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10 janvier 2017 2 10 /01 /janvier /2017 15:44

Ce que Carlo Rovelli a répondu.

Je me réfère à l’article du 10/12/2016 et plus spécifiquement au paragraphe qui commence par : « Ce que je voudrais dire à CR (Carlo Rovelli)… », puisque CR a répondu à mon interpellation, promptement, après que je lui ai envoyé un tiré à part avec ce commentaire préalable : « En premier lieu, je remercie Carlo qui formule avec clarté et force de sa conviction ses idées originales car cela oblige, quand on ne partage pas son point de vue, d’essayer de répondre avec une clarté et une force les plus équivalentes. »

Mon interpellation était suscitée par ce qu’il affirmait dans une interview de l’actuel N° hors-série de décembre-janvier de la revue ‘La Recherche’ : « Même si l’on ignore exactement comment cela se passe, je suis persuadé que le temps émerge parce qu’on n’a accès qu’à une vision partielle du monde qui nous entoure. » ; « Imaginons un système – nous-mêmes – qui interagit avec le reste du monde. Le temps émerge (distinction entre le futur et le passé) au moment où il y a interaction entre les systèmes. » ; « En fin de compte, je suis dans le camp de ceux non pas qui pense que le temps n’existe pas, mais qu’il n’est pas utile d’avoir du temps dans les équations fondamentales. »

Ci-joint, ce qu’il m’a fait parvenir en retour à cette interpellation :

Cher Philip,

« Je vous remercie de l’appréciation que vous aviez manifesté quant à mes paroles, et je voudrais vous répondre avec le plus de précision possible,, étant donné que nous sommes, dans les domaines dont vous parlez, à la limite de la physique et de la philosophie.
Quand vous dites « je n’utilise pas la notion de conscience, car c’est une notion trop subjective », je voudrais vous dire, que si l’on veut suivre un grand maître en la matière, Sir Roger Penrose, la conscience dans (sic) l’univers est la notion la plus objective qui soit.
C’est à partir d’elle que, selon nous, devrons être construits, aussi bien les concepts d’intelligence dans le monde, que la notion de temps.
En ce qui concerne le temps, nous avons probablement, encore là, un point de désaccord amical car je crois que la notion de temps a déjà reçu un sérieux choc, avec le concept de cohérence quantique entre deux particules éloignées, ce à quoi s’ajoute la relativité générale où Einstein avait démontré combien les notions de temps étaient justement très « relatifs ».
Voilà donc pourquoi, j’ai cru pouvoir dire, qu’il ne serait pas utile d’avoir le temps dans les équations fondamentales. »

Carlo Rovelli

Ces deux grands totems de la physique auxquels me renvoie Carlo, qui bien évidemment inspirent le respect, sont, entre autres, ceux qui ont contribué à me forger des convictions en physique mais pas obligatoirement dans leur sillage. Ce qui est certain, c’est qu’ils n’ont jamais considéré qu’ils constituaient des bornes à la pensée. En ce qui concerne R. Penrose mon désaccord est quasiment global et celui-ci se cristallise par le fait que Penrose est un fervent représentant d’une conception platonicienne du monde alors que je ne suis pas du tout touché par une quelconque lueur de la métaphysique platonicienne. Mais ici je me concentrerai sur l’analyse de cette certitude citée : « la conscience dans l’univers est la notion la plus objective qui soit » En ce qui concerne le thème du temps, je me suis assez souvent exprimé sur ce sujet et Carlo ne peut que connaître l’analyse critique qui a été mené par L. Smolin dans son livre : ‘La renaissance du temps’, notamment à propos de ce qu’il a identifié comme « l’image de l’univers bloc ». Ici encore, plus particulièrement, j’aurai une réponse-explication alternative à proposer au ‘mystérieux’ : « concept de cohérence quantique entre deux particules éloignées, ». Celle-ci est peut-être voisine à ce qui est sous-tendue dans la conjecture formulée en 2013 par Leonard Susskind et Juan Maldacena : « E.R. = E.P.R. »

Je souhaite mettre en évidence immédiatement ce qu’implique l’expression : « la conscience dans l’univers ». En effet, la préposition ‘dans’ met en évidence une ubiquité de ladite conscience, celle-ci n’ayant pas pour siège unique l’être humain. A travers cette expression on est obligé de comprendre que la doctrine platonicienne de l’immanence chère à R. Penrose est à l’œuvre. Immanence qui fut clairement explicitée par Galilée et Newton et raillée par Leibniz, etc...

