Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 16:01

A propos de l’espace et du temps, résumons.

Dans son livre ‘L’impensable hasard’ (2012), Nicolas Gisin déclare à propos de l’intrication page 145 : « J’ai écrit dans ce livre que les corrélations non locales semblent surgir de l’extérieur de l’espace et du temps (sic) dans le sens qu’aucune histoire se déroulant dans l’espace au cours du temps ne peut raconter comment la nature produit de telles corrélations… Mais alors, est-ce que les physiciens vont renoncer à la grande entreprise de comprendre la nature ? »

Toujours à propos de ce phénomène si étonnant, Anton Zeilinger, déclare dans un article du 25/05/2013 : ‘L’intrication quantique persiste entre deux photons si l’un disparaît’, à propos d’une nouvelle expérience plus riche en information sur l’intrication : « Elle (l’expérience) est remarquable car elle montre plus ou moins que les événements quantiques sont au-delà de nos notions quotidiennes sur l'espace et le temps ».

Remarquons que chez Gisin les corrélations non locales semblent surgir de l’extérieur… mais évidemment c’est selon son point de vue – résolument réaliste – une illusion. Chez Zeilinger les évènements quantiques sont au-delà… ce n’est plus une illusion, il faudrait selon son point de vue se rendre à l’évidence. Mais attention il y a un bémol, il s’agit de l’espace et du temps…quotidien !!

A travers ces déclarations on constate qu’il est difficile de franchir un certain Rubicond en ce qui concerne la représentation, l’ontologie, de l’espace-temps.

Le saut conceptuel d’A. Zeilinger est spontanément amoindri dès qu’il désigne l’espace et le temps quotidiens. Cela fait penser à la démarche de Newton qui avait différencié la conception de l’espace et du temps vulgaire (humain) de celle qui était l’émanation de dieu : le sensorium de dieu.

Avec ces déclarations des deux éminents physiciens on entend ces représentants du ‘sujet pensant’ à l’œuvre qui font un travail de résistance à l’avènement de nouveaux concepts, de nouveaux paradigmes. Cette inertie conservatrice est compréhensible jusqu’à une certaine limite.

La notion d’espace et de temps est une notion tellement fondamentale qu’il est extrêmement délicat de prendre du recul à son égard au risque de déstabiliser les fondements qui contribuent à la structuration et à l’émergence de la pensée du ‘sujet pensant’. Moi-même je connais ce tremblement intellectuel depuis plusieurs années que je propose avec le ‘Temps propre du Sujet’ : TpS = 10-25s (il va de soi que c’est un ordre de grandeur), l’existence du point aveugle de l’intelligence humaine caractérisé, à cette échelle du temps, par une impossibilité rédhibitoire de fonder le socle spatio-temporel sur lequel le sujet pensant surplombe la nature et projette ses facultés de raisonnement. Nous devons considérer que le ‘sujet pensant’ avec ses spécificités fait partie intégrante d’une réalité que nous construisons. Nous devons l’y intégrer sans le réduire comme le font immanquablement les physicalistes et comme a pu, par exemple, le proposer R. Penrose, à plusieurs occasions.

Avec la problématique de l’intrication nous sommes confrontés à ‘un système quantique unique’, ‘un tout’, qui ne peut plus être observé, ni pensé, ni investi, traditionnellement. Le référentiel spatio-temporel est définitivement caduc. En conséquence les considérations de distance, de mouvement, de vitesse, n’ont plus lieu d’être pensées. Concomitamment, nous devons abandonner toute pensée réaliste une fois que le ‘tout unique’ s’impose à l’observateur, jusqu’au point de devoir effacer la pensée rémanente d’une supposée réalité des objets quantiques à l’origine du processus de l’intrication. 

Le phénomène de l’intrication et ses conséquences que nous percevons devraient nous amener à reconnaître comme je le propose que l’espace et le temps sont proprement fondés par l’anthrôpos et ils n’ont pas d’existence propre, de réalité propre, contrairement à ce qui est encore proclamé par Lee Smolin dans un récent article dans le NewScientist du 26/04/2013 : ‘It is time recognized that time is real’. Mais je partage avec Smolin une idée, celle qu’il faut concentrer notre sagacité de physiciens sur le présent, le ‘Moment Présent’, et selon moi la ‘Présence’. Il faut donc mettre en évidence un (des) nouveau(x) paradigme(s) qui confirmerai(en)t cette conception nouvelle et pertinente. Pour ma part TpS remplit ce rôle, il faut donc le mettre à l’épreuve.

Je ne rejoins pas pour autant le point de vue de ceux qui affirme comme Carlo Rovelli que le temps n’existe absolument pas. Je dirais qu’au contraire cet a priori est néfaste car il borne malencontreusement la pensée (avec C. Rovelli et L. Smolin on entend encore deux sujets pensant à l’œuvre qui révèlent leur inertie intellectuelle respective).

Je dirais que nous sommes, avec le phénomène de l’intrication, au seuil d’un autre rapport entre le ‘sujet pensant’ véhiculant ses propres déterminations et ce que nous appelons la nature. Le 1er est celui qui nous a amené à penser ce que nous appelons la physique classique qui est englobé par la relativité générale, le 2ième est celui qui nous a amené à penser la mécanique quantique qui ne peut pas être décryptée par une rupture franche avec les concepts que nous avons forgés dans le 1er parce que ceux-là nous déterminent.  Le 3ième appelle à un enrichissement voire à un dépassement de notre intelligence actuelle des propriétés de la nature.

Ma métaphysique peut se résumer ainsi : ‘Au sein d’une éternité, parmi tous les possibles, le sujet pensant creuse sans fin la compréhension de son univers correspondant à ses capacités de décryptage’. Nous nous trouvons confrontés à devoir mettre en œuvre de nouvelles capacités de décryptage pour développer un discours éclairé sur ce 3ième monde. Dans une certaine mesure je propose une variation significative de ce qui a déjà été perçu par Edmund Husserl, le fondateur de la phénoménologie, qui a évoqué différentes régions ontologiques dans un ouvrage, bien que je ne mette surtout pas en avant des régions d’être constituant une réalité, mais plutôt différentes régions de possibilités de formation d’un savoir des propriétés de la nature. Chaque région oblige à mettre en jeu des facultés totalement nouvelles qui s’appuient sur des bases radicalement neuves que l’on nomme aussi nouveaux paradigmes. Ceci étant dit comment jeter les bases d’un investissement neuf par la pensée à propos de propriétés possibles de la nature sans notre habituel référentiel spatio-temporel. Plus de distances spatiale, ni temporelle, plus de vitesse dont celle de la lumière !! Plus de rapport d’équivalence E = mc2, donc plus de matière identifiable grâce à cette contrainte. Alors une ‘autre matière’ ? Une ‘autre énergie’ ? Est-ce là une possible explication à l’égard du problème des 95% inconnus, incompréhensibles, composant notre univers ? Est-ce que des scientifiques américains qui désignent par le terme général ‘stuff’ : étoffe, ces composants inconnus de l’univers indiquent qu’il faut prendre du recul avec les concepts traditionnels de matière et d’énergie ? Cette étoffe (composante : matière noire) laisse constater quelques effets qui peuvent être interprétés de nature gravitationnelle, étant donnés nos moyens actuels de décryptage. Sans plus !!

Si, comme je le propose, nous remettons en cause, radicalement, le référentiel spatio-temporel, la loi de la relativité générale nous dit aussi que cela remet en cause notre conception traditionnelle de la matière et de l’énergie car la relation et l’interdépendance : Matière-Energie-Espace-Temps, sont clairement affirmées par celle-ci.

Il y a 2 ans j’ai intitulé mon blog : ‘mc2-est-ce-suffisant’ parce que j’avais déjà la conviction qu’il fallait penser des propriétés fondamentales dans la nature au-delà de cette contrainte. A cette époque l’interrogation concernait principalement les neutrinos. En effet, depuis longtemps, je considère que ceux-ci nous suggèrent qu’ils sont les vecteurs de propriétés jusqu’alors non élucidées à cause des limites de notre référentiel cognitif actuel. Entre 1930 et aujourd’hui si on fait le bilan de tout ce qui a été dit et affirmé à propos des neutrinos on doit s’étonner de la faiblesse du savoir acquis sur ces objets qui renvoient toujours, aux physiciens spécialistes du domaine, une réponse du type : ‘nous ne sommes pas ce que vous croyez’. Il est probable que certaines inconnues de la physiques des neutrinos soient corrélées avec celles de la ‘matière noire’. Par exemple ils n’ont pas de masse qui puisse être encryptée par E/C2.

En aucun cas je ne m’exprime sur le problème du dépassement ou non de la vitesse de la lumière car en tant que tel c’est un sujet extrêmement délicat. Elle caractérise une vitesse horizon qui borne la conception de notre univers actuelle. Si on réfléchit bien, en fait, nous sommes constitutivement des ‘êtres de cette lumière’. Par contre parmi tous les possibles, il y a des contrées d’univers où les notions d’espace, de temps, de vitesse, n’ont plus de validité et si nos ressources cognitives nous permettent d’investir ces contrées des nouveaux possibles enrichiront la représentation actuelle de notre univers.  Sans exclure l’idée que ce serait un autre univers ou d’autres qui s’enchevêtrerai(en)t avec celui qui nous est le plus commun aujourd’hui.

