Le 01/07/2022
Toujours la suite de la publication du 2e chapitre : ‘Présence’ : du mémoire ‘l’Être humain est une Réalité de/dans l’Univers’. C’est précisément la continuité de la publication du 24/06
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Il est bien connu que la quête permanente du physicien Einstein était de mettre en évidence le (un) monde réel, car pour lui, il n’y avait pas l’ombre d’un doute – c’était sa ‘croyance’ – il y avait un monde réel. Certes, il pouvait être amené à nuancer son propos : « Le vrai problème est que… la physique décrit la ‘réalité’, mais nous ne savons pas ce qu’est la réalité. Nous ne la connaissons que par la description physique. » Mais sa foi dans le rôle du physicien et sur la nature du savoir qu’il maîtrisait était quand même inébranlable : « Les concepts physiques sont faits pour correspondre à la réalité objective et c’est à l’aide de ces concepts que nous représentons cette réalité. » Bref, de la science physique émerge la réalité, science qui nous permettrait d’accéder à la connaissance universelle.
Il est difficile d’accepter que le prix à payer pour accéder à l’intelligence d’une réalité objective révélée par l’activité du physicien conduise à l’évacuation du sujet, donc à l’évacuation de ce même physicien. Pourtant, c’est grâce à l’exploitation sans faille de ce préalable philosophique qu’A. Einstein à inventer la loi de la Relativité Générale, remarquable invention de l’esprit humain qui lui a demandé dix années d’un travail tenace, presque solitaire pour aboutir en 1915 à sa production-invention. Elle est encore aujourd’hui une loi très fertile (voir l’observation récente des ondes gravitationnelles qu’elle prédit ainsi que l’exactitude des trajectoires des étoiles, dont elle permet le calcul, au voisinage du trou noir central de la voie lactée.) et toujours un outil théorique remarquable, à l’échelle classique, dont ont hérité les physiciens. Par contre elle est muette de prédiction physique lorsqu’on tente de l’exploiter à l’échelle quantique.
C’est au cours de l’année 2005, à force d’étudier les conséquences de la conception Einsteinienne que j’ai considéré que cette conception était une anomalie et qu’elle était à la source de la crise actuelle de la physique théorique qui dure depuis plus de 30 ans. Mon hypothèse est qu’il est erroné de postuler une propriété physique fondamentale effective à condition d’accepter sa conséquence implicite : l’annulation de la présence de l’être humain réflexif. Il ne peut y avoir de coïncidences spatio-temporelles authentiquement observables car l’être humain a besoin, au minimum, d’une fraction de temps pour évaluer un événement ou une situation. Un écart de temps effectivement nul n’est pas accessible étant donné notre atavisme et en conséquence selon le précepte d’Einstein, la connaissance effective d’une réalité figée n’est pas accessible. Dans l’écart de temps rédhibitoire, incompressible, il y a la ‘Présence’ du sujet pensant. Celle-ci est la chair du ‘maintenant’, du ‘moment présent’, qui est le pivot de notre perception du temps. A l’opposé voici ce que nous dit Einstein à ce sujet lorsqu’il écrit en 1955 : « Pour nous, physiciens croyants, la séparation entre passé, présent et avenir, ne garde que la valeur d’une illusion, si tenace soit-elle. » Pour éviter le moindre quiproquo il faut comprendre que lorsque Einstein écrit : pour nous physiciens croyants, il s’agit de la croyance du bien-fondé de la physique réaliste et non pas d’une croyance religieuse.
Etant donné l’hypothèse de la ‘Présence’ que je propose et ne cesse de tenter de justifier, je dois proclamer que ‘l’Être humain est une Réalité, à la fois, de et dans l’Univers’. C’est donc à partir de cette réalité que rayonne une connaissance-compréhension de ce que l’on nomme l’Univers dont on ne cesse de repousser ses limites.