Encore, à propos de la conscience dans l’univers qui est la notion la plus objective qui soit, comme nous le dit CR, voyons d’où cette affirmation, sans nuance, provient. Cela résulte des travaux en commun de Penrose et Hameroff (anesthésiste, biologiste) qui prétendent que la conscience est le résultat d’effets de la gravité quantique sur les microtubules dans les neurones du cerveau. En conséquence le processus quantique agissant : assure corrélation et régulation entre les synapses neuronaux et l’activité des membranes et il en résulte l’éveil de la conscience. En plus des principes quantiques intervenant dans le fonctionnement du cerveau, il faut ajouter une dépendance à la géométrie de l’espace-temps ce qui conduit les auteurs du résumé de leur article : ‘Conscience dans l’univers’, en 2014, d’écrire, dans ‘Physics of Life Reviews’ : « Il y a une connexion entre les processus biomoléculaires du cerveau et la structure basique de l’univers. »

En parcourant les publications et les débats sur ce sujet, on constate que cette thèse proposée depuis deux décennies est particulièrement controversée et CR devrait rigoureusement utiliser le conditionnel lorsqu’il fait référence à celle-ci. Citons, Philip Tetlow (professeur de la science du Web à l’université de Southampton), « bien que je sois un supporter des vues de Penrose, je reconnais que les idées de Penrose concernant le processus de la pensée humaine sont à présent minoritaires, (une poignée) dans les cercles scientifiques. »

A mon sens, il n’est pas possible d’exclure que l’être humain que nous sommes dans notre temps présent soit le fruit d’interactions multiples dans le temps avec ce que l’on reconnait comme étant de l’ordre de la Nature. Les paléoanthropologues apportent de plus en plus, et, de mieux en mieux, des preuves que nous sommes le fruit d’une évolution qui s’est engagé depuis une profondeur du temps, difficile voire impossible à fixer, (voir dernier livre de P. Picq : ‘Premiers Hommes’ ainsi que le N° H.S. de ‘Pour la Science’, Janvier-Mars 2017, ‘Evolution, la saga de l’humain’). Justement la saga de l’humain est profondément déterminée par une lutte permanente contre les déterminations de la Nature. Ce qui caractérise l’être humain et son évolution…et donc sa survie, c’est sa faculté de progressivement s’émanciper des déterminations de la Nature depuis des millions d’années. Le processus d’émancipation consiste à transformer ces déterminations en autant de sujets de connaissances et in fine les attribuer à l’action de la Nature (Pensons à l’avancée intellectuelle, et donc à la libération provoquée, que constitue la découverte de la loi de gravitation qui, par exemple, permet de différencier la matière constitutive du corps et son poids). Plus cette émancipation progresse, plus l’être humain affirme le développement de sa spécificité à l’égard de tous les êtres vivants. Conjecturons que celle-ci n’est pas aboutie et augurons que cela jamais ne se produira (voir article de P. Picq : ‘Le roman des intelligences’, dans ‘Dossier pour la Science’ de Juillet-Septembre 2016). Je suis convaincu que notre dynamique intellectuelle à l’égard de la découverte des propriétés et des lois de la nature ne cesse de se renouveler grâce à cette volonté vitale d’émancipation qui nous habite. L’engouement actuel vis-à-vis de la compréhension de ce qui est identifié présentement comme représentant ‘Notre Univers’, au-delà du cercle des scientifiques dont c’est le métier, en est une belle illustration.

