Prémices d’un nouveau paradigme à propos du fonctionnement de notre cerveau.
J’ai découvert sur le site de phys.org, le 19/01/2024, un article intitulé : « La physique quantique pourrait-elle être la clé qui perce les secrets du comportement humain ? ». Je le joins ci-dessous presque en intégralité car je suis le développement de ce sujet depuis plusieurs années et à plusieurs occasions je l’ai traité d’une façon impressionniste, sur la pointe des pieds, comme on dit. Toutefois j’en ai réalisé une synthèse en juin 2022 que j’ai publié dans 3 articles successifs en juillet de la même année dans un ensemble intitulé : « Dialogue imaginaire avec Carlo Rovelli’ ». Présentement, je cite des extraits qui ont directement à voir avec ce que j’ai suggéré à C. Rovelli à propos de l’hypothèse d’une explication quantique au regard de ce que l’on observe et pourrait comprendre du fonctionnement de notre cerveau. Avant tout, ci-dessous une grande partie du contenu de l’article du 19/01/2024 :
« La physique quantique pourrait-elle être la clé qui perce les secrets du comportement humain ? par Dorje C. Brody, The Conversation
Le comportement humain est une énigme qui fascine de nombreux scientifiques. Et il y a eu beaucoup de discussions sur le rôle de la probabilité dans l’explication du fonctionnement de notre esprit.
La probabilité est un cadre mathématique conçu pour nous indiquer la probabilité qu’un événement se produise et fonctionne bien pour de nombreuses situations quotidiennes. Par exemple, il décrit le résultat d’un tirage au sort comme 1/2 – ou 50 % – parce que lancer pile ou face est tout aussi probable.
Pourtant, la recherche a montré que le comportement humain ne peut pas être entièrement capturé par ces lois de probabilité traditionnelles ou « classiques ». Pourrait-elle plutôt s’expliquer par la façon dont les probabilités fonctionnent dans le monde plus mystérieux de la mécanique quantique ?
Les probabilités mathématiques sont également une composante essentielle de la mécanique quantique, la branche de la physique qui décrit comment la nature se comporte à l’échelle des atomes ou des particules subatomiques. Cependant, comme nous le verrons, dans le monde quantique, les probabilités suivent des règles très différentes.
Les découvertes faites au cours des deux dernières décennies ont mis en lumière le rôle crucial de la « quantique » dans la cognition humaine, c’est-à-dire la façon dont le cerveau humain traite l’information pour acquérir des connaissances ou de la compréhension. Ces résultats ont également des implications potentielles pour le développement de l’intelligence artificielle (IA).
« L’irrationalité » humaine
Le lauréat du prix Nobel Daniel Kahnemann et d’autres spécialistes des sciences cognitives ont mené des travaux sur ce qu’ils décrivent comme « l’irrationalité » du comportement humain. Lorsque les modèles comportementaux ne suivent pas strictement les règles de la théorie classique des probabilités d’un point de vue mathématique, ils sont considérés comme « irrationnels. Par exemple, une étude a révélé qu’une majorité d’étudiants qui ont réussi un examen de fin de trimestre préfèrent partir en vacances par la suite. De même, une majorité de ceux qui ont échoué veulent aussi partir en vacances.
Si un étudiant ne connaît pas son résultat, la probabilité classique prédirait qu’il optera pour le congé parce que c’est l’option préférée qu’il ait réussi ou échoué. Pourtant, dans l’expérience, une majorité d’étudiants ont préféré ne pas partir en vacances s’ils ne savaient pas comment ils s’en étaient sortis.
Intuitivement, il n’est pas difficile de comprendre que les étudiants ne veuillent peut-être pas partir en vacances s’ils s’inquiètent tout le temps de leurs résultats d’examen. Mais la probabilité classique ne rend pas compte avec précision du comportement, il est donc décrit comme irrationnel. De nombreuses violations similaires des règles de probabilité classiques ont été observées dans les sciences cognitives.
Cerveau quantique ?
Dans la probabilité classique, lorsqu’une séquence de questions est posée, les réponses ne dépendent pas de l’ordre dans lequel les questions sont posées. En revanche, en physique quantique, les réponses à une série de questions peuvent dépendre de manière cruciale de l’ordre dans lequel elles sont posées.
Un exemple est la mesure du spin d’un électron dans deux directions différentes. Si vous mesurez d’abord la rotation dans le sens horizontal, puis dans le sens vertical, vous obtiendrez un résultat.
