses éventuelles fluctuations en fonction de la direction ne dépassent pas 10 %.

Penzias et Wilson ne connaissaient pas les travaux des cosmologistes de leur époque, et c'est presque par hasard qu'ils les découvrent. Penzias mentionne fortuitement sa découverte au radio-astronome Bernie Burke, qui lui dit savoir de Ken Turner que James Peeblesa prédit l'existence d'un rayonnement de quelques kelvins, et qu'une équipe composée de Dicke, Roll et Wilkinsonde l'université de Princeton est en train de construire une antenne pour le détecter. Penzias prend alors contact avec Dicke pour lui faire part de ses résultats. Ils décident alors de publier conjointement deux articles, l'un signé de Penzias et Wilson décrivant la découverte du fond diffus cosmologique, l'autre signé par Peebles et l'équipe de Dicke en décrivant les conséquences cosmologiques. L'histoire raconte que lorsque Dicke apprit la découverte de Penzias, il dit à ses collaborateurs une phrase restée célèbre : « Well boys, we have been scooped » (« Les gars, nous nous sommes faits devancer »). On ne sait pas bien si ces derniers auraient pu effectivement détecter ce rayonnement avec les moyens dont ils disposaient mais cela semble probable.

Penzias et Wilson recevront chacun 1/4 du prix Nobelde physique 1978 pour leur découverte

Nous reconnaissons tous, aujourd’hui, que la détection fortuite de cette première image du cosmos, a encore des conséquences extraordinaires permettant de progresser vers une plus grande intelligibilité de Notre univers.

Avant les observations de Edwin Hubble, avant 1920, au-delà de notre galaxie il n’y avait ‘Rien’. Le tout de l’Univers était constitué de la Voie Lactée. Grâce au nouveau télescope Hooker de 250 cm, le plus puissant télescope à l'époque, Hubble se rend compte que les « nébuleuses » observées précédemment avec des télescopes moins puissants ne font pas partie de notre Galaxie, mais constituent d'autres galaxieséloignées. Il annonce sa découverte le 30 décembre 1924. Au-delà de Notre galaxie, la première nébuleuse identifiée comme une galaxie n'est pas M31 (la Galaxie d'Andromède), mais la petite galaxie NGC 6822située dans la constellation du Sagittaire (1925). Suivront ensuite M33 (la Galaxie du Triangle) en 1926 et M31 en 1929. Ainsi ce ‘Rien’ se trouve être occupé par d’autres galaxies et nous savons donc combien, en à peine un siècle d’observations et de cogitations, Notre univers s’est enrichi et diversifié. On n’oubliera pas que quelques-uns de ses collègues les plus renommés se moquèrent de ses découvertes, alors qu’effectivement la compréhension dite scientifique de Notre univers changea fondamentalement grâce à la perspicacité de E. Hubble et l’exploitation appropriée des signaux fournis par son nouveau télescope.

A partir de ces exemples je veux expliciter comment au sein du ‘rien’ ou du ‘Rien’ supposé, affirmé, vibrionne de la multitude, comment du possible peut déferler et devenir pour nous explicite, dès que la curiosité humaine se penche et s’interroge sur le pan d’un ‘rien’ proclamé par routine voire par paresse.

Maintenant on accepte l’idée qu’il n’est plus possible de penser le scénario suivant : « A partir de ‘Rien’, dans un formidable big-bang a surgi l’Univers », pas plus que : « Au-delà de l’Univers (qui se confondait avec le nôtre) il n’y a ‘Rien’. »

On remarquera que P. Taurin eut le pressentiment que ce qu’il avait mis au jour en soulevant la tuile dépassait son entendement et il demanda de l’aide pour que l’on décrypte ce qu’il venait de découvrir. Il en fut gratifié.

Penzias et Wilson firent de même, ils partagèrent, avec une cascade de spécialistes en dehors leur propre domaine, leur étonnement à l’égard de ce qu’ils venaient de mettre en relief avec leur antenne. Leur découverte fut ainsi valorisée.

Quant à Hubble, qui se tourna vers ses pairs pour leur annoncer une véritable extension de l’univers, il connaitra en retour des sarcasmes. Ceux-ci réagirent comme s’il n’était pas question qu’un nouveau venu vienne perturber leur croyance au sein de leur pré carré. 

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27 mai 2014 2 27 /05 /mai /2014 15:32

Persévérons car cela progresse dans le bon sens… mais lentement, en zigzag.

Ce titre presque optimiste est validé par la lecture d’un article dans le New Scientist du 10/05 qui s’intitule ‘Etat d’esprit’ de Matthew Chalmers avec comme sous-titre : ‘Ce n’est pas la théorie quantique qui est incertaine, c’est vous.’ Sans reprendre la totalité des arguments de l’article, je propose d’isoler ceux qui me permettent de mettre en évidence les convergences franches avec ceux que je développe depuis 2007 dans mon cours : ‘Faire de la physique avec ou sans ‘Présence’’ et dans mon blog notamment l’article qui constitue une synthèse : ‘L’étrangeté quantique une illusion ?’ du 11/01/2014 et qui fait référence aux précédents depuis 2011. Je n’évite pas pour autant de mettre en évidence les arguments avec lesquels je suis en désaccord car en même temps ils m’obligent à préciser mon point de vue, précisions que je vous dois. Dans ce contexte, je suis tout autant obligé de vérifier la cohérence de quelques-unes de mes hypothèses.

Au sein de l’article de M. Chalmers, il y a un paragraphe qui explique le point de vue, tout neuf, de David Mermin que je traduis in-extenso : «Du point de vue d’une perspective humaine, la physique a un problème avec le temps. Nous n’avons pas de difficulté à définir un moment spécial appelé ‘maintenant’ qui est distinct du passé et du futur, mais nos théories ne peuvent pas capturer l’essence (sic) de ce ‘moment’. Les lois de la nature traitent seulement avec ce qui arrive dans un certain intervalle de temps. » (L’idée que je défends depuis de nombreuses années (2006) c’est que l’essence de ce moment c’est la ‘Présence’ du sujet pensant et ce ‘moment’ est irréductible. Il correspond à τs que je désigne comme le ‘Temps propre du Sujet’ soit encore TpS que j’estime de l’ordre de 10-25s. C’est donc une estimation de l’épaisseur de cette ‘Présence’. Voir l’annexe I, ci-jointe. Avec TpS, des impossibilités de compréhension de propriétés de la physique s’évanouissent, par ex. : celle relative à l’intrication.)

« David Mermin déclare avoir résolu ce problème en utilisant un principe semblable à celui qu’il a utilisé ainsi que d’autres. Nous devons simplement abandonner l’idée qu’il existe un espace-temps déterminé objectivement. » (A chaque fois que cela est nécessaire je précise que pour moi l’Anthrôpos est le fondateur de l’espace et du temps. Le temps occupant à mes yeux une place primordiale dans ce processus. Cette fondation est concomitante avec le surgissement de la conscience de la ‘Présence’ de l’anthrôpos, en conséquence, l’espace et le temps n’ont pas d’existence propre dans la nature.)

« Au lieu de former des séries de tranches ou de couches qui d’un certain point de vue correspondent à un ‘maintenant’ ou ‘alors’, l’espace-temps de Mermin est un maillage de filaments qui s’entrecoupent reliant ainsi les expériences de différentes personnes… « Pourquoi promouvoir l’espace-temps d’un diagramme, qui est un dispositif conceptuel utile, vers la problématique d’une essence réelle ? » demande Mermin. Sa réponse : « En identifiant mon système abstrait avec une réalité objective, je me trompe en le regardant comme une arène dans laquelle je vis ma vie. » »

Plus loin D. Mermin confirme, comme je l’ai récemment rappelé, qu’il faut prendre en compte le patrimoine intellectuel et culturel du sujet pensant quand il investit sur les propriétés de la nature : « Il y a simplement des abstractions utiles que nous développons pour rendre compte de ce que les horloges et les règles font. Quelques-unes de ces abstractions de haut niveau nous les construisons pour nous-mêmes en grandissant, d’autres ont été construites par des génies et nous ont été communiquées à l’école où par les livres. » Cela semble être de sa part plutôt une intuition, pas plus. Or cette thèse mérite d’être illustrée d’une façon plus élaborée puisqu’elle conduit à devoir inscrire les progressions de la connaissance du sujet pensant en phase avec l’évolution de son patrimoine réflexif, de son patrimoine culturel, depuis la profondeur des temps.