 

 

 

Voir article du 21/12/2011 :’L’être humain est-il nu de toute contribution…’

Voir sur mon blog l’article du 2/05/2013 ‘Bienvenue au ‘Moment Présent’ de Lee Smolin’.

En 1936 : ‘Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale.’

Partager cet article
Repost0
1 juin 2013 6 01 /06 /juin /2013 10:48

WELCOME TO ‘PRESENT MOMENT’ OF LEE SMOLIN

 

It is possible to read in New scientist internet web site a very interesting article of Lee Smolin dated on 26/04/2013 : ‘ It is time physics recognized that time is real.’  In the first part of the article he gives a critical analysis of how, in most cases, time is conceived and treated by physicists and he expresses a strong opposition to his colleague Julian Barbour who published a book : “the end of time“.

For L. Smolin : ‘it might be a funny thing to say , but the idea that time is real requires a radical departure from the standard paradigm of physics. This is because the effect of 400 years of the development of physicist’ conception of nature has been to devalue time and ultimately remove it from the fundamental aspects of nature. Ever since the era of René Descartes in the 17th century, time has been represented as if it were just a dimension of space. This culminated in the ‘’block universe’’ conception of general relativity in which the present moment has no meaning – all that exists is the whole history of the universe at once, timelessly. When laws of physics are represented mathematically, causal processes which are the activity of time are represented by timeless logical implications.

But the real universe has properties which are not representable by any fact about a mathematical object. One of them is that there is always a present moment. Mathematical objects being timeless don’t have present moments, futures or pasts. However, if we embrace the reality of time and see mathematical laws as tools rather than as mystical mirrors of nature, other stubbornly inexplicable facts about the world become explicable…’

 

I am of course very happy to come upon such an article since I develop for six years the proposal to take into account at every moment the present time. This is quite opposite to Einstein’s argument : ‘What is real from a physical point of view … is made of space-time coincidences and nothing else.

I develop my thesis of opposition against Einstein’s affirmation since the chapter 1 of my lectures in 2007-2008 (which can be still read on my internet site: 53PH3PP6 to 53PH3PP11). As a matter of fact, Einstein’s affirmation confirm his realistic philosophical conception, but, in my opinion, it has the greater inconvenient to eliminate the difference between the points of view of observers who could be in different referential frames and finally the observers are no more necessary. Let us bear in mind that it is very late, in a book with Infeld in 1936, that Einstein feel for the first time the necessity to introduce the word ‘observer’ in a book on physics.

In fact, in short words, I consider that it is impossible to hold scientific talks without the presence of the ‘thinking subject’ and this presence is not eradicable not only from the talks but also from the laws stated, because ‘the human being has always a personal contribution when he elucidates and puts in evidence a law of nature’ (article set in my blog  the 21/12/2011).

 

Beware: I do not claim, as  Smolin does, that time is real and given in the meaning that it would be a part of nature; on the contrary I claim that it is the ‘thinking subject’ who is the origin and the bearer of the time.

 

In every circumstances L. Smolin has the merit to defend his conception of ‘’real time “, and in many articles he tried to convince of its relevance. Two decades ago, he contributed with Carlo Rovelli to the development of the quantum loop theory. When stumbling over the problem of the quantum clock which would mark the universal time, they realized that there was a radical disagreement between them. Rovelli reached a conclusion quite opposite to that of his colleague Smolin: Time is only an illusion and consequently it does not exist. He goes on still claiming this opinion.

 

Smolin and I, we have in common to point out that the ‘’present moment ‘’, the “present instant“, “the Presence“ must be taken into account to overcome the dead-end of the crisis of theoretical physic at cosmological scale and infinitely small scale.

L. Smolin indicates that he is making (simple) models governed by laws which are irreversible in time and from which emerge approximately time symmetric behaviors.

 

It is not an easy task to attribute, to the “thinking subject“, an ineradicable place necessary to the understanding of the nature as it can be described. In fact it has been excluded with the occurrence of modern physics since Galilee and Descartes. Nevertheless I suggest valorizing this ineradicable presence, named: ‘proper Time of the Subject: TpS < 10-25 second’. Duration quite near the splitting between the world of real particles and virtual ones.

 

Let us come back to the article of Smolin and focus our attention on one of his argument concerning: the block universe conception of general relativity in which the present moment has no meaning’; As for me, I happened to force myself to read in 24 hours the maximum number of articles about the genesis of the universe, from the primordial time ( big bang) until the present time as we observe it. I was overcome by a feeling of made of, as if the mechanical logic of Descartes, which  Newton hated, was still in action. Who was the image of the other? Why the laws of the nature, of the world, of the universe(s) should be totally accessible to the cognitive capacities of the thinking subject? Our connection of understandability with the properties of the nature is caused by our intellectual skillfulness in mastering the chain of causality. Does nature encompasses only that order?Is the logical causal thought of the thinking subject a result of the learning of human being, directly confronted to the external world, or is it the fruit of the anthrôpos’evolution? It is the reason for which the task undertaken by S. Dehaene  is, in my opinion, of great importance. If, as suggested by S. Dehaene, the causal reasoning is a legacy of evolution which allows to hear the data of the external world, then the nature is probably much more rich and complex than what we can decipher. So my conviction that “within an eternity, among all the possible, the thinking subject endlessly digs, the understanding of its universe corresponding to his capacities of deciphering“ would be in accordance with the real dynamic intellectual investment of the thinking subject in the world. If, on the contrary, the nature is perfectly causative, without anything else, and the human logic is similar, by learning, then the correspondence between what we conceive gradually as properties of the nature and what is really the nature, is narrow.

 

What is sure, is that the fact to establish the present in the nature, either, as recommends L. Smolin, because time is, before all, real, or because the thinking subject cannot be eradicated, as I recommend, ‘’requires a radical departure from the standard paradigm of physics”

 

 

Letter to Ehrenfest, december 26th1915

See also my articles ‘A World in ‘Presence’‘, submitted on 2012/11/26 and ‘A World in ‘Presence’ II’, submitted on 2013/01/26 : viXra.org, Quantum Physics.

As it is explicitly considered in the theory of ‘ the causal dynamic triangulation of the self-organized quantum universe ‘. See : J. Ambjorn, J. Jurkiewicz, R. Loll

With, Goodman, Ullman, Tenenbaum : ‘Learning a theory of causality’ in Psychology Rev 118(1)-119

Partager cet article
Repost0
2 mai 2013 4 02 /05 /mai /2013 10:23

                          Bienvenue au ‘Moment Présent’ de Lee Smolin.

 

Sur le site internet du New Scientist on peut lire un article très intéressant de Lee Smolin datant du 26/04/2013 : « Il est temps que la physique reconnaisse que le temps est réel. » Dans la première partie de l’article, il procède à une analyse critique de la façon dont est, très majoritairement, conçu et traité le temps du point de vue des physiciens, jusqu’à ce qu’il adosse ses arguments par une forte opposition à un collègue : Julian Barbour, qui a publié un livre : « La Fin du Temps ».

Pour L. Smolin : « Cela est certainement surprenant de l’affirmer mais l’idée que le temps soit considéré comme réel requière de faire une entorse radicale au paradigme standard de la physique. Ceci est la conséquence du développement de la conception, des propriétés de la nature, par les physiciens, depuis 400 ans. Toujours, depuis R. Descartes au 17e siècle, le temps a été représenté comme s’il était juste une dimension de l’espace. Ceci a culminé avec la conception de ‘l’univers comme un tout’, de la relativité générale, dans lequel le moment présent n’a pas de sens – tout ce qui existe c’est, tout d’un coup, la totalité de l’histoire de l’univers, sans temporalité (The whole history of the universe at once, timelessly). Quand les lois de la physique sont décrites mathématiquement, les processus causaux qui illustrent l’activité du temps sont représentés par des implications logiques intemporelles.