Il y a plusieurs raisons pour rejeter la thèse de Penrose, endossée par quelques disciples, mais ici, je n’en citerai qu’une seule pour proposer sa réfutation et elle est nourrie par ce que les paléoanthropologues, biologistes de l’évolution, généticiens, découvrent et nous communiquent actuellement. Penrose nous propose de facto une conception statique dans le temps de ce qui fait que l’être humain est ce qu’il est. Selon sa conception, l’être humain aurait eu des aptitudes intellectuelles toujours semblables depuis qu’il est sur terre, c’est évidemment à contrecourant de ce qui est dévoilé maintenant. Enfin, je suis toujours surpris quand les physiciens théoriciens cogitent à partir de l’idée que la connaissance scientifique que nous maitrisons soit celle qui correspond à un aboutissement, qu’elle est définitive et n’a rien de provisoire. Enfin que savons-nous effectivement de la gravité quantique ?

Atteindre autant que faire se peut la compréhension du fonctionnement de notre cerveau est une tâche récemment entreprise et qui est et sera passionnante. En quelques décennies des progrès ont déjà été constatés. La compréhension du phénomène de la conscience du sujet réflexif est une voie d’analyse et d’accès significative au fonctionnement cérébral. Ce qui est approprié aujourd’hui, c’est d’évoquer des états de conscience et non pas la conscience comme étant une donnée permanente. A ce titre je conseille de lire un article de Lionel Naccache dans le N° HS de Sciences et Avenir de Janvier/Février 2017 : ‘Le mystère des origines’, où l’auteur, p.70, nous dit qu’il a identifié la signature cérébrale de la prise de conscience, celle-ci ne relève pas d’une aire en particulier. Elle naît d’un échange entre de nombreux réseaux. Quand on demande à ce neurologue et chercheur au Centre de recherches de l’institut du cerveau et de la moelle épinière : « Il n’y a donc pas une aire de la conscience ? », il confirme : « Non ! Si l’éveil correspond bien à une région – précisément la zone réticulée du tronc cérébral – et si l’état de coma, lui, s’explique par une souffrance de ce même territoire, il en va autrement pour la conscience. La différence entre conscience et inconscience ne réside pas dans l’activation d’une aire ou d’une autre, mais dans un mode de fonctionnement, de communication, entre les régions. » Autre question : « Peut-on être plus ou moins conscient ? » La réponse est : « Nous sommes nombreux à penser qu’il n’y a pas de continuum (sic) entre l’absence totale de conscience et le premier signe de conscience. On peut être plus ou moins éveillé, mais on est conscient ou on ne l’est pas ! »

Je reviens maintenant sur ma promesse de réponse-explication à propos du « concept de cohérence quantique entre deux particules éloignées », ce que l’on appelle généralement la propriété d’intrication entre deux particules, qui peuvent être des atomes ou des molécules, jusqu’à des cristaux. Je me suis déjà amplement expliqué sur le sujet, je rappelle que mon hypothèse de TpS de l’ordre de 10-25s, rend compte du fait de l’existence d’un intervalle de temps aveugle de l’intelligence du ‘sujet pensant’. En conséquence, il ne peut être observateur d’événement, de phénomène, se produisant pendant une durée < TpS. Il ne peut donc pas fonder du temps sur une durée si courte, ce qui est le cas quand est concrètement réalisé une intrication.

Mon hypothèse peut être ou pourra être, dans un futur proche, expérimentalement vérifiée ou réfutée. TpS est invariant quel que soit le référentiel en mouvement dans lequel se trouve l’observateur, ce qui n’est pas le cas pour la réalisation de l’opération de l’intrication car celle-ci résulte d’un mécanisme et je suppose que celui-ci n’est pas parfaitement instantanée. Dans ce cas, l’intrication qui est réalisée entre deux objets quantiques dans un référentiel o et qui apparaît comme telle peut très bien n’être plus constatée dans un autre référentiel o’ en mouvement. Si le γ de Lorentz est suffisamment grand alors le ∆t’i = γ∆ti>TpS. Et l’intrication ne sera plus.

 

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