Dans la suite de l’article il est encore spécifié comment D. Mermin pense avoir craqué le mystère de la mécanique quantique. C’est globalement les Qbists qui l’ont convaincu. Or, à leur égard j’exprime une sérieuse réserve puisqu’ils prennent en compte la subjectivité, la présence avec un p minuscule, alors qu’à mon sens il doit être pris en compte la ‘Présence’ constitutive du sujet pensant qui enracine la conscience fondamentale de son existence, c. à d. : ‘Présence’ qui est la racine de l’Anthrôpos. D. Mermin est tellement convaincu d’avoir craqué le mystère de la mécanique quantique  qu’il affirme que la bizarrerie probabiliste de la mécanique quantique est dans la tête des physiciens, ‘c’est vraiment aussi simple que cela’(sic).

Plus loin dans l’article on peut lire : « Pour Mermin, la beauté de l’idée est que les paradoxes qui nuisent (sic) à la mécanique quantique simplement s’évanouissent. Les mesures ne ‘causent’ pas les choses qui se produisent dans le monde réel, quel qu’il soit ; elles causent les choses qui se produisent dans nos têtes. L’action fantôme à distance est aussi une illusion. L’apparence d’un changement spontané est juste le résultat de deux parties réalisant indépendamment les mesures qui réactualisent leur état de connaissance. » Dans ce propos, il y a à mon sens une référence qui est incongrue et contradictoire, c’est celle du monde réel. Comment Mermin peut-il évoquer le monde réel alors que celui-ci est d’une telle multiplicité qu’il est absurde de vouloir le penser. En fait on retrouve la thèse des réalistes de l’école GRW qui s’arc-boutent sur une opposition stérile, depuis de nombreuses décennies, à l’école de Copenhague. La condition pour que l’intelligence humaine se maintienne dans un état de liberté intellectuelle la plus grande possible consiste à renoncer à l’idée qu’un monde réel est à coup sûr devant soi. Cette proposition n’est pas une proposition opportuniste, conjoncturelle, elle précise la bonne posture que doit adopter le sujet pensant. A ce titre voir l’article du 22/03 : ‘La physique n’est pas une science qui nous conduit à la connaissance de la réalité. Elle nous conduit à établir des vérités fondées.’ Ces ‘vérités fondées’ sont le vrai terreau actuel d’une démarche scientifique solide qui permet de capturer les connaissances qui correspondent aux capacités du sujet pensant.

Plus loin on peut lire encore : « Avec le monde quantique microscopique, nous avons besoin d’un acte explicite de mesure avec un instrument pour obtenir de l’information. Pour prédire les résultats dans ce cas, nous avons besoin d’une théorie qui peut rendre compte de toutes les choses qui peuvent se passer quand on n’observe pas (cette hypothèse est vraiment totalement redondante à celle de GRW). Pour un QBist, la limite quantique-classique correspond à la scission entre ce qui se produit dans le monde réel et votre expérience subjective de celle-ci. » Là encore, la référence au monde réel est absurde, elle est de l’ordre d’une croyance métaphysique de la part de l’auteur et surtout elle indique que les Qbists se réfèrent à une subjectivité qui n’est autre que le pendant de l’objectivité qu’une grande majorité de physiciens pensent avoir fait reculer grâce à leur arsenal mathématique et expérimental. Dans ce cas le point de vue de ces derniers est juste. 

Malgré quelques convergences, j’affirme des désaccords significatifs avec les QBists, désaccords qui prennent leurs reliefs avec le concept de ‘Présence’ avec un p majuscule. Comme je l’ai précisé ci-dessus, qui est la racine de l’Anthrôpos. Cette ‘Présence’ indique la capacité première de surplomb du sujet pensant, vis-à-vis de ce qu’est la nature qui l’a forgée avec des atouts qui lui sont propres. Ainsi, l’Etre dans la Nature se différencie de l’Etre de la Nature mais ils cohabitent. Le p majuscule prend de l’épaisseur avec l’évolution darwinienne du sujet pensant. Cela signifie que la ‘Présence’ est de plus en plus affirmée et l’Etre dans la Nature prend le pas sur l’Etre de la Nature, sans jamais le réduire à néant, sinon ce serait la néantisation du sujet pensant. La ‘Présence’ prend de l’épaisseur, veut dire qu’il est pris en compte l’évolution, depuis les temps les plus reculés, des capacités cognitives, des capacités de l’investissement intellectuel des lois de la Nature. Il est aussi pris en compte l’évolution du bagage culturel qui favorise de plus en plus les capacités d’inférer du sujet pensant dans des domaines de plus en plus abstraits dans le sens où ces domaines sont de moins en moins accessibles dans notre immédiateté physique[1]. C’est cette dynamique-là[2]qui est laissée de côté de la part des QBists à cause de la faiblesse de leurs hypothèses premières avec leur p minuscule et qui induit Mermin dans l’erreur croyant avoir craqué les bizarreries de la mécanique quantique. Il devrait se souvenir de l’affirmation de N. Bohr : « Il n’y a pas de monde quantique, il n’y a qu’une interprétation quantique du monde. » Interprétation que Bohr ne considérait pas comme obligatoirement pérenne.

                                                             Annexe I

Lu dans ‘Pour la Science’ de Mars 2014, p.26 : «Mais surtout on comprend mieux la dynamique temporelle de la conscience : on a notamment montré que la conscience est un phénomène tardif qui n’est que l’aboutissement d’une succession d’événements neuronaux non conscients. Ainsi la conscience ne serait que la dernière étape d’une chaîne d’événements inconscients. C’est le modèle proposé par S. Dehaene : pour que la conscience naisse, il faut d’abord que des aires spécialisées dans le traitement des informations sensorielles, par exemple le cortex visuel, soient activées. Quand un seuil d’activation est dépassé, l’information est transmise au cortex préfrontal, puis redirigé à l’ensemble du cortex. Alors seulement l’information devient consciente. Nous nous sommes sans doute trop focalisés sur la conscience qui ne représenterait qu’une petite partie des phénomènes qui traduisent notre présence (sic) au monde… »

Il y a quelques années j’avais insisté sur la valeur des travaux de A. Goldbeter dont un intéressant état de l’art était présenté dans son livre : ‘La vie oscillatoire : cœur des rythmes du vivant’, edit. : O. Jacob, 2010. Dans cet ouvrage sont recensés et présentés les rythmes biologiques qui nous habitent dont à un certain niveau nous dépendons. Maintenant les travaux de S. Dehaene nous révèlent un autre tempo dont nous dépendons dans notre fonctionnement le plus intime et le plus fondamental. C’est le tempo de l’inconscience/conscience. Ainsi du niveau biologique au niveau neurobiologique, nous identifions des tic-tacs, des scansions, qui résultent de notre nature. L’existential : τs est, selon moi, la scansion la plus élevée dans la hiérarchie correspondante à celle constitutive de l’être humain. Je ne saurais dire s’il y a encore des niveaux intermédiaires entre le tempo appréhendé par Dehaene et le tempo irréductible τs. Cela se pourrait. Ce qui est certain, c’est que l’expérience que je propose pour la première fois dans l’article du 27/08/2012 :’D’infinis précautions’ pourrait être réalisée par l’équipe de Dehaene. Parmi tous les êtres vivants, τs doit être reconnu comme un identifiant, un attribut, de l’Etre dans la Nature.



[1] Voir article du 07/05/2014 : ‘Assistons-nous à une redéfinition de la science ?’ Plus particulièrement la longue citation que je propose d’A. Barrau.

[2] ‘Au sein d’une Eternité, parmi tous les possibles, sans cesse, l’Anthrôpos creuse sa connaissance d’un univers qui n’a pas de limites et celles qui apparaissent à cause des déterminations du sujet pensant ne sont que provisoires…’

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13 mai 2014 2 13 /05 /mai /2014 08:57

Qu’est-ce que la connaissance ? = Connaître les hommes !

 

« Veux-tu savoir ce qu’est la connaissance ? C’est, quand tu sais quelque chose, savoir que tu le sais. Et quand tu ne le sais pas, savoir que tu ne le sais pas. Voilà ce que c’est ‘savoir’ ! » Une autre fois, un disciple voulait savoir ce que c’est que la connaissance. Le Maître répondit : « Connaître les hommes ! »

Le Maître est Confucius (551-479 av J.C.), d’après ‘Les Entretiens’, célèbre ouvrage apocryphe du IIe siècle de notre ère.

J’ai rencontré cette citation en découvrant le livre : ‘Tour du monde des concepts[1]’, dont je conseille évidemment la lecture. Ce livre procède à un sondage en profondeur de neuf mots- concepts (Contrat, Corps, Danse, Etat, Loi, Nature, religion, Société, Vérité), patiemment façonnés en Europe durant des siècles. Il expose comment ces concepts sont entendus dans 9 langues non occidentales (arabe, persan, langues africaines du Burkina Faso et du Gabon, chinois, hindi, japonais, russe, turc.)