Mais l’univers réel a des propriétés qui ne sont pas représentables par un quelconque objet mathématique. Une de celles-ci est quil y a toujours un moment présent. Les objets mathématiques, étant intemporels, n’ont pas de moments présent, n’ont pas de futurs ni de passés. Toutefois, si on embrasse la réalité du temps et voit les lois mathématiques comme des outils plutôt que des miroirs mystiques de la nature, d’autres faits têtus, inexplicables, concernant le monde deviennent explicables… »

Je suis évidemment très heureux de rencontrer un tel article puisque, depuis maintenant six ans, je développe cette thèse d’une nécessité de prendre en compte à chaque instant un moment présent. C’est en opposition à l’affirmation d’Einstein : « Ce qui du point de vue physique est réel… est constitué de coïncidences spatio-temporelles. Et rien d’autre. », que j’ai pris appui pour développer cette thèse et je l’ai engagée dès le chapitre 1 de mon cours en 2007-2008 (Toujours accessible sur mon site via Internet). En effet l’affirmation d’Einstein confirme sa conception philosophique réaliste mais aussi, à mes yeux, elle présente l’inconvénient majeur d’effacer la différence des points de vue des observateurs qui seraient dans des référentiels distincts et donc l’observateur n’a plus lieu d’être. Souvenons-nous que ce n’est que très tardivement, en 1936, qu’Einstein dans un ouvrage commun avec Infeld éprouve la nécessité d’introduire, pour la première fois, le mot ‘observateur’ dans un ouvrage de physique. Or, d’une façon raccourcie, je considère qu’il ne peut y avoir de discours scientifique sur la nature sans présence du ‘sujet pensant et cette présence est inexpugnable, non seulement du discours mais encore des lois énoncées car ‘l’être humain n’est pas nu de toute contribution lorsqu’il décrypte et met en évidence une loi de la Naure.’ Article posté le 21/12/2011.

 

Attention ! Je ne prétends pas comme L. Smolin que le temps est réel, donné, dans le sens qu’il serait dans la nature, au contraire, je considère que c’est le sujet pensant qui est la source (temporalisation du temps) et le  vecteur du temps.

 

Vent debout, L. Smolin a le mérite de défendre sa conception du ‘temps réel’ et à l’occasion de nombreux articles il a essayé de convaincre de la pertinence de celle-ci. Il y a deux décennies, il a contribué conjointement avec Carlo Rovelli au développement de la théorie de la gravité quantique à boucles. C’est en butant sur le problème de l’horloge quantique qui scanderait le temps universel que se confirma leur divergence radicale à propos du temps physique. C. Rovelli est arrivé à la conclusion inverse, à celle de son collègue Smolin : le temps n’était qu’illusion et en conséquence il n’existait pas. Point de vue qu’il continue de proclamer.

Avec Smolin nous avons en commun de pointer que le ‘moment présent’, ‘l’instant présent’, ‘la présence’, doivent être pris en considération pour dépasser les impasses de la crise de la physique théorique de l’échelle du cosmos à celle de l’infiniment petit.

L. Smolin indique qu’il modélise des systèmes (simples), gouvernés par des lois qui sont irréversibles en temps, desquels émergent des comportements approximativement symétriques en temps.

Il n’est pas simple d’attribuer au ‘sujet pensant’ une place inexpugnable nécessaire à la compréhension de la nature telle qu’elle peut être décrite. A priori cela est exclu avec l’avènement de la physique moderne depuis Galilée et Descartes. Pourtant je propose de valoriser cette présence inexpugnable, nommée ‘Temps Propre du Sujet : TpS < 10-25 seconde.’ Durée voisine du partage entre le monde des particules réelles et celui des particules virtuelles.

Revenons à l’article de Smolin et concentrons notre attention sur une de ses réflexions à propos de la ‘conception de ‘l’univers comme un tout’ de la relativité générale dans lequel le moment présent n’a pas de sens.’ Pour ma part il m’est arrivé de m’astreindre à lire en 24 heures le maximum d’articles concernant la genèse de l’univers, du temps primordial (Big-Bang) jusqu’au temps actuel tel que nous l’observons. J’ai été envahi par un sentiment de fabriqué, comme si c’était la logique mécaniste de Descartes qui était toujours à l’œuvre et que Newton abhorrait. Qui était à l’image de l’autre ? Pourquoi les lois de la nature, du monde, du (des) univers, seraient totalement accessibles aux capacités cognitives du sujet pensant ? Notre rapport d’intelligibilité aux propriétés de la nature est déterminé par notre habileté intellectuelle à maîtriser la chaîne de causalité. Est-ce que dans la nature ne règne que cet ordre-là ? Est-ce que la pensée logique causale du sujet pensant résulte de l’apprentissage de l’être humain directement confronté au monde extérieur ou bien est-elle le fruit de l’héritage de l’évolution de l’anthrôpos ? Voilà pourquoi les travaux entrepris par S. Dehaenesont à mes yeux très important. Si comme le laisse entendre S. Dehaene le raisonnement causale résulte d’un héritage de l’évolution qui permet ‘d’entendre’ les données reçues du monde extérieur, alors la nature est très probablement bien plus riche et complexe que ce que nous sommes à même de décrypter. Ainsi ma conviction : ‘qu’au sein d’une éternité, parmi tous les possibles, le sujet pensant creuse la compréhension de son univers correspondant à ses capacités de décryptage.’, correspondrait à la dynamique véritable de l’investissement intellectuel du sujet pensant dans le monde. Si au contraire la nature est parfaitement causale, sans plus, et que la logique humaine est de la même trempe, par apprentissage, alors la correspondance, entre ce que nous concevons progressivement comme propriétés de la nature et ce qu’effectivement est la nature, est étroite.  

Ce qui est sûr, c’est que le fait d’installer le présent dans la nature, soit comme le préconise L. Smolin, parce que le temps avant tout est réel, soit parce que le sujet pensant est inexpugnable, comme je le préconise : « requires a radical departure from the standard paradigm of physics"

Lettre à Ehrenfest du 26 décembre 1915.

Comme cela est explicitement considéré dans la théorie de ‘la triangulation dynamique causale’ de l’univers quantique auto-organisé. Voir : J. Ambjorn ; J. Jurkiewicz, R. Loll.

Avec Goodman, Ullman, Tenenbaum : ‘Learning a theory of causality’ in Psychology Rev. 118(1), 110-119.

Partager cet article
Repost0
24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 09:26

                          Scientifiques, façonnés dès la naissance ?

 

Dans le cadre de ses travaux et de son enseignement au Collège de France, Stanislas Dehaene est amené à nous proposer « L’architecture du cortex pourrait avoir évolué pour réaliser, à très grande vitesse et de façon massivement parallèle, des inférences Bayésiennes. L’algorithme utilisé pourrait expliquer la manière dont notre cerveau anticipe le monde extérieur. », « Le bébé semble doté, dès la naissance, de compétences pour le raisonnement plausible et l’apprentissage Bayésien, combinant de façon quasi optimale les a priori issus de notre évolution et les données reçues du monde extérieur. » J’ai déjà cité ces phrases remarquablement ciselées mais je ne me lasse pas de le faire car elles expriment de telles potentialités de compréhension et de découvertes qu’il me plaît de les citer encore afin d’en assurer le plus ample partage. Et puis, dans la synthèse : « Combinant de façon quasi optimale les a priori issus de notre évolution et les données reçues du monde extérieur. », il y a la figure de la ‘Présence’ du sujet pensant qui reçoit les données du monde extérieur et les confronte, les combine, avec son ordre intérieur primordial hérité de l’évolution.

In fine, l’auteur nous propose un questionnement remarquable et vraiment hardi : « Sommes-nous des scientifiques dès le berceau ? » Cette question indique l’option qui est privilégiée. La formule de Bayes renvoie à une lecture des liens existant entre les causes et les effets qui se renforcent au fur et à mesure que les connaissances s’accumulent. Elle est donc une belle illustration du principe de causalité. Dans son cours du 08/01/2013, S. D. indique que le principe de causalité résulte d’un apprentissage chez le petit de l’homme et son modèle indique à quel point la formule de Bayes joue un rôle primordial. Ceci amène à se demander si le principe de causalité est effectivement dans la nature ou bien si potentiellement il fait partie de notre bagage cérébral dès la naissance et nous le mettons en œuvre pour décrypter les propriétés correspondantes de la Nature. En conséquence, toutes les propriétés de la Nature qui n’y correspondraient pas ne nous seraient pas accessibles. Ceci expliquerait peut-être pourquoi la connaissance de tous ces nombreux univers nous échappe (voir, note 1).

Selon Misha Gromov[1], dans une interview très récente (le 17/03/2013) il nous dit que l’esprit constitue un réel mystère : « On n’a pas le début d’une piste pour comprendre comment cela fonctionne ! Nous ne savons pas comment nous pensons. Si vous deviez mettre à plat les informations reçues par le cerveau d’un enfant de 2 ans, cela semble totalement démesuré. » A vol d’oiseau les laboratoires respectifs de S. Dehaene et M. Gromov, doivent être distants de quelques kilomètres. L’obstacle de la distance physique ne peut pas être évoqué. Il serait certainement utile qu’ils puissent se rencontrer et confronter leurs conceptions aussi antipodales. Entre les déclarations péremptoires d’un savant du siècle, certes, mais tout de même péremptoire, et la production de résultats scientifiques rigoureux qui commencent très sérieusement à éclairer les fondements du fonctionnement cognitif de l’être humain, je n’hésite pas. Les travaux de S. D. sont d’une très grande qualité. Ce qu’il faut évidemment éviter ce sont les extrapolations rapides, car ce sujet est très complexe et il peut rendre avide.  