Les résultats seront généralement différents lorsque l’ordre est inversé, en raison d’une caractéristique bien connue de la mécanique quantique. Le simple fait de mesurer une propriété d’un système quantique peut affecter la chose mesurée (dans ce cas, le spin d’un électron) et, par conséquent, le résultat de toute expérience ultérieure.
La dépendance à l’ordre peut également être observée dans le comportement humain. Par exemple, dans une étude publiée il y a 20 ans sur les effets de l’ordre des questions sur les réponses des répondants, on a demandé aux sujets s’ils pensaient que l’ancien président américain, Bill Clinton, était honnête. On leur a ensuite demandé si son vice-président, Al Gore, semblait honnête.
Lorsque les questions ont été posées dans cet ordre, respectivement 50 % et 60 % des répondants ont répondu qu’ils étaient honnêtes. Mais lorsque les chercheurs ont interrogé les personnes interrogées sur Gore d’abord, puis sur Clinton, respectivement 68% et 60% ont répondu qu’elles étaient honnêtes.
Au quotidien, il peut sembler que le comportement humain n’est pas cohérent parce qu’il viole souvent les règles de la théorie classique des probabilités. Cependant, ce comportement semble correspondre à la façon dont les probabilités fonctionnent en mécanique quantique.
Des observations de ce type ont conduit le chercheur en sciences cognitives Jérôme Busemeyer et beaucoup d’autres à reconnaître que la mécanique quantique peut, dans l’ensemble, expliquer le comportement humain de manière plus cohérente.
Sur la base de cette hypothèse étonnante, un nouveau domaine de recherche appelé « cognition quantique » a vu le jour dans le domaine des sciences cognitives.
Comment est-il possible que les processus de pensée soient dictés par des règles quantiques ? Notre cerveau fonctionne-t-il comme un ordinateur quantique ? Personne ne connaît encore les réponses, mais les données empiriques semblent fortement suggérer que nos pensées suivent des règles quantiques.
Comportement dynamique
Parallèlement à ces développements passionnants, au cours des deux dernières décennies, mes collaborateurs et moi-même avons développé un cadre pour modéliser – ou simuler – la dynamique du comportement cognitif des gens lorsqu’ils digèrent des informations « bruitées » (c’est-à-dire imparfaites) du monde extérieur.
Nous avons de nouveau constaté que les techniques mathématiques développées pour modéliser le monde quantique pouvaient être appliquées à la modélisation de la façon dont le cerveau humain traite les données bruitées.
Ces principes peuvent être appliqués à d’autres comportements en biologie, au-delà du cerveau. Les plantes vertes, par exemple, ont la capacité remarquable d’extraire et d’analyser des informations chimiques et autres de leur environnement et de s’adapter aux changements.
Mon estimation approximative, basée sur une expérience récente sur des plants de haricots communs, suggère qu’ils peuvent traiter ces informations externes plus efficacement que le meilleur ordinateur que nous ayons aujourd’hui.
Dans ce contexte, l’efficacité signifie que l’usine est toujours en mesure de réduire autant que possible l’incertitude concernant son environnement extérieur dans les circonstances. Il pourrait s’agir, par exemple, de détecter facilement la direction d’où vient la lumière, afin que la plante puisse pousser vers elle. Le traitement efficace de l’information par un organisme est également lié à l’économie d’énergie, ce qui est important pour sa survie.
Des règles similaires peuvent s’appliquer au cerveau humain, en particulier à la façon dont notre état d’esprit change lors de la détection de signaux extérieurs. Tout cela est important pour la trajectoire actuelle du développement technologique. Si notre comportement est mieux décrit par la façon dont les probabilités fonctionnent en mécanique quantique, alors pour reproduire avec précision le comportement humain dans les machines, les systèmes d’IA devraient probablement suivre des règles quantiques, et non des règles classiques.
J’ai appelé cette idée l’intelligence quantique artificielle (IQA). De nombreuses recherches sont nécessaires pour développer des applications pratiques à partir d’une telle idée.
Mais un IQA pourrait nous aider à atteindre l’objectif de systèmes d’IA qui se comportent davantage comme une personne réelle.
Fourni par The Conversation
Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original. »
Cet article, qui s’ajoute à bien d’autres publiés ces derniers temps, amplifie la légitimité de considérer que nous sommes en train d’ouvrir une nouvelle porte qui permet d’entrevoir un nouveau champ de connaissances à propos du fonctionnement de notre cerveau. Ce qui est certain, c’est que ce sera la coopération entre plusieurs domaines scientifiques qui permettra la conquête de ces connaissances. Il est évident que les neurosciences auront aussi une contribution très significative.