Lorsqu’en 2014 (l’original en anglais en 2013) j’ai rencontré le livre de Lee Smolin : « La Renaissance du Temps », avec le sous-titre : « Pour en finir avec la crise de la physique (sic) », j’ai pensé qu’avec cet auteur j’allais rencontrer une complicité intellectuelle. En effet, au début de son ouvrage, il concentre sa réflexion sur ce qui constitue pour lui l’erreur première qui stérilise la pensée scientifique car les théories actuelles, depuis Galilée ou Newton, font comme si le temps n’existait pas réellement. Il fut le codécouvreur, avec C. Rovelli, d’une théorie cosmologique fameuse : la gravité quantique à boucles, jusqu’à présent non constatée expérimentalement. Dans la quatrième de couverture il est indiqué : « La question du temps est au cœur de toutes problématiques scientifiques, de la cosmologie à la mécanique quantique… Smolin expose sa conception du temps et ses implications sur la perception de notre environnement… Il opte pour la réalité du temps, s’opposant en cela à la majorité des penseurs, physiciens ou philosophes, inspirés pour les uns par la théorie de la relativité d’Einstein et pour les autres par les idées platoniciennes. »
La perspective d’une complicité intellectuelle avec Smolin fut éphémère car très rapidement j’ai compris qu’entre l’hypothèse de la réalité du temps de Smolin et la mienne il y avait plus qu’un hiatus car pour lui : le temps est effectivement réel, donné, dans la nature, il est un étant. Tandis que pour moi il n’a de réalité que par l’intermédiaire de la réalité de l’être humain dans l’univers. L’être humain, dont sa réalité est inexpugnable, est le vecteur du temps. Le temps est un propre de l’être humain.
Il est certain que L. Smolin développe dans son livre une analyse très aiguë de la Relativité Générale et indique que celle-ci impose que l’on doit retenir une image de l’histoire de l’univers, prise en une fois, comme un système d’événements reliés par des relations causales, ce que l’on nomme univers bloc. Ce qui est suggéré : « ce qui est réel est l’histoire totale prise en bloc ». Selon l’auteur, c’est une vision dépourvue du temps, car elle se réfère à l’histoire entière de tout l’univers à la fois, il n’y aurait donc aucune signification attribuée à « futur » ou « passé » ou « présent », il n’y a que la structure causale totalement et définitivement établi qui peut rendre compte de ce qui est réel. Malgré tout on peut espérer que Smolin s’apprête à franchir un cap voire le Rubicon quand il affirme : « Mais l’univers réel a des propriétés qui ne sont pas représentables par un quelconque objet mathématique. Une de celles-ci est qu’il y a toujours un ‘moment présent’ (sic). Les objets mathématiques, étant intemporels, n’ont pas de moments présents, n’ont pas de futurs, ni de passés. Toutefois si on embrasse la réalité du temps et voit les lois mathématiques comme des outils (sic) plutôt que des miroirs mystiques de la nature, d’autres faits têtus, inexplicables, concernant le monde deviennent explicables… »
Eh bien ! non, finalement L. Smolin ne franchit pas un cap et encore moins le Rubicon, il est Einsteinien jusqu’au bout des ongles proclamant dans un livre suivant que c’est avec la relativité générale que l’on trouvera la bonne description de la gravité quantique, confère : ‘Einstein’s Unfinished Revolution’ ; « La Révolution non Finie d’Einstein ».
Si je consacre beaucoup de pages à la question du temps, c’est qu’il est au cœur de toutes les problématiques scientifiques physiques, de la cosmologie à la mécanique quantique. Le temps est-il une illusion ou une réalité physique de notre univers ? Depuis Saint Augustin (354-430), cette interrogation, sous des versions multiples, est posée. Le Saint en question s’étonnait : « Si on me demande ce qu’est le temps, je sais ce qu’il est. Si on me demande ce qu’il est, et que je veuille l’expliquer, je ne sais plus. » Effectivement il est compliqué de dévoiler ce qu’est le temps. Il est tellement présent dans notre existence qu’il est extrêmement difficile d’avoir le recul souhaitable pour le traiter comme un objet de pensée.