Certains affirment qu’en adoptant les Probabilités Bayésiennes et en décryptant valablement la richesse de leurs significations, il est possible de lever les obstacles obstinant à la compréhension et à l’interprétation des propriétés fondatrices de la mécanique quantique. Cela s’appelle la : ‘Quantique Bayésienne’ soit Qbisme[2]. Selon ces physiciens, il y a des correspondances troublantes entre la mécanique quantique et la statistique bayésiennes. Ainsi, les lois fondamentales de la matière que l’intelligence humaine a mise au jour, surtout à l’échelle quantique, découleraient naturellement de la statistique bayésienne. Quelque part les Qbists veulent nous dire qu’avec l’avènement de la mécanique quantique, l’intelligence des physiciens a fonctionné cul par-dessus tête et il suffit de se référer aux probabilités bayésiennes pour trouver le bon ordre de lecture des propriétés quantiques.

Si on met en rapport direct les travaux de S. Dehaene et ceux des Qbists on constate d’un côté que nous serions des scientifiques dès le berceau grâce à la voie bayésienne et de l’autre côté on deviendrait des physiciens bien mieux éclairés en devenant des adeptes du Qbisme. Nous serions donc en tant que sujet pensant profondément déterminés par cette voie illustrée par la formule de Bayes. A ce niveau le questionnement de S. D. « Sommes-nous des scientifiques dès le berceau ? » acquière tout son sens puisque la réponse serait avec les qubists : « On est un bon scientifique si on interprète les propriétés de la nature suivant le modèle que nous offre la formule de Bayes. » Scientifique nous le sommes dès le berceau, scientifique nous le restons justement en développant, en affûtant, en maîtrisant le raisonnement par inférence. La grâce du révérend Thomas Bayes habite et structure notre esprit scientifique.

Certains s’inquiètent, à juste raison, des redoutables impasses dans lesquelles la physique théorique et fondamentale se trouve enfermée aujourd’hui. Des articles du NewScientist, début mars, sous le titre générique : ‘Temps crucial pour la physique’ font un inventaire des domaines qui sont les plus révélateurs de ces impasses. L’ultime coup de semonce justifiant cette alarme, c’est évidemment la pauvreté du résultat qui nous est offerte avec le boson de Higgs. Celui-ci est tellement une production du Modèle Standard, qu’il en est une illustration mais rien de mieux, il n’offrirait donc aucune ouverture au-delà du modèle standard, au contraire, il scellerait le modèle standard. Peut-être n’est-il qu’une chimère comme je l’ai suggéré à contrecœur dans les articles du 8/11/2011 et du 6/02/2012. Comme je le suggère une réflexion critique vis-à-vis du modèle standard conduit à une réflexion critique vis-à-vis de la théorie quantique des champs devenue après l’électrodynamique quantique un mille feuilles d’hypothèses et d’arrangements, un théâtre de jongleries calculatoires, qui ont progressivement dilué dans les abstractions mathématiques, la substance concrète du monde physique. Nous ne sommes pas encore à ce niveau de la réflexion critique mais les articles des différents auteurs qui étayent la rubrique : « Période cruciale pour la physique. Repenser radicalement la physique actuelle ?» du NiewScientist, sont annonciateurs. Citons : ‘Les mathématiques sont-elles les racines de la réalité ?’ ; ‘Il est temps d’abandonner la relativité ?’ ; ‘Le vide noir au cœur de la cosmologie ’ ; ‘Il est temps de repenser l’inflation ?’ ; ‘Il est temps de piéger les neutrinos ?’.

Ce qui est à l’horizon de cette crise de la connaissance scientifique actuelle en physique, c’est la fin de la croyance que le sujet pensant muni de ses équations pouvait se hisser sur le belvédère de la connaissance objective, de la connaissance universelle.

Les Qbists disent : Alors que la science a toujours prôné une vision objective du monde, la formule de Bayes réintègre une dimension subjective : elle ne nous parle pas du monde, mais de ce que nous en savons. « Elle nous oblige à penser que les théories et modèles scientifiques reflètent notre représentation de la réalité plutôt que la réalité. » Avec ce type de déclaration, il n’y a rien de neuf. Et le Qbism ne fera pas long feu. Il suffit de retourner aux sources de la mécanique quantique et intérioriser les déclarations fondatrices de N. Bohr et de W. Heisenberg qui auront bientôt un siècle. Elles ont souvent été oubliées dans leur essence fondatrice mais jamais elles n’ont été fondamentalement contredites.

Revenons à M. Gromov : « La réalité existe et n’existe pas à la fois… Ce que nous percevons du monde n’est pas le réel ! La réalité, telle que nous la connaissons, n’est que notre réalité interne. C’est notre cerveau qui la « fabrique ». Ce qu’il nous faut comprendre, c’est comment notre cerveau fabrique cette réalité interne. » Ce que M. Gromov ignore ou refuse de prendre en compte c’est que nous progressons. Dans son schéma l’être humain est un être refermé sur son quant-à-soi. Non ! ce point de vue est franchement erroné, l’être humain est habité par une faille qui résulte du fait qu’il est à la fois un ‘Être de la Nature’ et un ‘Être dans la Nature’ et c’est de cette faille que surgit toute la dynamique de la présence du sujet pensant.

Il y a heureusement des laboratoires, des scientifiques, qui commencent valablement à remettre en cause les schémas de croyances établis sur la capacité intrinsèque du sujet pensant à accéder directement à la réalité d’un monde figé, établi, comme le prônait avec force et obstination A. Einstein. La descente du piédestal est extrêmement lente voire douloureuse mais elle est engagée.

Citons Joshua Roebke : « Fondamentalement, la mécanique quantique concerne la façon dont nous autres, observateurs, sommes connectés à l’univers que nous observons. » Ici se trouve exprimé, à travers l’idée de connexion, qu’il y aurait, dans toute quête de connaissances de la part du sujet pensant, un flux d’indications, d’informations, concernant les facultés cérébrales mises en jeu dans la posture caractéristique (de surplomb) du sujet pensant et les cristallisations en retour qui confirmeraient les capacités d’ouvertures de l’anthrôpos sur le monde extérieur. C’est toujours un mixte, entre ce qui est de l’ordre du sujet pensant et de l’ordre du monde extérieur, qui nous revient et que nous devons décrypter.



[1] Savant franco-russe, qui exerce à l’IHES, il est présenté comme un des plus grands mathématiciens du siècle. Selon lui, les 3 principales énigmes de la science actuelle sont : l’univers, la vie et l’esprit humain. Dans le même interview, il indique qu’il y a de nombreuses raisons de penser qu’il y a de nombreux univers, et même de très nombreux univers.

[2] Voir les travaux de Christopher Fuchs, Carl Caves, Ruediger Schack.

Partager cet article
Repost0
22 janvier 2013 2 22 /01 /janvier /2013 15:02

Information, dites-vous ?

                                  

Lorsque, la première fois, j’ai lu la proposition d’Anton Zeilinger, il y a plus de deux ans, je suis resté interrogatif, ne comprenant pas la pertinence de la déclaration suivante : « Dans l’histoire de la physique, nous avons appris qu’il y a des distinctions que nous ne devrions pas faire, comme entre l’espace et le temps… Il se pourrait bien que la distinction que nous faisons entre l’information et la réalité soit fausse. Cela ne veut pas dire que tout n’est qu’information. Mais cela veut dire que nous avons besoin d’un nouveau concept qui recouvre ou inclut les deux. » Certes, depuis pas mal de temps, j’avais constaté une intrusion du mot information dans le champ de la physique théorique sans qu’il me paraisse apporter une avancée significative. Maintenant, je comprends l’utilité de distinguer information de ce que l’on appelle réalité en mécanique quantique, parce qu’à cette échelle il n’y a pas de réalité accessible, en fait il n’y aurait que de l’information.

C’est encore après réflexion sur le processus d’inférence tel qu’il est exploité par S. Dehaene que j’ai pu clarifier les choses (en tous les cas pour mon propre compte). Inférence, le dictionnaire nous dit : « Raisonnement consistant à admettre une proposition du fait de sa liaison avec d’autres propositions antérieurement admises. »

Rappelons-nous l’expérience de Stern et Gerlach. Ces deux expérimentateurs, Otto Stern et Walther Gerlach, avaient avant 1922 une grande maîtrise de la mesure de moments magnétiques et donc de moments cinétiques d’objets macroscopiques. Les faisceaux d’objets classiques marquent la plaque de réception des objets d’une ligne continue, ou tâche allongée, dès qu’ils subissent les effets d’un champ magnétique inhomogène de l’instrument. Ceci révèle que les objets sont dotés de moments cinétiques continûment variables. Avec des objets quantiques comme par exemple des électrons, dans le même appareil depuis 1922 on voit apparaître juste deux points d’impacts distants sur la plaque de réception. Nous en déduisons donc des valeurs discrètes de ‘moment cinétique’ pour ces objets quantiques. Nous parlons de moment cinétique : Spin[1], parce que nous ne pouvons (savons) pas faire autrement mais il n’y a pas de sens à parler d’un ‘électron tournant autour de son axe’[2].