Le livre nous indique que pour s’approcher du ‘Connaître les hommes’, il faut connaître leurs différences, qui ne sont pas provisoires, mais irréductibles. Alors que les cosmologistes pensent être au bord de savoir comment a émergé Notre univers, à partir d’un temps origine, qu’ils connaissent le vertige d’atteindre, à partir de là, un savoir complet, unanimement partagé, sur l’origine profonde de Notre univers naturel (bien avant que ne se forment les poussières d’étoiles), depuis un amont absolu, voilà que cet ouvrage nous explique que l’humanité, qui est diversifiée depuis la profondeur du temps de son existence, ne peut pas penser, quoi que ce soit, d’une façon unique. Il nous est dit que les équilibres linguistiques de l’humanité sont les défenses immunitaires des sociétés contre l’écrasement d’une représentation unique d’un monde. La diversité des langues qui représente la diversité des civilisations et partant la diversité intellectuelle de l’humanité, témoigne des modes différenciés de construction du sujet pensant – du sujet immergé dans l’inconscient.

« Il n’existe pas à part des locuteurs une entité « langue », à laquelle ceux-ci viendraient puiser et qui serait comme un réservoir, un « trésor », à l’aune duquel mesurer et évaluer la maîtrise de chacun, pour le vocabulaire et la grammaire… Personne n’a accès à l’ensemble du vocabulaire, il n’existe pas de Trésor, de lexiques, ni d’encyclopédies auxquels se référer. » En conséquence, aucune civilisation, aucune culture, ne peut prétendre, détenir une vérité définitive, quelle qu’elle soit, puisqu’aucune langue ne peut s’approprier de concept définitif, qui illustrerait une représentation d’un savoir indiscutable d’une culture à une autre.

Ce livre nous invite à nous interroger sur la nature et les implications du rapport entre la langue et la pensée dans le contexte moderne. L’exercice philosophique et linguistique qui nous est proposé vise en prenant la mesure de la langue et de ses possibles (sic) une promesse subtile portée à travers les réorganisations continuelles de la substance et de la base de la vie sur Terre et ailleurs.

Pour annoncer le livre suivant, que je souhaite aussi vous recommander et qui nous concerne à tous les titres et évidemment à celui de la chose scientifique, je lis, page 419, « Le langage est un fait humain universel. Jamais les hommes n’ont connu la vie sans la parole et le langage. Et pourtant, il n’a encore jamais existé de langue humaine universelle. »

Le livre en question : « Comment le langage est venu à l’homme » de Jean-Marie Hombert et Gérard Lenclud (chez Fayard, janvier 2014) rend compte de l’état de la connaissance que nous avons sur ce sujet, maintenant. Tous les 10 ans il y a des progrès remarquables qui sont réalisés pour s’approcher de la réponse à ce questionnement. Ces progrès sont favorisés par la rencontre et la confrontation de plusieurs corpus scientifiques qui ont fait leurs preuves que ce soit la neurobiologie, la génétique, l’archéologie, la paléoanthropologie, la linguistique, voire l’éthologie, etc… ainsi que les moyens de l’imagerie cérébrale apportant des contributions souvent décisives.

P.13. Dès l’introduction les auteurs rappellent l’imbrication de la faculté de pensée et de la faculté de langage. Langage et pensée sont absolument inséparables.

P.16 « Les origines de l’homme ou celles de sa conscience sont des problèmes qui n’ont rien à envier à celui des origines du langage. Or force est de constater que ces trois problèmes ne sont pas étrangers entre eux. D’une part le langage fait l’homme, du moins celui que nous sommes puisque longtemps H. sapiens fut un représentant du genre Homo parmi d’autres. D’autre part, la détention du langage présuppose celle de la conscience réflexive, en l’occurrence la capacité à accéder aux pensées qu’il s’agit d’exprimer… »

P.18. « Bref, le développement de la faculté de langage doit être considéré comme un chapitre de l’histoire naturelle de l’homme, donc d’une histoire évolutive… Le langage ce n’est pas tout ou rien. D’où il découle que la pensée et le symbolisme ne le sont pas davantage ; d’où il résulte encore que la culture humaine, c’est-à-dire l’aptitude des hommes de toutes cultures à conférer des significations non naturelles différentes aux entités peuplant leur monde, n’a fait que progressivement son entrée sur terre. » Comme le précisent avec insistance les auteurs, il y a donc là, à l’origine, un ‘Etre de la nature’, et l’histoire évolutive est l’histoire de celui-ci qui deviendra : ‘Etre dans la nature’ sans que ne s’efface les fondements naturels.

Reportons-nous à l’article que j’ai posté le 10/10/2013, au titre plutôt alambiqué : « Comment nous sommes devenus avec/dans le langage ? », je faisais référence à l’article suivant « Le langage et la conception d’outils ont-ils évolué ensemble ? » (In Futura-Sciences le 05/09/2013. Article original de Natalie Uomini et Georges Meyer in ‘Plos One’.) « Il apparaît dans cet article qu’il y aurait une concomitance sérieusement probable entre le début du développement du langage et la capacité à travailler le silex pour fabriquer des outils. Cela remonte à peu près à 1,75 million d’années et à cette époque de l’évolution vers l’Homo sapiens, l’Homo ergaster était le pilier de celle-ci, soit notre ancêtre. » Je vous invite à relire l’article pour vous rappeler comment je m’étais emparé de cette concomitance pour illustrer mon hypothèse des déterminations du sujet pensant. Ceci se trouve être confirmé dans le livre avec des arguments plus riches évidemment, plus documentés, avec des questions encore ouvertes.

En effet page 26, on lit : « Qu’est-ce qui révèle in fine dans un outil, ce témoignage archéologique par excellence, la présence du langage chez son fabricant ? Osons prendre parti dans le débat en cours chez les préhistoriens : moins la planification mentale nécessaire à sa confection, dont il est difficile de faire la preuve, que la convention nécessairement passée entre les hommes particuliers pour que l’outil soit comme ceci et pas comme cela, donc différent de celui confectionné dans d’autres communautés, répondant pourtant au même emploi. Entre 80 000 et 70 000 BP[2], la production d’outils chez les H. sapiens d’Afrique offre cette pièce à conviction, mais ce n’est pas la seule. »

Les auteurs considèrent qu’il est raisonnable de poser que le langage a évolué à partir d’un système de communication animale, propre à des primates et ceci nous plonge dans l’antiquité de l’homme. Il est aussi proposé que l’ancêtre lointain du langage humain soit apparu grâce à l’invention du signal découplé. « C’est-à-dire quand des êtres sont parvenus à communiquer entre eux à propos de choses qu’ils n’avaient pas sous les yeux. A partir de là aurait pu exister des formes intermédiaires de langage, rassemblées sous l’étiquette de protolangage, à savoir un langage incomplètement langage à l’aune du nôtre. »

p.292 « Le passage du Moustérien au Châtelperronien n’est tout de même pas l’équivalent d’une révolution technologique : dès 500 000 ans BP, les tailleurs de pierre du genre Homo anticipent la forme de l’objet à produire, laquelle est donc prédéterminée avant que ne commencent les opérations de débitage. Du moins, telle est l’opinion majoritaire chez les archéologues. » On retrouve ici un triptyque déterminant : langage, taille, anticipation. La conception abstraite de la forme par anticipation implique chez ses Homos une capacité de projection temporelle, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas écrasés par le présent mais à partir de celui-ci, ils sont les fondateurs du temps au-delà du présent, le ‘temps en devenir’, ce qui constitue certainement une spécificité de la condition humaine. Ainsi on peut dire que nous avons des indications solides qui nous informent à propos de ce qui est constitutif de la flèche du temps : Passé, Présent, Futur.

Le chapitre 6, comprend des développements très intéressants, argumentés, à propos de ‘Pensée, culture, langage : les faits institutionnels’, indiquant notamment : « que les linguistes ont mis en évidence les voies par lesquelles, au travers de leur usage de cette institution qu’est leur langue, les hommes sont à l’origine sans le savoir, de leur évolution continue. Les langues changent parce qu’elles s’apprennent. Et cet apprentissage ne prend aucune forme de dressage. Une langue n’entre pas de force dans l’esprit/ cerveau de l’enfant humain, à la façon d’une potion qui lui serait administrée… Les hommes « font » leurs langues sans savoir qu’ils le font…»

Toujours dans le chapitre 6, dans le paragraphe : ‘Outil et langage’, on peut lire : ‘Le critère de la planification mentale’ dont l’idée sous-jacente à l’emploi de ce critère est la suivante : « Dès lors que le tailleur de pierre devait se représenter, face au bloc de matière première, l’objet fini qu’il peut en obtenir et la succession des gestes à opérer pour y parvenir, la confection de l’outil témoignerait chez lui de la présence d’une pensée conceptuelle à l’œuvre dont le déploiement nécessiterait une certaine aptitude au langage…Le tailleur se projette à lui-même le film de ses actions futures telles qu’elles aboutiront à imposer une forme, prévue à l’avance, à un matériau qui ne le prédétermine pas ou peu. Ces représentations sont donc détachées de l’ici et du maintenant à la façon des représentations linguistiques. » 

La lecture de ce livre que je recommande conforte l’idée que j’avais formulée dans l’article du 11/07/2012 : ‘Faire alliance avec les linguistes pour avancer’.