Newton avait abordé le problème en affirmant qu’il était le sensorium de Dieu, ainsi que l’espace. Dans ses Principia, il donne comme définition du temps : « Le temps existe dans et par lui-même et s’écoule tranquillement sans référence avec quoi que ce soit d’extérieur. » Ce temps absolu est sans rapport avec le temps relatif : « … apparent et vulgaire qui est cette mesure sensible et externe d’une partie de durée quelconque [ … ] prise du mouvement : telles sont les mesures d’heures, de jours, de mois, etc., dont on se sert ordinairement à la place du temps vrai. »
A notre époque cette problématique devient de plus en plus aiguë et la référence au divin ne peut plus être un recours. Elle devient un obstacle majeur à toute avancée possible de la connaissance scientifique. Einstein, lui-même, fut pris dans le tourbillon de cette difficulté, et sa pensée a semble-t-il oscillé, vacillé, sans pour autant la modifier. Nous pouvons sans hésitation nous référer à ce que R. Carnap (logicien 1891-1970) rapporte du témoignage d’une discussion qu’il a eue avec Einstein au cours de laquelle il fait part d’une préoccupation qu’il évacue en appelant à la résignation (sic).
« A une occasion, Einstein dit que le problème du ‘Maintenant’ le préoccupait sérieusement. Il expliqua que l’expérience du ‘Maintenant’ signifie quelque chose pour l’Homme, quelque chose d’essentiellement différent par rapport au passé et au futur, mais cette différence importante ne se produit pas et ne peut pas se produire dans la physique. Du fait que cette expérience ne peut pas être saisie (comprise) par la science semblait être pour lui un sujet pénible mais inévitablement il fallait se résigner. Je [Carnap] remarquai que tout ce qui se produit objectivement peut être décrit scientifiquement ; d’un côté la séquence temporelle des événements est décrite en physique ; et, d’un autre côté, les caractéristiques des expériences humaines en accord avec le temps, incluant son attitude différente concernant le passé, le présent, et le futur, peut être décrit et (en principe) expliqué en psychologie »
Néanmoins, ce paradoxe ‘univers-bloc/écoulement du temps’ est profond.
Il n’est pas possible d’être indifférent à l’argumentation d’Einstein qui propose la résignation du scientifique parce que selon lui « cette expérience ne peut être saisie (comprise) par la science ». Quelle est cette science qui dicterait au physicien ce qu’il doit penser ? Nous sommes d’accord pour reconnaître qu’Einstein a inventé un paradigme scientifique fondamental très fertile conduisant à l’invention de la théorie de la relativité générale qui en résumé signifie que cette théorie est indépendante, indifférente, à la présence du sujet pensant et celui-ci n’aurait aucune influence sur ce qui est observable et donc sa présence doit être gommée. De là à considérer qu’il aurait grâce à ce paradigme mis à la disposition de la communauté scientifique un paradigme universel, loin s’en faut puisque la mécanique quantique ne s’en arrange pas. La science d’aujourd’hui ne peut pas dicter au physicien ce qu’il doit penser, cela ne doit jamais être le cas et elle ne doit jamais conduire à la résignation car il y a toujours de la connaissance à conquérir, de nouveaux paradigmes à concevoir, et cette dynamique est inhérente à l’homme.
« Il est temps de créer une nouvelle culture scientifique, dans laquelle nous nous considérons nous-mêmes à la fois comme une expression de la nature et comme une source de l’auto-compréhension de la nature », dixit les auteurs de l’article ‘La Tache aveugle’. En adjoignant les propos d’Aurélien Barrau, et de Blay que j’ai aussi mis en valeur dans le prologue, je me considère moins franc-tireur en affirmant que l’Être humain est une Réalité de/dans l’univers. Dans ce cadre scientifique nouveau le ‘Maintenant’ est une donnée qui doit être intégrée. Son amplitude est caractérisée par ‘TpS’ et sa valeur serait selon mon appréciation de l’ordre de 10-27-28s. Selon ma conception, le ‘Temps propre du Sujet’ correspond à l’intervalle de temps impératif durant lequel le ‘Sujet Pensant’ rassemble son unité d’Être dans la nature. TpS est une scansion fondamentale, un tic-tac de l’horloge fondamentale qui ordonne le temps que je considère comme un propre de l’homme.