Nous sommes plus à l’aise pour rendre compte de ce qui se produit dans l’appareil de Stern et Gerlach, lorsqu’il s’agit d’objets classiques car nous sommes, nous-mêmes, des observateurs scientifiques classiques donc du même monde du point de vue des échelles qui sont en jeu. Nos sens accèdent directement (plus ou moins) à l’observation et à la description de ce qui caractérise les propriétés des objets classiques. Nos capacités de représentation sont donc conditionnées, éduquées, par ce lien direct. Lorsque dans le même appareil on observe une différence significative puisque les points d’impacts sont distants, il est presque logique de l’interpréter en fonction de ce que l’on a observé auparavant. Eh bien ! Il ne le faudrait pas car ces points d’impacts ne constituent qu’une information qui n’autorise pas à extrapoler, à représenter, en fonction de ce que nous savons d’avant. Comment y échapper alors que nos facultés de cogitation sont fondamentalement structurées par ces acquis classiques qui nous déterminent et constituent notre référentiel de représentations ? Il serait vain de vouloir y échapper car dans ce cas on ne pourrait même pas accueillir l’information en tant que telle. C’est sur cette base que se met en place le processus d’inférence quand nous considérons que le phénomène quantique, avec les marques ponctuelles que nous observons dans l’appareil de Stern et Gerlach et partant nous délivrent une information que nous corrélons avec nos acquis d’êtres classiques. Cette corrélation est inévitable (Pouvons-nous imaginer une autre alternative ?) mais elle doit être accompagnée de mises en garde très fortes, incessantes, qui nous interdisent de penser dans ce cas : « rotation ». Penser directement quantique est humainement impossible même si pendant plus de trente ans la mécanique quantique constitue un sujet de rumination intellectuelle presque permanent.

N. Bohr avait en son temps, dès l’avènement de la mécanique quantique[3], compris les difficultés irrémédiables qui surgissaient : « Dans son exposé Bohr situe d’abord la théorie quantique par rapport à la physique classique : d’une part la théorie quantique apporte une limitation essentielle aux concepts de la physique classique dans leur application aux phénomènes atomiques ; mais d’autre part, elle exige que les données expérimentales soient interprétées à l’aide de ces mêmes concepts classiques. Pourquoi ? Simplement parce que les expériences sont nécessairement faites à l’échelle humaine.» Ou encore : « Il importe de façon décisive de reconnaître que, d’aussi loin que les phénomènes puissent transcender le domaine de l’explication physique classique, la description de tous les résultats d’expérience doit être exprimée en termes classiques. La raison en est simple : par le mot d’ ‘expérience’, nous nous référons à une situation où nous pouvons dire à d’autres hommes ce que nous avons appris ; il en résulte que la description du dispositif expérimental et des résultats d’observation doit être exprimée, en langage dénué d’ambiguïté se servant convenablement de la terminologie de la physique classique. »  

Nous ne sommes pas près d’être doté d’une capacité d’analyse et de réflexion intellectuelles qui nous permettrait d’élaborer des concepts et des représentations correspondant au monde quantique sans l’intermédiation de ceux du monde classique. Au cas où… Il faudrait alors, aussi, que nous développions un nouveau vocabulaire, de nouveaux concepts, cela impliquerait une réelle mutation du ‘sujet pensant’.

Si nous persistons à penser, d’une façon ou d’une autre, mouvement de rotation à propos du spin, à défaut d’un substitut de représentation, alors il faut assumer l’idée qu’un électron tourne sur lui-même suivant un axe qui puisse simultanément prendre toutes les directions, il faut aussi assumer l’idée que cet électron revienne à son aspect initial qu’après deux révolutions complètes ! On doit se rendre à l’évidence qu’à cette échelle la conception de l’espace-temps qui nous imprègne n’est plus valide et jusqu’à présent nous n’avons aucune alternative.

Malgré toutes les précautions dont nous sommes avertis, nous ne pouvons pas nous résoudre à enregistrer passivement ces deux points d’impacts discrets, étant donné le contexte expérimental par lequel on les obtient. Nous sommes amenés à broder à partir de ceux-ci, parce que une information brute, ça ne dit pas grand-chose, ce qui fait sens c’est une information de quelque chose, à propos de quelque chose. D’autant plus que le nombre qui est attaché au spin peut se combiner avec celui qui caractérise les moments angulaires orbitaux.

On peut donc constater que nous sommes loin du commentaire succinct de E.T. Jaynes, qui n’avait pas trouvé mieux que de nommer deux coupables : Heisenberg et Bohr, responsables d’avoir mélangé dans une omelette des réalités de la Nature avec une incomplète information humaine sur la Nature[4].

Il n’y a pas qu’aux premiers temps de la découverte des propriétés constituant le corpus de la mécanique quantique que notre entendement, de sujet pensant classique, est secoué. La vague de l’ébranlement provoqué par la mise en évidence expérimentale de l’intrication (1982, expérience de A. Aspect) n’est pas atténuée. Sauf pour ceux qui ont pris acte de cette ‘information’ et considèrent que cela est un ‘fait[5] concret, réel, une propriété d’objets quantiques de la nature préparés d’une certaine façon.

Par contre ceux qui veulent comprendre cette propriété, ils sont toujours au pied du mur d’une information au sens brut du terme car ils sont incapables d’expliquer cette propriété. A l’exception de N. Gisin[6], qui propose de l’expliquer grâce à une propriété, qui serait une cause en amont spécifiée par : « L’existence de vrais hasards ubiquitaires, capables de se manifester simultanément en plusieurs endroits de notre univers. », cela constitue toujours une information brute car nous sommes incapables de l’intégrer dans un ensemble théorique au sein duquel l’intrication constituerait une propriété conséquente. Si cet ensemble théorique devait émerger, il devrait très probablement mettre en avant, là encore, une conception de l’espace-temps en rupture avec celle qui nous est commune depuis la relativité restreinte.

Ce qui est certain c’est que cette information scientifique, brute, que nous ne pouvons pas intérioriser, puisque nous ne pouvons pas nous l’approprier avec nos capacités explicatives d’aujourd’hui, doit continuer de nous tenir en éveil car elle nous informe sérieusement sur nous-mêmes, sur nos incapacités versus nos capacités à investir intellectuellement certaines propriétés de la Nature. Cet enjeu-là ne doit jamais s’estomper et, selon mon point de vue, il est de premier ordre. 

Quand une information brute se fige dans la durée avec ce statut, elle finit par s’imposer comme une contrainte, une limite anthropologique. C’est ce qu’il en est de C vitesse de la lumière. Cette donnée s’est imposée expérimentalement fin du XIXe siècle (A. Michelson et E. Morley), elle nous est tombée du ciel et nous avons dû l’accepter au point de lui attribuer la valeur d’une constante universelle. En aucune façon nous sommes en mesure de rendre compte pourquoi elle a cette valeur ni encore moins ses propriétés remarquables (sur la très longue durée cela n’est pas obligatoirement irrémédiable). Ici, A. Zeilinger a un fameux exemple où il est impossible de différencier information et réalité, il y a une superposition parfaite entre ces deux considérations. C’est en acceptant ce fait comme une donnée physique incontournable qu’Einstein a produit, en aval, ses équations de la relativité restreinte.



[1] L’expérience a été réalisée quelques années avant qu’Uhlenbeck et Goudsmit formulèrent en 1925 la théorie du spin de l’électron.

[2]« Insistons sur le fait que le spin d’un quanton doit être dégagé des représentations cinématiques classiques, et ne saurait être conçu comme lié à un mouvement de rotation propre au sens usuel du terme. Si on voulait insister, dans ce cas l’électron devrait être doté d’un rayon de l’ordre de 10-13m, alors que l’électron n’a certainement pas de structure dynamique à une échelle supérieure à 10-18m. » De J.M. Lévy-Leblond, in ‘Dictionnaire de la Physique’,  Albin Michel.  

[3] Congrès de Côme en septembre 1927. Voir livre de F. Lurçat ‘De la science à l’ignorance’, édit. du Rocher, 2003.

[4] Plus complètement cité dans l’article du 21/12/2011 : ‘L’être humain est-il nu de toute contribution lorsqu’il décrypte et met en évidence une loi de la Nature ?’

[5] Toute une ingénierie sophistiquée s’est développée autour de cette propriété avec la cryptographie qui est effectivement appliquée dans les communications à distances et protégées.

[6] Son livre ‘L’impensable hasard’, 2012, a déjà été commenté dans l’article du 20/09/2012 : ‘L’homme pressé’.

Partager cet article
Repost0
1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 14:54

Un Monde en ‘Présence’ II

Dans le présent article, je propose de consolider la validité du titre de celui que j’ai posté le 2/11/2012 : ‘Synthèse, un Monde en ‘Présence’’. A cette occasion, j’ai évoqué le caractère inexpugnable de la présence du ‘sujet pensant’ qui, en conséquence, marquerait les lois et/ou les propriétés rendant compte de notre compréhension de la Nature. C’est aux très petites échelles de la mécanique quantique que ces conséquences devraient être décelables. Avec l’hypothèse τs, je propose un indicateur de cette ‘Présence’ inexpugnable. J’attribue à ce ‘Temps propre du Sujet’ une valeur quantitative (présentement, je propose une estimation d’une valeur seuil) et aussi des valeurs qualitatives que j’ai tenté de répertorier[1].