[1] Mars 2014, sous la direction de Pierre Legendre, Fayard.

[2] Before Present. C’est-à-dire avant 1951 par convention.

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7 mai 2014 3 07 /05 /mai /2014 17:32

Assistons-nous à une redéfinition de la Science ?

            En se concentrant sur la problématique du multivers, qui se trouve à nouveau sous les feux de la rampe depuis la publication du 17 mars, Georges Ellis[1]interroge si tout le monde a bien conscience que nous serions au tournant d’une redéfinition de la Science si la tendance qui s’imprime continuait de se développer, au sein de la communauté scientifique, dans ce domaine théorique. Qu’elle que soit finalement l’option intellectuelle de G. Ellis sur ce sujet, il a le mérite de nous interpeller explicitement à ce propos.

Il fait référence à des physiciens et des cosmologistes dont les propositions à-propos des hypothèses, de multivers de niveau 1 et/ou de niveau 2, ou encore d’univers qui existent en parallèles ou en séries, contribuent à franchir un Rubicond que G. Ellis, pour sa part, ne veut pas franchir. Il cite des scientifiques qui sont reconnus par leurs pairs comme des physiciens ou cosmologistes rigoureux dans le sens qu’ils ont toujours chercher à inscrire leurs raisonnements dans le cadre de la production d’une connaissance scientifique qui en respecte les canons. Parmi eux il cite Tegmark, Vilenkin, Guth, Linde, Steinhardt, Turok, Deutsch, Lockwood, Gell-Mann. Il se trouve que ceux-ci ont été amenés, au cours de leurs travaux, à concevoir par extrapolation des hypothèses d’inflation éternelle, de multivers de natures variés, etc…. Selon les auteurs, ces hypothèses se sont toujours avérées nécessaires par obligation de cohérence de ce qui ressortait du traitement des équations fondamentales partagées et maitrisées. C’est-à-dire qu’aucun des résultats produits grâce à la bonne compréhension et au bon traitement de ces équations ne scellait avec consistance l’ensemble de connaissances qui en résultait. Pour atteindre, donc, le minimum idéal de consistance, c’est par extrapolation qu’il faut formuler des hypothèses supplémentaires pour que ce nouvel édifice de connaissances acquière un statut plus assuré de vraisemblance. Mais ces hypothèses nouvelles sont présentement invérifiables, d’une façon ou d’une autre elles ne sont pas scientifiquement constatables, voire elles ne le seront peut-être jamais. Par exemple, si les ondes gravitationnelles quantiques sont dans le futur validées, elles induiraient une certaine vraisemblance à l’hypothèse de l’inflation éternelle ou du multivers, mais pas plus.

C’est ce Rubicond-là qu’Ellis ne veut pas franchir, en tous les cas sans que cela soit explicite, et il n’est pas prêt à admettre que dans ce cas on conçoive du savoir scientifique au sens habituel du terme.  

Dans un encart à l’article de Ellis, Aurélien Barrau, lui, se fait l’avocat du franchissement du Rubicond. Il considère qu’après tout, ces extrapolations constituent des paris raisonnables. Il ne nie pas le caractère spéculatif de ces hypothèses qui résultent d’extrapolations mais selon lui, elles n’en restent pas moins raisonnables. « En effet, le multivers n’est pas un modèle, mais une conséquence, parmi d’autres, de modèles élaborés pour répondre à des questions précises en gravitation ou en physique des particules (relativité générale, puis théorie des cordes). Or ces modèles peuvent, en principe, être mis à l’épreuve en laboratoire ! Si les théories qui prédisent l’existence du multivers étaient invalidées par des expériences locales, les univers multiples qu’elles supposent s’évaporeraient avec elles. A contrario, si ces théories atteignaient un niveau de confiance suffisant pour être acceptées, il serait naturel de considérer sérieusement les autres univers qu’elles impliquent… Le multivers explique de nombreuses coïncidences : s’il existe une infinité d’autres univers avec des lois physiques différentes, il est plausible (sic) que nous nous trouvions dans un de ceux compatibles avec l’existence de structures complexes… Il y aurait un certain acharnement à compliquer les modèles pour « empêcher » l’émergence  de ces univers alternatifs qui résolvent pourtant beaucoup de paradoxes !»

Le conservatisme de certains physiciens vis-à-vis de l’idée que l’on continuerait à procéder à une activité scientifique en procédant au moyen de paris dits ‘raisonnables’ est donc compréhensible. D’autant qu’il n’y a pas de ‘raisonnable’ qui soit définissable de façon absolu. Par ce biais on laisserait donc intervenir l’appréciation subjective et a priori on quitte le domaine de la conception scientifique (l’exemple de la prise position récente de S. Hawking, à propos de l’horizon du trou noir, constitue une situation caricaturale que pourrait révéler l’excès du recours libre à une telle subjectivité). Mais Aurélien Barrau le dit, sans le pari de l’interprétation, de l’extrapolation, on est prisonnier d’une conception scientifique de Notre univers qui est étriquée, instable, totalement insatisfaisante et finalement incomplète.

Ce que Barrau pressent et ce qui en creux provoque la réticence fondamentale d’Ellis, c’est qu’aujourd’hui si on tient compte de l’extraordinaire cumul des avancées des contributions théoriques et des capacités d’observations et de décryptages extrêmement pointues, les scientifiques disposent d’un patrimoine de connaissances et d’informations tellement riche que non seulement ils ont les moyens d’affirmer du savoir scientifique qui soit le fruit d’une conception traditionnelle reconnue, mais en plus, ils ont aussi une capacité d’inférer de plus en plus solide et donc légitime. A. Barrau a la conviction qu’il faut l’exploiter, qu’elle est nécessaire pour continuer à produire du savoir scientifique significatif dans le domaine de la cosmologie. Selon-lui, la mise œuvre de cette capacité d’inférer est maintenant nécessaire pour être en mesure de consolider des acquis qui ont le statut de savoir scientifique. Il faut aussi prendre en compte l’actuelle puissance de calcul et partant, grâce aux moyens informatiques, prendre en compte les moyens de modélisations, de simulations. Ceci est vrai, à condition d’avoir un vrai recul intellectuel à l’égard des résultats et des conséquences que l’on peut en extraire car on ne doit pas oublier que les algorithmes de traitement des modèles ne sont pas neutres, ni d’ailleurs les algorithmes de traitement des signaux recueillis par nos moyens extraordinaires d’observations. Il faut souhaiter que Barrau ait pensé à tous ces éléments-là en rappelant que les scientifiques doivent être surtout raisonnables lorsqu’ils font le pari d’une extrapolation plutôt que d’une autre.

Je propose que l’on réfléchisse plus particulièrement à la rubrique du septième argument de l’article de G. Ellis : « Tout ce qui peut arriver, arrive. En cherchant à expliquer pourquoi la nature obéit à certaines lois et pas à d’autres, certains physiciens ont imaginé que la nature n’avait en fait jamais fait un tel choix : toutes les lois concevables s’appliquent quelque part. L’idée est inspirée en partie de la mécanique quantique qui, comme Murray Gell-Mann l’a exprimé avec humour, veut que tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire. Une particule emprunte tous les chemins possibles, et ce que nous voyons est la moyenne pondérée de toutes ces possibilités. Peut-être en va-t-il de même pour l’Univers entier : il existerait une superposition de tous les univers possibles, c’est-à-dire un multivers… » Cette conception renvoie à ma proposition plusieurs fois énoncée dans plusieurs articles sur le blog : « Au sein d’une Eternité, parmi tous les possibles, l’anthrôpos creuse… »

En toute rigueur, je dois préciser qu’il y a, à ce niveau, une différence notable en ce qui concerne l’espace et le temps. Dans la majorité des arguments présentés par Ellis, représentant les différentes écoles de pensée, il est supposé que l’espace et le temps seraient donnés, ils seraient une donnée de la nature. Or depuis que je fais le cours : ‘Faire de la physique avec ou sans ‘Présence’’, je fais l’hypothèse que l’espace et le temps sont fondés par l’être pensant, ils sont des attributs de sa ‘Présence’. Sans ‘Présence’, il n’y a rien…qui soit discernable. Selon ma thèse, le ‘Rien’ et ‘Tous les possibles’ sont des concepts qui se rejoignent. Il en est de même du ‘Rien’ et de l’’Eternité’. C’est donc la ‘Présence’ de l’être pensant qui provoque la fracture et qui par la nécessité de son discernement fait émerger dans l’urgence le possible le plus immédiat, émergence qui est toujours en renouvellement, en enrichissement, et ne peut avoir de fin.

