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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 14:33

                                               Thomas Bayes dans le cerveau ?

 

De Stanislas Dehaene[1] : « Nous avons un petit Thomas Bayes[2] dans le cerveau ! ». Toujours de S. Dehaene « Je parle de révolution, car il n’est pas courant de voir apparaître aussi soudainement un cadre théorique qui s’infiltre dans tous les plans d’une science. Nous étions nombreux à penser qu’il ne pouvait y avoir de théorie générale de la cognition, le cerveau étant le résultat du bricolage de l’évolution… mais cette idée est en train d’être battue en brèche par la statistique bayésienne tant ses application sont extraordinaires[3] ».

Dans la formule de Bayes : P(A/B) = P(B/A)∙P(A)/P(B) Le terme P(A) est la probabilité a priori de A. Elle est « antérieure » au sens qu’elle précède toute information sur B. P(A) est aussi appelée la probabilité marginale de A. Le terme P(A|B) est appelée la probabilité a posteriori de A sachant B (ou encore de A sous condition de B). Elle est « postérieure », au sens qu’elle dépend directement de B. Le terme P(B|A), pour un B connu, est appelé la fonction de vraisemblance de A. De même, le terme P(B) est appelé la probabilité marginale ou a priori de B. Ainsi confrontant deux évènements l’un à l’autre, la formule quantifie donc la probabilité pour l’un d’induire l’autre, remontant ainsi des conséquences vers les causes pour comprendre les phénomènes de la nature. Nous avons donc à faire avec une mathématisation de la chaîne de causalité, en tous les cas elle sert de référence.

Voici maintenant l’interprétation qui est attribuée à cette formule surtout depuis les années 80 quand on a compris qu’il était possible de mettre la formule en réseau c'est-à-dire comme l’a fait le mathématicien Judea Pearl (spécialiste en intelligence artificielle, prix Turing en 2011) en montrant qu’en alignant des centaines de formules de Bayes, il devait être possible de rendre compte des multiples causes d’un phénomène complexe. Grâce à l’informatique on a établi, dans de nombreux domaines, des réseaux bayésiens où chaque nœud est relié à un autre via la formule de Bayes. C’est ainsi que l’on construit des modèles de phénomènes complexes, même lorsque les observations sont insuffisantes ou noyées dans le bruit parasite.

L’exploitation de plus en plus importante de ces réseaux bayésiens amène à considérer qu’ils modélisent au plus près la façon dont les savoirs, chez l’être humain, s’actualisent ou plus précisément rendent compte des mouvements incessants de pensée entre les phénomènes observés et la dynamique du savoir emmagasiné.

Dans l’article de ‘Science et Vie’, il est annoncé pas moins qu’une : Révolution Conceptuelle, « Alors que la science a toujours prôné une vision objective du monde, cette formule bayésienne réintègre une dimension subjective : elle ne nous parle pas du monde, mais de ce que nous en savons» D’ailleurs c’est exactement ce qu’ont postulé les fondateurs de la mécanique quantique, en l’occurrence : Bohr et Heisenberg. Toujours dans ‘S. et V.’ « Cette petite formule nous oblige à penser que les théories et modèles scientifiques reflètent notre représentation (sic) de la réalité plutôt que le réalité elle-même. Cette dernière se chargeant de nous fournir des données qui garantissent que notre représentation n’est pas trop éloignée de la réalité. L’effet est vertigineux : en décryptant le monde elle parle de nous. »

Je rappelle ce que j’ai proposé d’emblée dans l’article du blog du 27/08/2012 ‘D’infinis précautions’ « … alors la science physique nous informerait plus sur nous même – sujet pensant doué de capacités singulières – que sur un soi- disant monde extérieur. Les lois physiques que nous mettons en avant nous informeraient donc plus sur nos aptitudes à cogiter et les conditions de cette cogitation. C'est-à-dire qu’à travers le développement de la connaissance en physique nous concevons en fait une extension de ce que nous sommes, en décryptant au fur et à mesure, parmi tous les possibles, au sein d’une éternité, ce qui nous correspondrait en tant que sujet pensant et pourvu des sens qui sont les nôtres. » Je propose ce parallèle parce que c’est par un chemin très différent que je suis amené à formuler cette hypothèse. Ce chemin consistant à revisiter avec un regard critique l’état de la physique théorique aujourd’hui, ses apories, et les transcender en mettant en avant l’idée que l’être humain n’est pas nu de toute contribution lorsqu’il décrypte et met en évidence une loi de la nature, pensée que j’ai interrogée dans l’article du 21/12/2011. Article que j’ai conclu sous la forme affirmative par : « La relation de l’être humain avec la Nature est une relation exceptionnelle, primordiale, elle n’a pas d’origine : elle a toujours été. Elle est la source du développement d’une connaissance réciproque, sans fin, de l’un et de l’autre. » A voir avec le principe d’optimalité évoqué par Sophie Denève, p.63, (ENS Paris)

L’article de Science et Avenir comprend un article composant qui s’intitule : ‘Elle est aussi la clé de la pensée. Si elle décrypte le monde, la formule de Bayes décrit aussi les mécanismes du cerveau. Au point d’ouvrir sur une théorie de la pensée ! » Lisez-le il est intéressant.

Page 65, vous trouverez un article à part : ‘La physique quantique remise sur les bons rails’. Dans celui-ci on peut lire : « …certains proposent une solution radicale : considérer que la mécanique quantique ne parle pas de la matière elle-même, mais seulement… de ce que l’on en sait. » ou encore : « Elle révèle que notre compréhension de la matière qui nous entoure se fonde, in fine, sur du virtuel et du subjectif. » Sans partager totalement ce qui est dit dans cet article qui me paraît trop succinct je retiens la reconnaissance de la part du subjectif dans la construction du savoir à propos des propriétés de la nature. Si vous vous souvenez, j’avais terminé l’article du 27/08/2012, ‘D’infinis précautions’ en ces termes : « J’ai dû, pour formuler cette hypothèse, vaincre mes propres réticences dont l’héritage est évidemment bien connu. Je ne doute pas que les lecteurs de cet article vont éprouver la même réluctance. Sans vouloir provoquer qui que ce soit, j’ai la profonde conviction qu’il faudra dans un temps proche passer par ce stade expérimental. » J’exprimai cette inhibition de ma propre pensée qui m’avait réellement paralysé pendant un certain temps, après avoir proposé une expérience qui met en jeu effectivement la subjectivité de l’observateur. Je ne pensai pas alors que cette inhibition pourrait, en si peu de mois, devenir superflue. 

 



[1] Professeur en psychologie expérimentale du Collège de France qui vient de consacrer un cours entier à ‘La révolution bayésienne en sciences cognitives.’ Cours 2011-2012 : « Le cerveau statisticien : la révolution Bayésienne en sciences cognitives » ; cours 2012-2013 : « Le bébé statisticien : les théories Bayésiennes de l’apprentissage. »

[2] Thomas Bayes : 1702-1761, est un mathématicien britannique et pasteur de l'Église presbytérienne, connu pour avoir formulé le théorème de Bayes

[3] Voir ‘Science et Vie’ de novembre 2012, l’article : ‘La formule qui décrypte le monde’.

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