Je conçois qu’un lecteur de ‘Un Monde en ‘Présence’’ comprenne toutes ces propositions comme s’inscrivant dans le corpus d’une métaphysique qui me serait propre, et donc ce ne sera pas de sitôt que le cap de la véracité scientifique sera atteint. Toutefois cela fait plus de cinq ans que je développe ce sujet et j’ai eu l’occasion de constater des convergences très significatives avec des travaux fondés sur des bases et des hypothèses très différentes. Les convergences sont là, encourageantes, elles ont déjà été citées. De même j’ai proposé des expériences qui pourraient valider (ou invalider) l’hypothèse de la ‘Présence’[2].

Dans le présent article, mon propos est de mettre en évidence des nouvelles convergences qui vont réduire – j’ose l’espérer – d’une façon significative, tout ‘reproche’ d’un a priori métaphysique. Il s’agit de convergences avec les travaux de Stanislas Dehaene[3]exposés dans son cours de l’année 2012[4]au Collège de France dans le domaine des sciences cognitives. (La page 5 de ce cours contient une remarquable synthèse rigoureusement ciselée des idées maîtresses de S. D.)

Premièrement, il considère que la confrontation oscillante de ‘l’être de la nature’ et ‘l’être dans la nature’ qui caractérise l’être humain, joue un rôle primordial dans le processus de l’évolution humaine. Citons : « L’architecture du cortex pourrait avoir évolué pour réaliser, à très grande vitesse et de façon massivement parallèle, des inférences Bayésiennes. L’algorithme utilisé pourrait expliquer la manière dont notre cerveau anticipe le monde extérieur. » « Le bébé semble doté, dès la naissance, de compétences pour le raisonnement plausible et l’apprentissage Bayésien, combinant de façon quasi optimale les a priori issus de notre évolution et les données reçues du monde extérieur. »

Donc selon S. D. :

1 – Au niveau le plus spécifique qui fait que nous sommes des êtres vivants dotés de la faculté de penser et de la faculté de langage nous sommes le fruit de l’évolution, c’est-à-dire le fruit de la confrontation entre les lois de la nature qui nous ont originairement déterminés et les lois qui nous deviennent propres et assurent la dynamique de notre survivance et de notre développement.  En ce sens nous sommes pleinement des êtres de la nature. 

2 – Dès la naissance nous sommes des êtres dans la nature et à ce titre nous recevons des données du monde extérieur. Nous cogitons ces données, et se met en place un processus d’anticipation qui sans cesse contribue à la consolidation et au développement de la position de surplomb de l’être dans la nature. A ce titre nous sommes pleinement des êtres dans la nature.

Deuxièmement, S.D. nous dit que, selon ses observations : « Nos décisions combinent un calcul Bayésien des probabilités avec une estimation de la valeur probable et des conséquences de notre choix. » « Le cortex réaliserait à très grande vitesse… des inférences[5] Bayésiennes.[6] » A très grande vitesse certes ! Mais pas instantanément. Tout processus d’estimation et de décision de la part du sujet pensant requière une durée. Le sujet pensant est toujours pris par un processus par lequel il infère, qu’il en soit conscient ou pas ; il ne peut pas se satisfaire de l’immobilité qu’engendrerait la certitude absolue, définitive, atteinte une bonne fois pour toutes. La mobilité de sa pensée est la condition de son existence. C’est à partir de ces considérations que j’ai été amené, depuis plusieurs années, à formuler l’hypothèse de τs.

C’est pour ces raisons que je l’ai qualifié d’existential et que je lui ai attribué une durée temporelle insécable.    

Il correspond aussi à un point aveugle de notre intelligence car pendant cette durée l’être humain n’est pas disponible.

Je me réjouis de cette rencontre avec les travaux de S. Dehaene car, depuis longtemps, j’ai la conviction que le cloisonnement des connaissances révélé par celui des différentes sciences est particulièrement stérilisant. (« Sommes-nous des scientifiques dès le berceau ? » est l’intitulé de son récent  cours du : 08/01/2013. La réponse est oui, d’une certaine façon. Donc immédiatement la question suivante est : « Est-ce que le scientifique adulte est un scientifique de la même façon ? Est-il capable d’échapper, de transcender, cette certaine façon après avoir suivi un cursus d’éducation en physique conséquent ? » Si la réponse est ‘Non’, cela veut dire que nos connaissances scientifiques sont déterminées par ce que nous sommes dès la naissance, et celles-ci ne peuvent pas être considérées comme universelles.)

Cela n’est pas simple d’établir des passerelles appropriées entre des domaines de connaissances qui se sont constitués avec des méthodes et des critères de validité distincts. Nos grands ancêtres y sont pour quelque chose. Rappelons-nous que pour Descartes les mathématiques ne livrent la vérité sur le monde qu’en tant qu’elles traduisent une certitude de l’entendement et pour Kant « On ne peut trouver de science à proprement parler que dans l’exacte mesure où il peut s’y trouver de la mathématique. »  

Dans l’article du 11 /9/2012 : « Faire alliance avec les linguistes pour avancer », j’ai indiqué qu’il y avait des rencontres très fertiles qui pouvaient se produire entre des concepts, des résultats, des analyses, des observations, provenant de domaines scientifiques distincts. Il y a aussi des préconisations qui ne devraient jamais rester silencieuses aussi longtemps. Je pense notamment à celle énoncée par Maurice Merleau-Ponty : « Au ‘je pense’ universel de la philosophie transcendantale doit succéder l’aspect situé et incarné du physicien[7] ».

Régulièrement on me reproche de prendre le risque de vouloir rapprocher des domaines de connaissances qui jouissent de degrés de liberté d’interprétation très différents et à ce titre il y aurait une incompatibilité fondamentale à vouloir les juxtaposer et de puiser dans l’un pour enrichir l’autre. Ce reproche est acceptable et il faut intellectuellement rester vigilant pour en minimiser les  inconvénients. En plus, il me semble que c’est en soumettant à la critique des autres ces rapprochements que l’on peut mieux border cet inconvénient potentiel. C’est exactement ce que je fais en éditant l’article aujourd’hui.   

 



[1] Article du 2/11/2012 : Synthèse : un Monde en ‘Présence’

[2] Idem.

[3] Titulaire de la ‘Chaire de Psychologie cognitive Expérimentale’

[4] Cours accessible sur le site du Collège de France. 

[5] Inférence : opération logique par laquelle on admet une proposition en vertu de sa liaison avec d’autres propositions déjà tenues pour vraies.

[6] Voir mon article posté le 2/11/2012 :’Thomas Bayes dans le cerveau.

[7] Relevé de notes de cours au Collège de France.

Partager cet article
Repost0
2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 14:33

                                               Thomas Bayes dans le cerveau ?

 

De Stanislas Dehaene[1] : « Nous avons un petit Thomas Bayes[2] dans le cerveau ! ». Toujours de S. Dehaene « Je parle de révolution, car il n’est pas courant de voir apparaître aussi soudainement un cadre théorique qui s’infiltre dans tous les plans d’une science. Nous étions nombreux à penser qu’il ne pouvait y avoir de théorie générale de la cognition, le cerveau étant le résultat du bricolage de l’évolution… mais cette idée est en train d’être battue en brèche par la statistique bayésienne tant ses application sont extraordinaires[3] ».

Dans la formule de Bayes : P(A/B) = P(B/A)∙P(A)/P(B) Le terme P(A) est la probabilité a priori de A. Elle est « antérieure » au sens qu’elle précède toute information sur B. P(A) est aussi appelée la probabilité marginale de A. Le terme P(A|B) est appelée la probabilité a posteriori de A sachant B (ou encore de A sous condition de B). Elle est « postérieure », au sens qu’elle dépend directement de B. Le terme P(B|A), pour un B connu, est appelé la fonction de vraisemblance de A. De même, le terme P(B) est appelé la probabilité marginale ou a priori de B. Ainsi confrontant deux évènements l’un à l’autre, la formule quantifie donc la probabilité pour l’un d’induire l’autre, remontant ainsi des conséquences vers les causes pour comprendre les phénomènes de la nature. Nous avons donc à faire avec une mathématisation de la chaîne de causalité, en tous les cas elle sert de référence.

Voici maintenant l’interprétation qui est attribuée à cette formule surtout depuis les années 80 quand on a compris qu’il était possible de mettre la formule en réseau c'est-à-dire comme l’a fait le mathématicien Judea Pearl (spécialiste en intelligence artificielle, prix Turing en 2011) en montrant qu’en alignant des centaines de formules de Bayes, il devait être possible de rendre compte des multiples causes d’un phénomène complexe. Grâce à l’informatique on a établi, dans de nombreux domaines, des réseaux bayésiens où chaque nœud est relié à un autre via la formule de Bayes. C’est ainsi que l’on construit des modèles de phénomènes complexes, même lorsque les observations sont insuffisantes ou noyées dans le bruit parasite.