G. Ellis termine son article ainsi : « Il n’y a rien de mal à faire des spéculations philosophiques fondées sur la science, et c’est exactement ce que sont les théories du multivers. Mais il faut appeler les choses par leur nom. » G. Ellis laisse entendre que la science n’a pas d’autre fondement qu’elle-même et je me permets de dire que cela est franchement erroné. La vraie dynamique de la création scientifique est celle qui est nourrie de préalables métaphysiques et/ou philosophiques des scientifiques constituant le premier socle à partir duquel ceux-ci lance leurs filets de la connaissance rationnelle.



[1] Voir article dans le Dossier hors-série d’Avril-juin 2014 de ‘Pour la Science’, « Le multivers existe-t-il ? ». Evidemment, j’en conseille la lecture.

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23 avril 2014 3 23 /04 /avril /2014 11:51

Doute sur la publication du 17 mars.

A peine un mois après la publication annonçant la détection des ondes gravitationnelles quantiques relatives à la phénoménologie supposée du Big bang, qu’un article mettant en évidence de sérieux doutes sur la valeur de la publication du 17 mars est posté le 15/04 sur le site du New Scientist.

A mes yeux, il y a deux raisons d’être sceptique vis-à-vis de la publication du 17/03 telle qu’elle est proposée par John Kovac et Clement Pryke. La première vient du fait que les chercheurs trouvent une amplitude du phénomène de polarisation 2 fois plus grande que celle attendue. La deuxième est plus symptomatique, laissant entrevoir qu’un biais sérieux ait pu être introduit, c’est l’annonce tout de go, d’un sigma supérieur à 5, sans aucune vérification par une équipe extérieure à l’expérience.

L’article du New Scientist fait référence à des premières vérifications de la part de Philipp Mertsch à l’égard des possibles bruits de fond de phénomènes de polarisation du rayonnement électromagnétique. Le bruit de fond causé par les poussières célestes de sources multiples a été pris en compte par Kovac et all, selon leurs critères, et a été estimé dans les conditions de leurs observations à 20%. Selon Ph. Mertsch, les découvreurs des ondes gravitationnelles quantiques ont probablement sous-estimé la poussière résiduelle au sein des enveloppes en expansion des supernovae qui ont autrefois explosé. Il se trouve qu’au moins une de ces enveloppes traverse significativement le champ d’observation et d’évaluation de Bicep2. Est-ce que son impact sur le résultat publié le 17 a été correctement évalué ?

Aux échelles de perception qui sont les nôtres aujourd’hui, nous savons bien les limites, dites de l’observation, que nous côtoyons actuellement. Grâce aux moyens informatiques, les processus de modélisation ou de simulation que nous entreprenons à partir d’existence supposée, ici d’ondes gravitationnelles primordiales, ne peuvent pas être totalement neutres, totalement passifs.

Le doute est installé, peut-être que l’équipe de Kovac sera en mesure de le lever d’une façon convaincante rapidement. Ce qui est certain c’est que les résultats de Planck, actuellement promis en octobre 2014, offriront une confirmation ou une infirmation. Il paraîtrait que l’équipe de Planck dispose d’indices favorables grâce à des techniques et des conditions d’observations très différentes. De toutes les façons la mise en forme de résultats publiables s’avère délicate car nous avons déjà subi deux reports de publication depuis l’an passé.

Quel que soit, in fine, le résultat, réjouissons-nous de tout ce qui a pu se dire, être publié, republié, depuis le 17/03. En accéléré, en quelques jours, nous avons bénéficié de tout ce qui depuis 1980 a été cogité pour tenter de justifier d’un instant primordial de Notre univers qui soit en accord avec les constatations de sa structuration apparente, telle qu’elle nous apparaît, jusqu’à maintenant. En accéléré, en quelques articles, nous avons été confrontés à l’enchaînement des hypothèses qui s’impose, pour que l’édifice soit cohérent, pour que la machinerie engendre. Ainsi on ne peut manquer d’évaluer sa fragilité, sa construction artefactuelle. Au bout du compte on constate que cet instant primordial sans cesse se dérobe parce que la cause primordiale se dérobe. A moins d’évoquer le Divin, la cause divine, nous ne pouvons pas nous arrimer au point fixe de la cause primordiale qui enclencherait la machinerie de la genèse de Notre univers. Une des alternatives proposée, est la banalisation de Notre univers qui serait généré parmi tant d’autres au sein d’un multivers et/ou avec d’autres multivers, enfin la thèse de l’inflation éternelle proposée par Alan Guth procède d’une préoccupation identique.

La quête d’une origine primordiale absolue est donc une source de difficultés insolubles[1]. Ce n’est pas parce que l’on peut prétendre attribuer une origine à l’être pensant que nous sommes, (tout du moins un horizon sensé repérable dans le temps[2]), qu’automatiquement il doit en être ainsi de Notre propre univers naturel. La métaphysique incontestée chez les cosmologistes aujourd’hui consiste à considérer que c’est Notre univers qui est en mouvement avec un processus de genèse. Je propose que nous procédions à un véritable changement de paradigme métaphysique qui conduit à considérer que c’est l’intelligence de l’être pensant qui est en mouvement, métaphysique que j’énonce comme suit :au sein d’une Eternité (l’Univers), parmi tous les possibles (le(s) Multivers), avec ses capacités cérébrales sans limite : l’anthrôpos ne cesse de creuser un univers de connaissances (Notre univers), qui progressivement englobera les entités : univers, multivers, qui lui semblent encore extérieures, exogènes, qui sont plus le fruit d’une intuition légitime et/ou d’un souci de cohérence que celui d’une intelligibilité déjà établie. C’est en mettant en évidence des nouvelles propriétés et des nouvelles lois physiques que le sujet pensant, grâce à l’évolution permanente de ses capacités cérébrales, intégrera ces entités dans son propre univers en extension.

Au sein d’une Eternité : tout est , le problème d’une origine de ce que nous débusquons comme nouveau phénomène conçu grâce à nos nouveaux savoirs ne se pose pas. Il n’y a en fait qu’une finalité qui est la nôtre et nous caractérise, qui en permanence nous met en jeu, et éternellement nous mettra en jeu.

Quand j’affirme : « que le sujet pensant, grâce à l’évolution permanente de ses capacités cérébrales… », je pense à l’évolution de nos capacités de cognition directement induites par l’évolution de nos connaissances de l’Univers. Pensons qu’Einstein, il y a un siècle, considérait que l’Univers immuable était simplement notre propre galaxie avec quelques millions d’étoiles. C’est Hubble qui a, en 1920, découvert que cela bougeait au-delà de la Voie Lactée : c’était Andromède qui était ainsi intégrée dans notre patrimoine intellectuel. Progressivement ce qui constituait encore l’Univers s’enrichissait de milliers, de millions, de milliards, de galaxies et concomitamment les galaxies s’enrichissaient jusqu’à des centaines de milliards d’étoiles, de trous noirs dont certains hyper massifs et autres objets célestes curieux et remarquables. Depuis une décennie on identifie des exo-planètes et à partir de là on peut maintenant statistiquement affirmer qu’il y a en moyenne 2.7 planètes qui gravitent autour de chaque étoile. Impossible de laisser de côté l’idée qu’il puisse y avoir d’autres intelligences dans Notre univers et dans les autres. On comprend bien que ces explosions quantitatives induisent des évolutions qualitatives au bénéfice de l’être qui est en mesure d’accueillir ces connaissances nouvelles. En un siècle le patrimoine savant du sujet pensant à propos du cosmos s’est considérablement enrichi de tout ce qui était déjà là évidemment. De là, implicitement (difficile d’affirmer que cela est déjà explicite), nous différencions Notre univers, de l’Univers, et pas de raison que cela s’arrête.

 Pensons aussi aux premières versions naïves de Big bang, de Lemaitre, Friedmann, Einstein, et là où nous en sommes aujourd’hui. Pensons aussi aux capacités extraordinaires actuelles de fabriquer des instruments d’observation qui nous permettent d’ausculter la moindre vibration, la moindre lumière du cosmos. Notre regard est de plus en plus profond, nos capacités d’inférer s’étendent... cela ne peut s’arrêter.