Un autre physicien a engagé en 2016 un début de révolte contre l’écrasement de la théorie Einsteinienne symbolisé par le concept d’univers-bloc. Nicolas Gisin physicien Suisse, disciple de John Bell et adepte d’une philosophie réaliste est à l’origine du concept de ‘Temps Créatif ‘ qui a la valeur d’un instant, d’un moment, qui s’impose primordialement, selon son point de vue, grâce au : ‘libre arbitre’ de l’être humain : ressource fondamentale qui lui est propre quand l’être humain pense, quel que soit le domaine de sa pensée. En conséquence le flux du temps est de notre monde et il faut rétablir cette compréhension pour retrouver les voies des bons raisonnements en science physique. En incise dans son article, N. Gisin écrit : « désolé Einstein » ce qui en dit long sur la difficulté de s’émanciper réellement. Plus loin l’auteur est radical quand il écrit : « La physique a tué le libre arbitre et le flux du temps. Nous devons revenir en arrière. » Erreur, il ne s’agit pas de revenir en arrière, surtout pas, il s’agit de dépasser la pensée Einsteinienne sans devoir s’excuser et d’aller de l’avant. Lui-même, Einstein, affirmait qu’une bonne théorie à venir, qu’elle que soit la théorie en question, est une théorie qui englobe la précédente sans l’annuler. C’est exactement ce qu’il a obtenu car la théorie de la relativité générale englobe celle de Newton et quand les conditions sont requises la loi de Newton se décline avec une très bonne approximation depuis la relativité générale lorsqu’on l’exploite à l’échelle de la physique classique. D’ailleurs ce fut un des critères qui a contribué à confirmer sa validité au tout début de sa publication en 1915. Ce sont les tâtonnements pour dépasser une théorie présente qui nous servent de points d’appuis pour la dépasser.
A mon sens, quand N. Gisin revendique la reconnaissance du ‘Temps Créatif’ et partant la reconnaissance du ‘Libre Arbitre’, il revendique évidemment la reconnaissance de la ‘Présence’ de l’être humain au sein de l’univers. Le ‘Libre Arbitre’, est une notion subjective qui évolue avec les acquis de la connaissance. Plus on dispose de connaissances, de références scientifiques, plus, concomitamment, nous nous émancipons par réductions de nos déterminations, déterminations qui sont des causes d’inerties contraignant nos pensées et leurs visées. Quand le libre arbitre humain prend de l’ampleur, les capacités de pénétrer dans des domaines nouveaux de connaissances sont plus affirmées, elles s’accroissent et c’est une tendance permanente.
La science physique a besoin de grandeurs invariantes. Avec mon concept de ‘Présence’, je satisfais à cette contrainte. En effet, j’ai défini un ‘Temps propre du Sujet’ pensant qui est donc un intervalle de temps en deçà duquel le sujet ne peut être en état de cogiter. C’est-à-dire que tout processus physique ou autre qui se déroule dans un intervalle de temps inférieur à TpS, ne peut être saisi par notre intelligence, cela induit un point aveugle, une zone aveugle, irrémédiable, de notre capacité d’inférer. Cette idée est révoltante et notre égo ne peut que très difficilement l’accepter. Actuellement mon estimation de TpS est de l’ordre de 10-27s à 10-28s, quand on convertit cet intervalle de temps en intervalle de distance spatiale cela correspond, avec C vitesse maximale de déplacement, à 10-18m. Cela correspond à la plus petite variation de déplacement observable d’un miroir de l’interféromètre de Ligo ainsi qu’à la dimension supposée d’un électron que l’on a beaucoup de difficultés à authentifier.