Ma contribution a émergé, ces vingt dernières années, à force d’être interpelé par les énigmes qui perdurent depuis plus d’un siècle suite à l’avènement de la mécanique quantique. J’en ai fait la synthèse à l’occasion d’un dialogue imaginaire avec Carlo Rovelli comme je l’explique en introduction dans l’article du 15/07/2022 sur Overblog avec le titre de chapitre : ‘l’Être humain est une réalité de/dans l’Univers.’ présenté en trois sections, la 2e le 22/07/2022, la 3e le 29/07/2022.
Ci-dessous, je propose des extraits prélevés dans ces 3 sections où est explicitée la problématique de l’hypothèse du règne de la mécanique quantique sur le fonctionnement de notre cerveau :
« [Carlo], j’apprécie beaucoup que tu poses le problème de la résolution de la place de l’être réflexif, au sein de la nature, pour assurer une progression de nos connaissances actuelles en physique. C’est la première fois que je rencontre de la part d’un physicien une conscience aussi aiguë de ce problème. Et c’est aussi évident, à mes yeux, que la question se pose lorsque l’on souhaite élucider pleinement les phénomènes propres de la mécanique quantique qui continuent de nous interpeler depuis plus d’un siècle. Notre fonctionnement cérébral ne doit pas être très éloigné d’un fonctionnement régit par des propriétés quantiques. Cette assertion osée, quoique[1], que je formule pourrait laisser penser qu’à terme on sera en mesure de penser quantique. Ce qu’il ne faut pas exclure ! Etant donné les avancées en neurosciences, il se pourrait, à force de se frotter aux problèmes naturels qui sont traités grâce à la mécanique quantique, que des réseaux neuronaux, par apprentissage, s’établissent d’une façon de plus en plus stable et rodés dans notre cerveau et nous entraînent à penser naturellement quantique. »
« [Carlo, je te propose] de considérer que la conception de la physique classique offre le confort d’une pensée d’une description physique du monde hors de soi, mais avec l’avènement de la mécanique quantique nous devons considérer que nous avons non seulement atteint la fin du confort de cette pensée mais que celui-ci est irréversiblement aboli. Car la mécanique quantique rend compte aussi de l’organisation et du fonctionnement du monde intérieur constitutif de l’être humain. Au plus bas niveau, pensons à la chimie quantique, à un niveau constitutif plus élevé, considérons la biologie quantique, au stade le plus élevé de ce qui fait de nous des êtres humains se développe exponentiellement le domaine des neurosciences. Par exemple dans ce domaine, des propriétés et des méthodes spécifiquement quantiques permettent de modéliser des aspects de la dynamique du fonctionnement du cerveau comme indiqué ci-dessus. Grâce à la physique quantique nous disposons d’outils, de concepts, de méthodes, appropriés pour accéder à la compréhension et à la description du réel de l’humain. Avec la mécanique quantique, dès sa fondation, une place est attribuée à l’observateur, celui-ci n’est plus extérieur à la théorie qui décrit le monde. La frontière jusque-là, apparemment, infranchissable entre la nature et celui qui la regarde et la pense n’a plus de raison d’être.
Nous disposerions donc d’un unique corpus théorique qui nous permet de progresser dans la compréhension du réel de l’humain ainsi que du non-humain-du réel. Le préalable philosophique du réalisme pur tel qu’il a été défini par Einstein et adopté par une très grande majorité de physiciens ne peut plus servir de référence. La frontière supposée, sous-entendue, qui fit que le principe du réalisme scientifique Einsteinien s’imposa, est gommée. Ainsi on peut comprendre le travail de résistance acharné qu’il développa, sans succès, pour relégitimer le cadre préalable d’une philosophie réaliste pure.