Des avancées importantes sont prévisibles, elles adviendront lorsque, par exemple, nous serons intellectuellement en mesure de nous émanciper des contraintes de la loi E = mc2 (voir articles sur les neutrinos et matière noire) ainsi que de nous émanciper de l’horizon ‘indépassable’ de la vitesse de la lumière : constante universelle. On dit qu’il n’y a pas de vitesse possible au-delà de la vitesse de la lumière. Cela est exact lorsqu’il s’agit de la lumière rayonnée par la matière qui nous est jusqu’à présent familière et a fortiori cela est exact pour cette matière elle-même. Mais on évoque aussi la vitesse d’expansion fabuleuse de l’univers primordial qui échappe à toute évaluation, il n’en reste pas moins que le concept de vitesse reste approprié. Certes et ne l’oublions pas c’est l’expansion de l’espace-temps à l’exclusion de toute forme d’énergie et de matière. C’est l’inflaton ? qui serait la cause. Cette évolution se fait à pas comptés : certains physiciens parlent de bouffées d’expansion cosmique exponentielle, d’autres parlent d’une dilatation considérable de l’univers pour atteindre une taille bien supérieure à celle de celui que nous pouvons observer, d’autres encore évoquent une expansion brève et brutale ou encore une expansion fulgurante en un bref instant. Ces variations sémantiques ne sont certainement pas fortuites. Dans certaines expressions le concept de vitesse est un concept de représentation intellectuelle implicitement opérant, dans d’autres ce n’est plus le cas. Exploiter et maîtriser le concept de vitesse pour des vitesses supérieures à la vitesse de la lumière, qui est à la source de notre propre existence car c’est elle qui nous a forgés, sera difficile voire une barrière définitivement infranchissable. Actuellement c’est un horizon et par la voie de la démarche scientifique propre à la physique, il pourrait être objectivement franchi.

 



[1]La problématique de l’origine a aussi été un obstacle rédhibitoire lorsqu’il s’est agi de vouloir penser l’origine du langage. Pour pallier à cette quête source de stagnation de l’étude du langage par la voie d’une science appropriée, la Société linguistique de Paris a inscrit, en 1866, dans ses statuts un article qui passera à la postérité et qui stipule que la Société n’acceptera « aucune communication concernant l’origine du langage ». Une des raisons de cet article visait à contrer l’attitude quasi mystique dont on entoure outre-Rhin, à cette époque du romantisme allemand, la remontée dans la passé le plus ancien des langues. Il se trouve qu’après-coup de cet interdit historique, il advint la remarquable éclosion et le développement de la linguistique générale, notamment avec Saussure et ses disciples. Si l’interdit fut efficace, plus d’un siècle durant, c’est parce que, la linguistique structurale et la grammaire générative, bref la science linguistique libérée de toutes contraintes mystiques de l’origine, a pu opposer ses évidences théoriques et de méthode. Grâce à cette avancée, dorénavant, les recherches conjointent, des linguistes, des biologistes, des neurologues et psychologues, aussi bien que des anthropologues et des paléontologues sont en mesure de mieux situer la venue du langage à l’homme.  

[2]A ce titre, voir le livre passionnant et remarquable : ‘Comment le langage est venu à l’homme’, de J.M. Hombert et de G. Lenclud chez Fayard. Janvier 2014.

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22 mars 2014 6 22 /03 /mars /2014 05:15

La physique n’est pas une science qui nous conduit à la connaissance de la réalité. Elle nous conduit à établir des vérités fondées.

Ces vérités fondées ne proviennent pas de nulle part, elles sont le fruit de l’analyse des propriétés observables de la nature et concomitamment de leur interprétation accompagnée d’une mise en forme dans le langage mathématique qui est considéré comme un langage universel. En tous les cas celui-ci favorise l’évaluation et l’approbation intersubjectives. Ces vérités sont retenues comme telles par une communauté de physiciens qui approuvent soit totalement, soit moyennement, soit d’une façon critique, ou soit réfute ce qui a été mis en évidence. Ces vérités fondées suscitent en permanence un bouillonnement intellectuel vivifiant pour toute la communauté, surtout en physique fondamental.

Certaines fois la situation peut être caricaturale. Le dernier oracle de S. Hawking en est un exemple mais ce n’est pas accidentel. En deux pages, sans justification par quelques équations, il annonce qu’il ne croit plus à l’hypothèse de l’horizon du trou noir au sens habituel que lui-même avait contribué à justifier, il y a quelques décennies, certes en tergiversant entre temps à propos de la perte irréversible de l’information, sur les objets engloutis dans le trou noir, ou pas. Il semblerait qu’il ait tourné casaque en évaluant les dispositifs extraordinaires voire abracadabrantesques qui ont été conçus pour justifier la conservation de l’information sur la matière après qu’elle soit engloutie par le trou noir.

Dans la durée, c’est-à-dire depuis au moins 40 ans, nous sommes témoins d’un bégaiement prolongé de la physique fondamentale. Celui-ci est illustré par l’impossibilité d’unifier les deux corpus majeurs de la physique théorique. La recherche de la théorie nouvelle qui émergerait de cette unification permettrait ainsi de réunifier le discours scientifique à propos des objets et des phénomènes qui font simultanément appel à ces deux corpus. Ainsi les physiciens retrouveraient le confort intellectuel de la croyance, qui pour une grande part les motive : atteindre la connaissance de la réalité du monde physique.

Il se trouve que la physique censée décrire les propriétés des trous noirs ne nous offre toujours pas la possibilité de trouver la voie conduisant à la formulation de nouveaux paradigmes libérateurs. Je considère que nous sommes condamnés au bégaiement tant que nous serons dans la conviction que la science physique est une science qui nous conduit à la connaissance de la réalité unique et définitive des choses.

Globalement on considère que le passage de la physique classique à la physique quantique s’apprécie au passage de grandeurs continues à des grandeurs discontinues. Or avec l’objet trou noir il se trouve que la discontinuité est subie par l’observateur extérieur au trou noir, dans le sens où son statut d’observateur des objets est progressivement gommé au fur et à mesure que ceux-ci se rapprochent de la ligne de l’horizon, il est (presque) privé de la lumière ou de signal qui lui permet de continuer d’être un observateur pur. Et si cet observateur pouvait vivre très, très, longtemps, il pourrait voir des choses bizarres qui seraient dues à des propriétés quantiques. Toutefois on peut considérer que ce même observateur a aussi un statut d’observateur cérébral qui peut prendre en partie la relève car grâce à sa connaissance de la relation d’équivalence entre mi = mg il lui est possible, potentiellement, de concevoir le destin de l’objet au-delà de l’horizon avant qu’il avoisine franchement la singularité spatio-temporelle car grâce à la relativité générale il peut concevoir et calculer la géodésique suivie par les objets, avant et après l’horizon, qui est assurément continue.

L’autre observateur, qui lui accompagnerait l’objet dans son mouvement de chute libre, ne constaterait aucune discontinuité au passage de l’horizon.

Dans cette affaire on constate que la place et le statut de l’observateur occupent un rôle essentiel dans l’explication rationnelle qui peut être mis en valeur pour rendre compte de la phénoménologie relative à un trou noir.

C’est encore plus riche en surprise car selon la loi de la Relativité Générale, l’observateur extérieur ne verra jamais, en fait, l’objet franchir l’horizon et l’explication qui s’impose pour rendre compte de la phénoménologie relative à la fréquentation du voisinage de l’horizon sans son franchissement observable fait appel aux lois de la mécanique quantique qui propose la thermalisation de l’objet. Actuellement ces deux discours rationnels se valent et sont également vraisemblables pour un même objet. Ces deux discours s’appuient sur des vérités scientifiques tout autant fondées l’une comme l’autre, ce qui fait la différence c’est le point de vue des observateurs.

Il est remarquable de penser que la loi de Relativité Générale fut motivée par son auteur avec la conviction que le point de vue de l’observateur doit être évincé pour atteindre la réalité du monde physique et que mettre en évidence les propriétés d’invariances, dans le cadre de ces lois, à l’égard de tous les points de vue était un critère de validation des lois qui touchent au monde réel. Voilà que l’objet Trou Noir, qui est un objet caractéristique des théories d’Einstein, et par un effet boomerang remarquable, impose qu’on réhabilite le ou les observateurs pour dire des choses sensées à leur sujet.