Depuis 2020, un groupe de physiciens dirigé par Martin Bojowald prédit un intervalle de 10-33s comme limite supérieure pour la période d’un oscillateur universel qui interagirait avec toute la matière et toute l’énergie de l’univers (sic). Pour l’instant cette mesure reste à faire et on verra bien. Cette proposition me convient très bien et elle va dans mon sens et je considère que ce projet est une aubaine. Nos évaluations respectives différentes ne constituent pas un obstacle car en ce qui me concerne la valeur du TpS que je préconise n’est qu’une projection avec une marge d’appréciation significative et il me semble qu’il en est de même pour M. Bojowald et son équipe. Si un ordre de grandeur d’un tel intervalle de temps est effectivement mesuré, il restera à déterminer s’il est un propre de l’être humain, réalité pleinement présente dans l’univers ou s’il est dans l’univers sans aucune intermédiation comme le prétend L. Smolin… et Bojowald. Pour mon compte, il est essentiel que cet intervalle de temps, insécable, soit mesurable ou déductible indubitablement. A mes yeux il est essentiel que le temps de Planck[1] ne soit pas pris en compte dans cette affaire car je considère que c’est une grandeur hors sol qui n’a pas le sens physique qu’on lui prête et c’est très important que cela soit mis en évidence, et dans ce cas ce sera une véritable libération, un véritable franchissement d’impasse. Je cite M. Bojowald : « Une telle horloge fondamentale imprègnerait l’univers, un peu comme le champ de Higgs de la physique des particules. Semblable au champ de Higgs, l’horloge pourrait interagir avec la matière, et elle pourrait potentiellement modifier les phénomènes physiques. » L’horloge qui scande le ‘Temps propre du Sujet’ pensant, peut assurer ces propriétés puisque le sujet pensant, sans cesse cogitant, imprègne l’univers de sa ‘Présence’.
Grâce aux neurosciences nous avons la confirmation que notre cerveau ne perçoit pas instantanément les événements du monde extérieur. Il faut au moins un 1/3 de seconde, avant qu’une information sensorielle élémentaire accède à la conscience. Grâce à l’imagerie cérébrale et notamment à la magnétoencéphalographie, le neuroscientifique parvient à suivre toutes les étapes de traitement visuel non conscientes et conscientes dans le cerveau humain. C’est ce qui a été développé à l’Académie des sciences à Paris, le 19 mai 2015, par S. Dehaene au cours de sa conférence : ‘Le tempo de la conscience’. Précisant que : « … les moyens techniques exploitables maintenant permettent une compréhension de plus en plus précise de ce qui se passe dans notre cerveau durant ce 1/3 de seconde avant qu’il n’y ait prise de conscience effective d’une image ou encore à propos d’un concept. En effet des neurones conceptuels (sic) sont maintenant isolés dans le cerveau. »
Avec cette étude exhaustive on peut dire que ce 1/3 de seconde correspond à la ‘durée aveugle de la conscience’ et cela ne peut pas être sans conséquence sur l’éveil intellectuel et la vigilance observationnelle du sujet réflexif. De là, il serait quand même difficile de postuler que le fonctionnement par intermittence avérée de la conscience du ‘sujet pensant’, conduise à un fonctionnement intellectuel, observationnel, absolument continu du sujet réflexif. Précisons que TpS n’est pas une grandeur de l’ordre de la conscience mais de l’ordre de l’existentialité.
Sur ce sujet, je dois évoquer l’hypothèse d’Alain Connes dont j’ai pris connaissance une première fois en 1997 mais qui depuis est toujours une hypothèse et dont la dernière évocation se trouve dans quelques lignes de sa préface dans le livre de Daniel Sibony (2020) : ‘A la recherche de l’autre temps’. Je cite : « Quant au temps de la physique, ce que j’ai découvert c’est que ce n’est pas le « passage du temps » qui est la vraie origine de la « toute variabilité » des choses, mais une raison bien plus fascinante que j’appellerai « aléa du quantique ». L’impossibilité, aussi bien théorique qu’expérimentale, de prédire ou de reproduire le résultat pourtant toujours univoque d’une expérience quantique qui reste gouvernée par le principe d’incertitude de Heisenberg et donne au quantique cette variabilité fondamentale… Il nous faut comprendre que la variabilité quantique est plus fondamentale que le passage du temps, et réaliser en quel sens l’intrication quantique donne à l’aléa du quantique une cohérence cachée. »
Cette dernière formulation de Connes de sa propre hypothèse correspond à un niveau de décantation auquel j’adhère bien qu’elle pourrait laisser entendre que le sujet pensant subit la variabilité quantique dans le sens où l’aléa du quantique serait de prime abord extérieur à la capacité de cogitation inhérente du sujet. Or, selon moi, la physique quantique appartient aux modalités actuelles de la cogitation humaine possible à l’échelle de l’infiniment petit, si ce n’est qu’elle en est la production. En effet, on doit considérer que la nature est semblable qu’elles que soient les échelles considérées. Ce sont nos capacités intellectuelles qui sont différemment mises à l’épreuve suivant les échelles auxquelles nous cherchons à la décrypter. Le corpus de la mécanique quantique est représentatif du chantier que nos capacités intellectuelles n’ont pas fini d’édifier pour décrypter la nature à l’échelle de l’infiniment petit. J’ai toujours considéré que l’affirmation suivante de N. Bohr, (je crois que c’est à Côme en 1927), doit être sérieusement prise en compte : « Il n’existe pas de monde quantique. Il n’y a qu’une description quantique abstraite. Il est faux de penser que la tâche de la physique consiste à décrire comment est la Nature. La physique ne s’intéresse qu’à ce que nous pouvons dire de la Nature. » Aléa quantique et aléa structurel attaché au fonctionnement de notre cerveau se recouvrent. Ces deux aléas produisent le même effet, et c’est là que se trouve la source du ‘tic-tac’ primordial de l’horloge fondamentale qui égrène le temps.