Weinberg n’a pas non plus pressenti qu’avec l’avènement de la mécanique quantique la dichotomie entre monde extérieur et monde intérieur de l’être humain n’avait plus lieu d’être. Il n’a pas non plus intégré l’idée que la mécanique quantique est une boite à outils théorique supportant de décrypter à la fois les lois de la matière inerte, les lois de la matière active organisée, le vivant, lorsqu’il formule le grief suivant : « Or, une théorie ne devrait pas se référer aux êtres humains dans ses postulats (sic). Il serait souhaitable de pouvoir comprendre des choses macroscopiques, comme les appareils expérimentaux et les êtres humains, selon les termes de la théorie sous-jacente. Il n’est pas souhaitable de les voir intégrés au niveau des axiomes de la théorie. » Il a expliqué que toutes les recherches qu’il avait menées pour tenter de dépasser ce qui lui paraissait fondamentalement anormal restèrent infructueuses. En conséquence, il reconnaissait que les fondements de la mécanique quantique définis par l’école de Copenhague étaient toujours incontournables et... extraordinairement fertiles. »
[Carlo], actuellement, il n’y a aucun indice scientifique qui autorise à affirmer cette conception réductionniste de la physique quantique que tu énonces dans ces quelques phrases suivantes : « Le photon observé par Anton Zeilinger[2] dans son laboratoire est une de ces entités. Mais A. Zeilinger en est une autre. Zeilinger est une entité comme une autre, au même titre que le photon, un chat ou une étoile. » ; « L’essence de ce qui se passe entre un photon et Zeilinger qui l’observe est la même que celle de ce qui se passe entre deux objets quelconques lorsqu’ils se manifestent l’un à l’autre en agissant sur l’autre. » ; « Mais la mécanique quantique ne décrit pas uniquement comment le monde agit sur ces systèmes : elle décrit le grammaire élémentaire et universelle (sic) de la réalité physique, sous-jacente non seulement aux observations en laboratoire, mais à n’importe qu’elle interaction. »
Atteindre la grammaire élémentaire et universelle de la réalité, est un souhait motivant mais ce n’est là qu’un horizon. Une fois de plus, à cause du tropisme du réalisme en physique, sous ta plume, au forceps, tu déclares que cet objectif est atteint. A mon sens, ce genre de déclarations ne peut produire que des effets parasites à la quête de nouvelles connaissances qui doivent être toujours prospectées sous l’angle d’une ouverture et d’une liberté le plus ample possible.
« Roger Penrose, en tant que physicien fut une sorte de pionnier pour tenter de découvrir le/les liens entre le savoir des lois physiques et le savoir, du pourquoi, du comment, il pourrai(en)t émerger de notre système cérébral, lorsque dans les années 1980 avec l’anesthésiologiste Stuart Hameroff, il avait essayé de découvrir une relation, entre la structure naturelle et le fonctionnement naturel de notre cerveau, qui rende compte de notre compréhension ainsi que de l’expression de certains énoncés des lois physiques. Concrètement, dans sa recherche il avait tenté d’attribuer à la gravité le processus de la réduction de la fonction d’onde[3]. Sa pré-vision était que les problèmes de la mécanique quantique et ceux que pose la compréhension de la conscience sont liés de multiples façons. Il fut de plus amené à admettre que les concepts de la mécanique quantique puissent intervenir dans la compréhension des phénomènes mentaux chez l’homme.
Certes, depuis le temps, les travaux de R. Penrose n’ont pas à ce jour ouvert de voies fructueuses qui laisseraient envisager des résultats prometteurs, par contre depuis quelques décennies les neuroscientifiques progressent à grand pas en ce qui concerne la compréhension du fonctionnement du cerveau ainsi que de ses dysfonctionnements. Une étroite coopération devrait s’engager entre les physiciens et les neuroscientifiques car nous devrions explicitement prendre en compte le fait que la physique est la science de l’interface entre l’être humain et la nature.
Cette coopération entre physiciens et neuroscientifiques est objectivement pressenti par les auteurs d’un article du 11 Mai 2022 rapporté par Ingrid Fadelli : « Exploitation des méthodes du groupe de renormalisation pour étudier comment le cerveau traite l’information ». Emportés par l’élan de leur annonce les auteurs de cet article proposent la perspective suivante : « À l’avenir, la théorie introduite pourrait être utilisée pour examiner diverses autres dynamiques cérébrales et processus neuronaux, allant au-delà de la criticité. En outre, cela pourrait finalement ouvrir la voie à l’introduction d’autres constructions théoriques (sic) fusionnant la physique et les neurosciences. » »
« D’autres constructions théoriques fusionnant la physique et les neurosciences : voilà un projet ambitieux qui devrait nous mobiliser. Peut-être que ce projet est déjà en chantier par des chercheurs pionniers dans quelques laboratoires. J’ai vraiment la conviction que c’est une voie à suivre. Le décloisonnement des connaissances scientifiques, auquel j’aspire depuis longtemps, demande de vaincre des inerties très significatives. Il me semble que pour prendre le problème à bras le corps, il faut réunir un comité scientifique ad-hoc, avec les moyens appropriés, ayant la vocation de catalyser au niveau international des lignes directrices, proposées dans un manifeste, qui engendreront des axes de recherches et d’enseignements pluridisciplinaires. Voilà, Carlo, ce que je souhaite avec conviction.