Léonard Susskind rappelle dans son livre : ‘Black holes, information and the string theory revolution’, p.175 : « Bien que la mécanique quantique ait rendu l’événement probabiliste et que la relativité rende la simultanéité non absolue, il était malgré tout assumé que tous les observateurs agréeraient sur les relations invariantes entre les évènements. Cette conception persiste toujours avec la R.G. classique. Mais le paradigme progressivement se déplace. Il n’a  jamais été adéquat pour combiner la mécanique quantique et la relativité générale. »

L. Susskind a raison d’indiquer à partir de ces deux constats qu’il y a matière à forger des paradigmes, et je retiendrai celui qui s’est imposé sur la base de la conviction ‘Réaliste’ d’Einstein : « La simultanéité n’est pas absolue’ ou encore avec l’affirmation équivalente : «Ce qui du point de vue physique est réel… est constitué de coïncidences spatio-temporelles. Et rien d’autre[1]. ». Cette croyance d’Einstein a pour conséquence l’expulsion affirmée et irrémédiable de la ‘Présence’ du sujet. Conviction cohérente avec son préalable philosophique qui est que les bonnes lois de la physique sont celles qui ne sont pas assujetties à des points de vue multiples d’observateurs, en fait à aucun.

Depuis de nombreuses années je prétends que se situe exactement à cet endroit la source de toutes les difficultés de la physique théorique d’aujourd’hui. En introduisant l’hypothèse du TpS (Temps propre du Sujet), (voir plusieurs articles du blog), on élimine toute idée que le sujet pensant puisse accéder à l’observation de la simultanéité et en conséquence on établit la réalité du ‘sujet pensant générique’ dans la conception fondamentale du corpus de la physique théorique. On ne peut expulser sa ‘Présence’. Ainsi le paradigme d’Einstein, qui fait obstruction au développement de la physique théorique aujourd’hui, est effacé.

Cette thèse que je défends a, évidemment, une conséquence qui est annoncée dans le titre de l’article : La physique n’est pas une science qui nous conduit à la connaissance de la réalité. Elle nous conduit à établir des vérités fondées. Il faudrait donc renoncer à la certitude que nous puissions atteindre la connaissance du monde réel et accepter l’idée que le physicien conçoit des vérités fondées. Il est certain que sur le plan ontologique, qualitatif, le renoncement est redoutable. Mais c’est le prix d’une liberté, d’une respiration intellectuelle qui est nécessaire et sera bénéfique. Ce renversement fondamental sera une source de nouvelles avancées des propriétés de la Nature que nous sommes à même de distinguer. Effectivement cela implique que le sujet pensant générique soit partie intégrante du monde que progressivement nous dévoilons. Dans ce cas nous ne pouvons pas prétendre que la physique serait une science absolument objective au sens strict du terme.

Les résultats récemment publiés à propos des premiers instants de notre univers doivent être considérés comme un magnifique exemple du processus de création d’une vérité fondée. Surtout ne donnons pas à ces résultats le statut d’une preuve d’un réel début unique de l’univers. Notre univers, c’est-à-dire celui que nous pouvons intellectuellement investir, n’est que celui provisoire, correspondant à l’état de nos capacités actuelles de décryptage au sein d’une éternité, parmi tous les possibles… J’annonce ainsi le thème du prochain article.



[1]Lettre à Ehrenfest du 26 décembre 1915.

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17 février 2014 1 17 /02 /février /2014 11:30

Avec Max Tegmark

Max Tegmark vient de publier un livre très intéressant qui s’intitule : ‘Ma quête pour la Nature Ultime de la Réalité[1]. Je vais me référer à l’analyse qui en est proposée dans le blog philoscience par J. P. Baquiast le 29/01/2014. D’emblée le titre annonce l’objectif du cosmologue Tegmark, par contre il n’est pas précisé, à ce niveau, que la conception de Tegmark fait référence d’une façon significative à la métaphysique Platonicienne.

Ce livre est intéressant car il met en évidence une fois de plus combien les physiciens ont besoin, toujours, de considérer que d’une façon ou d’une autre il y a un monde extérieur objectif, établi ou préétabli.

Il y a un nombre significatif de convergences entre la conception de Tegmark et celle que je propose dans les articles successifs sur mon blog depuis plusieurs années. Pourtant, nous nous basons respectivement sur des conceptions premières qui sont évidemment clivées. Il m’est arrivé à plusieurs reprises[2]de résumer ma conception par : « C’est au sein d’une Eternité, parmi tous les (univers) possibles, que l’anthrôpos creuse sa connaissance d’un Univers régi par les lois qui correspondent aux déterminations qui nous constituent. »

Dit autrement cela signifie que le scénario ou modèle d’Univers que je préconise représente un bilan de nos capacités de décryptage en tant que sujet pensant, sans qu’il y ait la perspective d’une quelconque limite, et non pas, comme le conçoit la très grande majorité des physiciens, un  scénario ou un modèle qui se rapporte toujours en première instance à une réalité effective. Ainsi les cosmologistes qui travaillent sur le scénario du Big-Bang considèrent que celui-ci a eu lieu effectivement il y a 13 milliards 800 millions d’années. Le réalisme de ces physiciens oblige à considérer qu’il faut aussi proposer le mécanisme qui engendre (a engendré) l’objet nouveau de leur découverte tel que le cosmos. Certes avec cette fameuse thèse du Big-Bang on s’assure que notre existence n’est pas banale.

Ce que je pense, c’est que parmi tous les possibles, au sein d’une Eternité, progressivement notre capacité de décryptage de plus en plus affûtée nous permet de saisir des pans entiers de possible parmi tous les possibles. Le problème de l’engendrement et donc de son mécanisme ne se pose pas car cela est. Reprenons ce, cela est : M. Tegmark, avec tous les Platoniciens, affirmerait cela est : mathématiquement préinscrit, assis ; quant à moi j’affirme cela est : vrai, mais c’est une vérité partagée qui s’accorde avec ce qui nous constitue, ce qui fait de nous des sujets pensants, sans que cette vérité puisse être déclarée comme Universelle, à moins de cantonner l’universel à notre propre univers. Cela est vrai, mais ce n’est pas figé dans le marbre car le sujet pensant continue sa conquête de vérités de plus en plus élaborées, de plus en plus étendues.

M. Tegmark propose concrètement 2 concepts: «Le premier est celui du multivers, selon lequel la notion d'univers multiples constitue la seule façon scientifique de se représenter notre univers et sa place dans un environnement cosmologique plus large dont il ferait partie. Le second est celui de l'univers mathématique (voir conception Platonicienne). Tous les univers, dont le nôtre, exprimeraient des structures mathématiques fondamentales en dehors desquelles il n'y aurait pas de réalité profonde. »

« Tegmark s'efforce de démontrer que la réalité n'est pas seulement descriptible en termes mathématiques – ce que personne ne conteste, du moins en principe. Il affirme que la réalité est mathématique et n'est pas autre chose. Encore faut-il s'entendre sur ce que comprend ce terme de réalité. »

« Par ailleurs le tissu même de la réalité physique contient des douzaines de nombres pures à partir desquelles toutes les constantes observées peuvent en principe être calculées. Certaines entités physiques telles que l'espace vide, les particules élémentaires ou la fonction d'onde, semblent purement mathématiques, en ce sens que leurs propriétés intrinsèques sont des propriétés mathématiques. Il en déduit la possibilité de formuler ce qu'il nomme l'Hypothèse d'une Réalité Extérieure physique complètement indépendante des humains. En utilisant une définition assez large des mathématiques, cette première hypothèse en implique une autre, l'Hypothèse de l'Univers mathématique selon laquelle notre monde physique serait une structure mathématique. Ceci signifie que ce monde physique n'est pas seulement descriptible par les mathématiques mais qu'il est mathématique. Les humains seraient dans ce cas des composantes conscientes d'un gigantesque objet mathématique.»

 « Tegmark croit pouvoir postuler que les mathématiques de notre univers ne constituent qu'une structure mathématique parmi une infinité d'autres structures concevables, celles correspondant notamment (mais pas exclusivement) aux mathématiques inventées par les mathématiciens théoriciens dans un travail de découverte ou de construction qui ne cesse de s'étendre. Or si notre structure mathématique d'ensemble constitue un univers, le nôtre, pourquoi les autres structures ne correspondraient-elles pas à d'autres univers ? Tegmark peut alors faire l'hypothèse que toutes les structures mathématiques imaginables existent physiquement sous la forme d'univers parallèles, constituant le Multivers évoqué ci-dessus. »

Dans la continuité de physicien théoricien comme R. Penrose, par exemple, M. Tegmark nous propose une version plutôt fidèle de la métaphysique Platonicienne qui fut la référence exclusive du fondateur de la physique moderne, c’est-à-dire Galilée : « La philosophie est écrite dans cet immense livre qui est constamment ouvert sous nos yeux, je veux dire l’univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique et ses caractères sont des triangles, cercles et autres figures de géométrie, sans le moyen desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot. Sans eux, c’est une errance vaine dans un labyrinthe obscur. » On voit donc que la physique moderne se donne pour programme de reconstruire le monde avec les mathématiques pour seul matériau.