Aucune opération de mesure physique ne peut être instantanée. Pour qu’il y ait du temps perçu, comptable, une opération de mesure implique obligatoirement une durée supérieure à l’intervalle de temps du tic-tac de l’horloge fondamentale. Cela n’est pas constaté et n’a aucun retentissement en physique classique, par contre en physique quantique cela est rédhibitoire et c’est une donnée qui doit être prise en compte dans le corpus de celle-ci. C’est une donnée qui met en relief « l’aléa du quantique » synonyme de TpS.
Il y a dans le livre de Sibony, auquel je fais référence, un travail sur le temps que je peux citer du fait qu’il a une certaine proximité avec le mien. « On peut dire qu’être et temps sont intriqués sans qu’on puisse dire lequel des deux a commencé ; Ils forment un entre-deux dynamique. » ; « J’acquiesce donc à la formule d’Alain Connes : l’aléa du quantique est le tic-tac de l’horloge divine, car le temps prélevé dans le phénomène quantique est au fond prélevé dans l’infini des possibles, dans l’absolue variabilité et le hasard irréversible. » Bien évidemment dans ma conception je n’ai pas besoin de faire référence au divin, référence que je considère comme étant une échappatoire peu glorieuse, pour le moins paresseuse. Pour ma part il est juste d’affirmer que l’aléa du quantique est le tic-tac primordial, insécable, qui émane et témoigne de la présence dans l’univers de l’être humain. Effectivement être et temps sont intriqués, (Heidegger a écrit des pages et des pages sur ce sujet, voir son livre : ‘Sein and Zeit’ en 1923), et sans détour tirons-en les conséquences. Que diable !! pourquoi le cap que nous permet de franchir cette pensée ne puisse être évoqué qu’en faisant appel au divin ? A l’époque de Newton cela est compréhensible, mais aujourd’hui au 21e siècle !!
Dans mon expression rituelle qui me guide depuis 2013 : « Au sein d’une éternité, parmi tous les possibles, Anthrôpos ne cesse de creuser sa connaissance de l’univers… », il me plaît de mettre en parallèle ce que nous dit D. Sibony (page 225), bien que cela puisse être considéré un tant soit peu abscons : « Il y a, non pas un temps universel mais un temps de l’être qui ne se mesure pas de la même façon partout (la relativité veille) mais qui « est » partout présent et parlant, c’est le temps de l’infini des possibles (sic) ; la variabilité quantique affiche localement cet infini. Le temps de l’être c’est le temps du possible poussé à sa limite impossible ; il est global mais on ne le « prend » que localement. »
La suite de ce chapitre ‘Présence’ sera publié le 08/07/2022
[1] Le temps de Planck = 5,4×10-44s, se calcule comme étant la racine carrée d’un produit et rapport de constantes hybrides appartenant à la physique classique et à la physique quantique = h.G/C5, G = constante de Newton, C = vitesse de la lumière et h = constante de Planck.