L’exploitation de plus en plus importante de ces réseaux bayésiens amène à considérer qu’ils modélisent au plus près la façon dont les savoirs, chez l’être humain, s’actualisent ou plus précisément rendent compte des mouvements incessants de pensée entre les phénomènes observés et la dynamique du savoir emmagasiné.

Dans l’article de ‘Science et Vie’, il est annoncé pas moins qu’une : Révolution Conceptuelle, « Alors que la science a toujours prôné une vision objective du monde, cette formule bayésienne réintègre une dimension subjective : elle ne nous parle pas du monde, mais de ce que nous en savons» D’ailleurs c’est exactement ce qu’ont postulé les fondateurs de la mécanique quantique, en l’occurrence : Bohr et Heisenberg. Toujours dans ‘S. et V.’ « Cette petite formule nous oblige à penser que les théories et modèles scientifiques reflètent notre représentation (sic) de la réalité plutôt que le réalité elle-même. Cette dernière se chargeant de nous fournir des données qui garantissent que notre représentation n’est pas trop éloignée de la réalité. L’effet est vertigineux : en décryptant le monde elle parle de nous. »

Je rappelle ce que j’ai proposé d’emblée dans l’article du blog du 27/08/2012 ‘D’infinis précautions’ « … alors la science physique nous informerait plus sur nous même – sujet pensant doué de capacités singulières – que sur un soi- disant monde extérieur. Les lois physiques que nous mettons en avant nous informeraient donc plus sur nos aptitudes à cogiter et les conditions de cette cogitation. C'est-à-dire qu’à travers le développement de la connaissance en physique nous concevons en fait une extension de ce que nous sommes, en décryptant au fur et à mesure, parmi tous les possibles, au sein d’une éternité, ce qui nous correspondrait en tant que sujet pensant et pourvu des sens qui sont les nôtres. » Je propose ce parallèle parce que c’est par un chemin très différent que je suis amené à formuler cette hypothèse. Ce chemin consistant à revisiter avec un regard critique l’état de la physique théorique aujourd’hui, ses apories, et les transcender en mettant en avant l’idée que l’être humain n’est pas nu de toute contribution lorsqu’il décrypte et met en évidence une loi de la nature, pensée que j’ai interrogée dans l’article du 21/12/2011. Article que j’ai conclu sous la forme affirmative par : « La relation de l’être humain avec la Nature est une relation exceptionnelle, primordiale, elle n’a pas d’origine : elle a toujours été. Elle est la source du développement d’une connaissance réciproque, sans fin, de l’un et de l’autre. » A voir avec le principe d’optimalité évoqué par Sophie Denève, p.63, (ENS Paris)

L’article de Science et Avenir comprend un article composant qui s’intitule : ‘Elle est aussi la clé de la pensée. Si elle décrypte le monde, la formule de Bayes décrit aussi les mécanismes du cerveau. Au point d’ouvrir sur une théorie de la pensée ! » Lisez-le il est intéressant.

Page 65, vous trouverez un article à part : ‘La physique quantique remise sur les bons rails’. Dans celui-ci on peut lire : « …certains proposent une solution radicale : considérer que la mécanique quantique ne parle pas de la matière elle-même, mais seulement… de ce que l’on en sait. » ou encore : « Elle révèle que notre compréhension de la matière qui nous entoure se fonde, in fine, sur du virtuel et du subjectif. » Sans partager totalement ce qui est dit dans cet article qui me paraît trop succinct je retiens la reconnaissance de la part du subjectif dans la construction du savoir à propos des propriétés de la nature. Si vous vous souvenez, j’avais terminé l’article du 27/08/2012, ‘D’infinis précautions’ en ces termes : « J’ai dû, pour formuler cette hypothèse, vaincre mes propres réticences dont l’héritage est évidemment bien connu. Je ne doute pas que les lecteurs de cet article vont éprouver la même réluctance. Sans vouloir provoquer qui que ce soit, j’ai la profonde conviction qu’il faudra dans un temps proche passer par ce stade expérimental. » J’exprimai cette inhibition de ma propre pensée qui m’avait réellement paralysé pendant un certain temps, après avoir proposé une expérience qui met en jeu effectivement la subjectivité de l’observateur. Je ne pensai pas alors que cette inhibition pourrait, en si peu de mois, devenir superflue. 

 



[1] Professeur en psychologie expérimentale du Collège de France qui vient de consacrer un cours entier à ‘La révolution bayésienne en sciences cognitives.’ Cours 2011-2012 : « Le cerveau statisticien : la révolution Bayésienne en sciences cognitives » ; cours 2012-2013 : « Le bébé statisticien : les théories Bayésiennes de l’apprentissage. »

[2] Thomas Bayes : 1702-1761, est un mathématicien britannique et pasteur de l'Église presbytérienne, connu pour avoir formulé le théorème de Bayes

[3] Voir ‘Science et Vie’ de novembre 2012, l’article : ‘La formule qui décrypte le monde’.

Partager cet article
Repost0
2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 14:24

Synthèse :  un Monde en ‘Présence’

 

La réponse à la question de l’instantanéité, de la simultanéité, ne nous est pas accessible car le ‘sujet pensant’ est toujours là, sa présence implique qu’il y ait toujours un avant et un après qui ne peuvent se superposer. En conséquence la relativité de l’instant, du maintenant, ne peut être pris en considération par l’observateur. Cela n’a pas de sens d’intégrer et de traiter l’instant absolu au moyen des équations de la relativité restreinte dans leur forme usuelle actuelle. L’affirmation d’Einstein sur les coïncidences spatio-temporelles est hors de portée du ‘sujet pensant’, du physicien : « Ce qui du point de vue physique est réel… est constitué de coïncidences spatio-temporelles. Et rien d’autre[1]. »

La présence inexpugnable du sujet se caractérise par le temps propre du sujet τs qui est tout au plus de l’ordre de 10-23 à 10-25s et peut-être plus petit encore, mais il ne peut jamais, évidemment, se confondre avec ce que l’on appelle le temps de Planck sur le plan quantitatif et encore moins sur le plan qualitatif. Je retiens cet ordre de grandeur maximum pour τs car, par exemple, c’est à l’échelle de cet intervalle de temps que se situe la problématique de l’ambivalence du monde réel et du monde virtuel. Certains physiciens considèrent que les particules virtuelles sont pures constructions de l’esprit, assurant le lien entre l’avant et l’après d’une interaction, d’autres physiciens considèrent, étant donné leur légitimité théorique, qu’elles font partie d’une réalité et il n’y a là aucun artéfact conçu à l’égard de ces particules intermédiaires.

Qualitativement, le temps propre du sujet : τs, est :

               1- une durée définitivement insécable ;

               2- un existential ;

               3- la condition de la mobilité de la pensée humaine et partant, concomitamment, la condition de la faculté de langage ;

               4- le foyer, le siège, de la temporalisation du temps ;

               5- une durée irrémédiable et aveugle de l’intelligence humaine ;

6- au cours de cette durée – qui a la valeur d’une ‘faille’ – se joue la compatibilité de l’être de la nature et de l’être dans la nature qui caractérise l’être humain ;

Bref aucune opération de mesure physique ne peut être instantanée, elle implique obligatoirement une durée.

τs est une détermination irrémédiable (atavisme), fondamentale, première, de l’être humain qui en conséquence détermine l’émergence du savoir de l’être humain à propos des lois physiques supposées inscrites dans la Nature. Plus prosaïquement c’est ce que nous nommons dans le corpus de la mécanique quantique : la problématique du rapport Sujet/Objet. A l’intérieur de τs le temps n’existe pas car il n’a aucun support (τs est plus petit ou égal à la scansion primordiale), il en est de même évidemment pour la dimension spatiale. Mon hypothèse est qu’en revisitant un certain nombre de concepts voire de résultats intangibles de la physique fondamentale, il est possible de mettre en évidence des occurrences qui soient en accord avec l’hypothèse de τs, jusqu’à considérer qu’on y trouverait là sa légitimité. Un premier résultat significatif pourrait être considéré comme tel avec l’effet Zénon quantique autrement appelé encore : ‘effet chien de garde’.

Deux convergences identifiées sont particulièrement intéressantes :

   Premièrement avec A. Connes quand il affirme : « L’espace-temps est très légèrement non commutatif, en fait le point lui-même dans l’espace-temps n’est pas commutatif. Il a une toute petite structure interne qui est comme une petite clé. Le point a une dimension 0 au niveau de la métrique mais avec ma géométrie (non commutative) il a une structure interne et j’ai un espace de dimension 6 non commutatif. » Selon la conception que j’ai développée le point de dimension temporelle τs est structuré par la présence du sujet.

La deuxième convergence identifiée concerne l’effet Zénon quantique. Cette convergence est discutée plus loin avec l’expérience : 2, que je propose.