 « La science moderne correspond au remplissage d’un cadre prédéterminé, où chaque phénomène doit être rapporté à une construction mathématique. » ce qui a comme conséquence avec cette mathématisation de la nature de nous trouver confrontés à la pensée possible d’un monde se passant de la pensée, inaffectée par le fait d’être pensé ou non.

La vérité de l’univers serait indifférente à la réalité de l’homme.

Ce refus de la réalité de l’homme qui s’inclurait dans la vérité scientifique se révèle par exemple dans les distorsions de compréhension, toujours actuelles, de la mécanique quantique. A propos du statut de la fonction d’onde nous avons une belle illustration du refus d’inclure le patrimoine intellectuel de l’observateur générique (générique, avec le sens qui a été proposé par Kant) dont chacun de nous en est le représentant. Alors, à cause de ce refus, c’est au forceps que nous affirmons qu’avant l’observation, le chat est mort et vivant à la fois, le rayonnement électromagnétique est à la fois onde et corpuscule, que le spin de l’électron est à la fois up et down, etc… etc.

Si tout autrement, nous considérons que la fonction d'onde comprend l'ensemble des informations relatives à tous les 'apparaître' potentiels qui sont le fruit de notre patrimoine intellectuel déterminé en tant qu'observateur générique nous n’avons plus à imaginer que l’incompatible devrait coexister. Il est naturel de considérer que c’est la réalité concrète de l'instrument de mesure qui détermine quel apparaître sera effectif. Il y a donc réduction. Si on prend l'exemple de la lumière on ne peut pas oublier que l'interprétation corpusculaire a fait partie de l'histoire des tentatives d'explication possible des phénomènes de la lumière (exemple célèbre et caractéristique : Newton) tout comme l'explication ondulatoire. Voilà ce que j'appelle le patrimoine qui s'est constitué au cours de l'histoire de notre développement cérébral et intellectuel au cours de notre confrontation permanente[3]avec ce que nous offre la Nature immédiate à l'échelle de nos facultés de perception naturelles et à l'échelle classique. Cela n'est pas un problème de Ph. D. comme le dit avec sarcasme J. Bell. Il est aujourd'hui possible d'aller voir expérimentalement si cette explication est pertinente.

Nous ne sommes pas là, dans de la science-fiction car les avancées de plus en plus crédibles de l’imagerie cérébrale autorisent à prendre sérieusement en considération la formation et le développement d’un patrimoine culturel chez l’homme. Voir l’article : ‘Comment les concepts sont-ils codés dans le cerveau ?’ in ‘Pour la Science’ de février 2014.  

Le livre de M. Tegmark offre une démonstration supplémentaire de l’extraordinaire nécessité de croire, de la part du physicien, qu’il lit, qu’il comprend, d’une façon ou d’une autre, un monde qui lui est totalement extérieur. Il y a une extraordinaire résistance à penser que cela puisse être autrement.

A part les QBistes (voir article précédent du 11/01/2014) qui le conçoivent mais maladroitement, tous les physiciens qu’ils soient Platoniciens ou non sont convaincus que leur métier consiste à mettre en évidence des lois qui rendent compte des propriétés d’une Nature qui leur est extérieure. Ils sont des lecteurs, des découvreurs, à partir du même belvédère constitué de matériaux qui n’auraient rien en commun avec ceux qui constituent la Nature qu’ils prétendent découvrir. Ils ne peuvent pas concevoir que leurs facultés cérébrales intrinsèques actuelles soient déterminées par l’histoire de l’évolution du sujet pensant, qui est l’histoire perpétuelle de l’obligation d’une émancipation vis-à-vis de cette Nature. Comme j’ai été amené à le proposer à plusieurs occasions[4], la dynamique de la quête du sujet pensant est l’expression de cette oscillation perpétuelle entre l’être de la Nature et l’être dans la Nature.

Le postulat : la Nature du physicien est la Nature qui est hors de ce que nous sommes est de moins en moins crédible mais la croyance est toujours inébranlable. A mes yeux, elle est une croyance qui nous empêche de penser autrement, elle fait obstacle à intégrer la ‘Présence’[5]du sujet pensant en tant que composante inaliénable de la dynamique de notre univers. Cette croyance a peut-être pour but de préserver d’une même humiliation que celle qu’ont vécue les Réalistes lors de l’avènement de la Mécanique Quantique ? Déjà, N. Bohr avait demandé à ces réalistes d’accepter de renoncer aux croyances établies comme immuables pour pouvoir aller de l’avant vers de nouvelles connaissances. On peut affirmer que ce renoncement n’est absolument pas acquis, encore, aujourd’hui.

En intégrant la ‘Présence’, le Big-Bang ne serait pas le début d’un mécanisme de surgissement de notre univers, il serait le témoin, la marque, de l’état actuel de notre capacité de comprendre notre univers, tout autant, dans sa profondeur chronologique et corrélativement spatiale, que dans sa densité phénoménologique. Nous devons considérer que ce fameux Big-Bang a joué son rôle dans la mesure où il a servi à ce que notre pensée ait pu se poser sur une origine pour à partir de là penser à un essor de notre univers. Mais maintenant qu’il véhicule autant d’apories, c’est le signe que nous devons considérer qu’il est un artefact qui n’est donc plus utile. Comme il m’est arrivé souvent de le dire toutes les cosmogonies, dans l’histoire de l’humanité, se sont appuyées sur une origine. Soyons donc humble et considérons que nous sommes partie prenante de cette histoire et nous ne devons pas croire que nous avons atteint le Graal de l’Origine. Sinon, adieu : la spiritualité, la métaphysique, la philosophie, la science, et donc le destin de la pensée de l’Homme, sera sa pétrification.

Je propose de mettre en exergue une proposition déjà citée ci-dessus de M. Tegmark : « Or si notre structure mathématique d'ensemble constitue un univers, le nôtre, pourquoi les autres structures ne correspondraient-elles pas à d'autres univers ? Tegmark peut alors faire l'hypothèse que toutes les structures mathématiques imaginables existent physiquement sous la forme d'univers parallèles, constituant le Multivers évoqué ci-dessus. » De son point de vue de Platonicien, Tegmark conçoit d’autres univers possibles, sans limites. Pour lui, ils sont parallèles, pour moi le sujet pensant les intègrera, ils seront le fruit de nouvelles conquêtes de nos capacités intellectuelles toujours en devenir. Bref, ils ne sont pas définitivement parallèles, nous les rencontrerons, ils feront partie du processus de l’extension de notre univers. Il faut ouvrir la perspective d’un cosmos plus étendu. Et comme le suggère à nouveau Tegmark : « L’inflation éternelle (sic) créerait des espaces ou univers s’éloignant du nôtre à des vitesses supérieures à celles de la lumière (sic). » Cela ne me surprend pas que nous commencions à concevoir : que la vitesse de la lumière ne soit pas une limite de vitesse absolue. M. Tegmark prend la précaution de dire : « Ils seraient donc radicalement inobservables, mais n’en seraient  pas moins aussi réels que le nôtre. Leurs lois fondamentales pourraient être différentes des nôtres. » Même ceux-là, je considère que nous les intègreront. Ils finiront par faire partie du champ concret de notre conception intellectuelle. Cela veut dire que nous dépasserons à terme cette horizon de vitesse de la lumière : constante universelle, parce que nous aurons compris pourquoi, cet horizon considéré comme indépassable s’impose actuellement ainsi, en quoi il correspond à notre détermination humaine actuelle. Ce sera une étape décisive que de nous émanciper de cette contrainte, peut-être que le chemin de cette émancipation sera de dépasser tout simplement la notion de vitesse, comme moyen de rendre compte de certaines propriétés significatives de la nature. D’autres vérités de l’univers pourront être révélées au moyen de nouvelles grandeurs. Raisonnablement, il est permis de penser que nous ne sommes pas loin de franchir ce cap.

 

 



[1]Ce livre est actuellement disponible uniquement en anglais.

[2] Voir l’article publié le 2/11/2012 : Un Monde en ‘Présence’

[3]Développement qui se serait peut-être significativement engagé, il y a 1.75 million d’années avec Homo ergaster. Voir mon article du 10/10/2013

[4] Voir article du 02/11/2012 :  ‘un Monde en ’Présence’ et celui du 01/01/2013 ‘un Monde en ‘Présence’ II’

[5] Article précédent du 11/01/2014.

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  • : Ce blog propose une réflexion sur les concepts fondamentaux de physique théorique. Le référentiel centrale est anthropocentrique. Il attribue une sacrée responsabilité au sujet pensant dans sa relation avec la nature et ses propriétés physiques. L'homme ne peut être nu de toute contribution lorsqu'il tente de décrypter les propriétés 'objectives' de la nature.
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