Enfin je cite ce que nous dit Christof Koch[4] : « Il ne fait guère de doute que notre intelligence et nos expériences résultent des capacités naturelles de notre cerveau à établir des enchaînements de causes et d’effets. Cette disposition a extrêmement bien servi la science au cours des derniers siècles. Le cerveau humain, cet organe d’à peine un kilo et demi à la texture comparable au tofu, est de loin le morceau de matière active organisée le plus complexe connu de l’univers. Mais il obéit aux mêmes lois de la physique que les objets de la nature connus actuellement. Rien n’échappe à ces lois. Nous ne comprenons pas encore tout à fait les mécanismes causaux en jeu, mais nous les expérimentons tous les jours. » La première phrase citée de Ch. Koch, doit mettre en éveil notre vigilance car nous ne disposons toujours pas des connaissances assurées pour affirmer ce qui est prétendu par l’auteur : que notre intelligence si diverse résulterait directement des capacités naturelles de notre cerveau… Certes, notre cerveau est un substrat essentiel duquel émerge nos capacités intellectuelles. D’un côté il y a de la matière active organisée, de l’autre de l’immatériel ! Ce sont des phénomènes extraordinaires qui sont en jeux, et nous sommes totalement impliqués dans ce cercle magnifique. Restons lucide, notre compréhension de ce processus du passage d’une activité matérielle propre à notre cerveau à l’émergence d’un flux immatériel continu de cogitations et de pensées, humaines et humanisantes, ne nous sera peut-être à jamais vraiment accessible. Peut-être qu’à ce niveau nous esquissons l’horizon limite de notre capacité d’introspection. »
« Grâce aux avancées actuelles et à venir, que permettent les travaux des chercheurs en neurosciences, les physiciens bénéficieront d’une compréhension plus élaborée concernant notre relation cognitive avec la nature telle qu’elle est engendrée, ils bénéficieront aussi d’une compréhension des motivations et des dynamiques misent en œuvre. A mon sens, Carlo, la conception structuraliste globale relationniste entre l’être humain et la nature, que tu proposes, ne peut pas intégrer, pas plus ne peut bénéficier des avancées des connaissances qui sont et seront développées à propos de nos capacités cognitives. »
J’espère que ce vaste panorama, comprenant à la fois les perspectives que nous offrent la mécanique quantique vis-à-vis du fonctionnement de notre cerveau, comprenant aussi les tentatives qui n’ont pas abouti mais permettent une réorientation vers des territoires de recherche plein de promesses, vous offre un bilan qui vous est utile. Pour ma part, ce travail de recension m’a permis de placer en exergue le fait qu’avec la mécanique quantique, dès sa fondation, une place est attribuée à l’observateur, celui-ci n’est plus extérieur à la théorie qui décrit le monde. La frontière jusque-là, apparemment, infranchissable entre la nature et celui qui la regarde et la pense n’a plus de raison d’être. Ainsi nous disposerions donc d’un unique corpus théorique qui nous permet de progresser dans la compréhension du réel de l’humain ainsi que du non-humain-du réel. La frontière abolie, dès qu’elle sera objectivée, favorisera l’émergence d’un nouveau paradigme qui nous permettra d’élucider les énigmes quantiques que nous véhiculons depuis plusieurs générations de physiciens. Je pense notamment à l’énigme de l’intrication ainsi qu’à ses interprétations diverses.
[1] Citons le point de vue de R. Penrose : « Il admet également que les concepts de la mécanique quantique puissent intervenir dans la compréhension des phénomènes mentaux chez l’homme. » p.14 chez Flammarion collection Champs : 1999.
[2] Anton Zeilinger, Prix Nobel de physique en 2022, fondateur de l’Institut d’Optique et d’Information Quantique à Vienne.
[3] Dans une publication en 2020 et une plus récente de juin 2022, une équipe de recherche dirigée par Catalina Curceanu il a été clairement indiqué que les effets déductibles de cette hypothèse ne sont pas observés. Une 3e étape expérimentale est programmée
[4] Directeur scientifique et président de l’institut Allen pour les sciences du cerveau, à Seattle. In ‘Pour la Science’ Hors-série N° 115