En considérant la première convergence, nous pouvons inférer que les extrémités des cônes de lumière ne sont pas constituées d’une pointe mais d’une sphère de diamètre Cτs. Les lignes d’univers des objets quantiques émergent de cette sphère d’indétermination, à la limite elles la tangentent. Les lignes d’univers des objets intriqués sont donc superposées. Dans ce schéma on peut expliquer l’indiscernabilité des objets intriqués qui interagissent durant cette période τs. Les lois représentatives de la relativité spéciale doivent être modifiées en conséquence notamment lorsqu’elles impliquent et traitent les domaines de l’infiniment petit.

Avec τs nous avons une indication que le sujet pensant (le physicien) n’est pas nu de sa propre contribution quand il met en évidence les lois de la nature. Contribution qui ne peut en aucun cas être gommée. Le monde tel qu’il est, ne nous est pas accessible. Les croyants réalistes devraient réviser leur position. La croyance que les lois de la physique sont des lois qui décrivent le monde réel tel qu’il est en dehors de notre présence est erronée. L’être humain est dans sa permanence un être de la nature et un être dans la nature, confer les travaux de Giulio Tononi : « Les facultés conscientes sont apparues au cours de l’évolution des espèces, sous la forme d’une propriété évolutionnaire, constamment en développement et grâce à laquelle les humains peuvent se percevoir comme entités spécifiques dans la nature. »    

Deux expériences pourraient aujourd’hui être réalisées en vue de confirmer ou infirmer l’hypothèse d’une contribution indélébile du sujet pensant dans le décryptage des lois de la nature :

1- Nous accumulons les expériences où les objets quantiques font apparaître un comportement ondulatoire quand ils circulent dans des interféromètres (cela vaut aussi pour des objets de tailles macroscopiques comme des molécules de fullerènes : C60). La condition absolue pour que soit observé des franges d’interférences c’est que l’observateur n’ait aucune information spatio-temporelle sur le trajet suivi par l’objet quantique. L’observateur sait qu’il y a quelque chose dans l’interféromètre mais tout est fait pour qu’il ne puisse pas le localiser, alors c’est l’aspect ondulatoire (étendue spatiale) qui s’impose. Je propose de considérer que cette part d’ignorance de l’observateur joue un rôle essentiel. Ce serait donc à cause d’un cheminement archaïque cérébral que l’ignorance spatio-temporelle se trouverait être comblée par une représentation ondulatoire. Je propose de mettre à profit les performances maintenant atteintes de l’imagerie cérébrale et des neurosciences cognitives pour ‘voir’ s’il y a une relation de cause à effet chez l’observateur. Archaïque parce que pour un observateur compétent (formé) la partie du cerveau qui travaillerait serait différente de celle qui est à l’œuvre lorsqu’il pense l’onde résultant d’un savoir acquis.

2- L’autre expérience concerne l’effet Zénon quantique. Tout récemment Henry Stapp a proposé une explication mettant en jeu les spécificités, selon lui, du fonctionnement cérébral pour rendre compte de l’effet Zénon quantique (in ‘Mindfull Univers, Quantum Mechanics and the participating Observer’, édit. Springer). Je suis en désaccord avec sa démarche car notre ignorance du cerveau et partant de son fonctionnement est très importante et nous ne pouvons pas à partir de ce que nous croyons savoir sur lui, rendre compte de l’effet Zénon quantique. Par contre, il est certainement possible de mieux comprendre ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous sommes un observateur actif de cet effet. Là encore, c’est avec les moyens de l’imagerie cérébrale que l’on pourrait évaluer si cet effet est la conséquence plus ou moins directe d’une contribution de l’observateur.

Dès que nous obtiendrons, aux échelles de la mécanique quantique, des indications probantes et convergentes que les propriétés de la nature que nous décryptons, le sont au regard et avec la marque de la présence inexpugnable du sujet pensant, alors, il sera plausible de considérer que cela vaut à toutes les échelles. Cela voudra dire que notre conception de l’univers est franchement déterminée par ce que nos capacités d’être humain sont à mêmes de décrypter mais pas plus.

Dans ce cas, je serais enclin à considérer que notre Univers serait comme enchâssé au sein d’une Eternité[2] où aucun de tous les autres univers possibles ne pourrait être exclu. (Il est délicat d’appeler ces autres possibles : Univers, au même titre que le nôtre car cela supposerait qu’ils seraient habités par des intelligences capables de produire une telle synthèse et que nous les aurions entendues). Parmi tous les possibles nous privilégions celui qui nous est accessible, car nous l’avons rendu intelligible parce qu’il nous correspond. Il serait donc le fruit de notre entendement. Il est intéressant de constater que probablement certains de ces autres possibles apparaissent déjà à la pointe du crayon des théoriciens qui tentent d’extraire toute la quintessence des équations de la physique théorique telle qu’elle est développée actuellement. Citons par exemple A. Barrau[3] : « Nous ne cherchons pas à tout prix à inventer des mondes multiples et des multivers. Mais les théories que nous mettons au point pour résoudre des problèmes bien terrestres conduisent à ces résultats vertigineux. » ; ou encore : « Ils ont même inventé le mot de « paysage » pour décrire l’infini des mondes. Cela laisse de la place à des lois physiques radicalement différentes des nôtres, sans forces nucléaires, sans lumière, avec une gravité plus forte…Et à l’image de la vie dans un oasis, nous serions là où les bonnes conditions sont remplies. Toutes les autres étant ailleurs. »

 Notre univers spécifique découle directement de la loi de la relativité générale. L’Univers désigne tout ce qui nous entoure. Mais la vitesse de la lumière étant finie, notre capacité d’observation est limitée. La vitesse de la lumière doit être comprise comme une détermination anthropologique qui nous habite. Elle détermine un horizon concrètement indépassable autant sur le plan physique que sur le plan intellectuel. Nous connaissons la loi de transport des objets matériels qui nous sont familiers à partir d’une situation de repos, jusqu’à des vitesses extrêmement voisines de C. Jusqu’aux confins de C nous pouvons donc nous situer concrètement. Le monde de la lumière est aussi notre horizon intellectuel et le concept de photon représente ce qui constitue effectivement l’amont absolu de la chaîne de causalité. Cela étant dit, actuellement, nous ne pouvons pas penser directement des propriétés de la nature au-delà de cette vitesse. Si je dis ‘actuellement’, cela laisse entendre que cela est provisoire. A l’échelle du temps de l’évolution de l’anthrôpos ce ‘provisoire’ peut durer encore plusieurs générations à l’échelle de la durée de notre existence. Le développement de notre capacité de penser au-delà de la vitesse de la lumière se fera indirectement et s’imposera à partir de ce qui est déjà compris et maîtrisé dans notre univers (peut-être est-ce déjà la situation actuellement !!) mais pour que cela soit consolidé il faudra engager notre pensée au-delà.

En complément de ces hypothèses citons  Weinberg : « L’Univers pourrait être beaucoup plus grand que nous ne l’avons imaginé, et englober beaucoup plus que le Big Bang observé autour de nous. Il pourrait comprendre différentes parties – par parties, je désigne diverses choses possibles – dotées de propriétés très différentes et où ce que nous nommons les principes fondamentaux de la nature pourraient être différents, et où même les dimensions d’espace et de temps seraient différentes. Il devrait y avoir un grand principe sous-jacent qui décrit l’ensemble, mais il se pourrait que nous soyons bien plus loin de le découvrir que nous ne l’imaginons aujourd’hui. »

Citons aussi S. Hawking et L. Mlodinov : « Nous modélisons la réalité physique à partir de ce que nous voyons du monde, qui dépend de nous et de notre point de vue. Dès lors, un « réalisme dépendant du modèle » semble préférable au réalisme absolu habituel en physique. »… « Dans ces doctrines, le monde que nous connaissons est construit par l’esprit humain à partir de la matière brute des données sensorielles, et il est mis en forme par le cerveau. Ce point de vue semble difficile à accepter, mais pas à comprendre. S’agissant de notre perception du monde, il n’existe aucun moyen de supprimer l’observateur – c'est-à-dire nous. »

 



[1] Lettre à Ehrenfest du 26 décembre 1915.

[2] Je propose d’attribuer à ce mot le même sens global que celui auquel se référait A. Einstein quand il affirmait que l’être humain était au cœur d’un monde immuable et éternel donc invariant vis-à-vis des points de vue multiples des observateurs.

[3] Enseignant-chercheur au  laboratoire de physique subatomique et de cosmologique de Grenoble et à l’université Joseph Fourier. Invité à l’IAS de Princeton

Partager cet article
Repost0
5 octobre 2012 5 05 /10 /octobre /2012 14:29

Que faut-il en penser ?

Henry Stapp a publié un livre : ‘Mindfull Univers, Quantum Mechanics and the participating Observer’, (Edit. Springer) ; (L’Univers de la Conscience, Mécanique Quantique et l’Observateur actif.) Ce livre a été précédé en 2009 par : ‘Mind, Matter and Quantum Mechanics. ; (Esprit, Matière et Mécanique Quantique).

Ce livre est en partie commenté dans le Blog : Philoscience, article du 18 juillet 2012. Je cite : « Le point de départ de Henry Stapp consiste à montrer que les inventeurs de la mécanique quantique (MQ), notamment ceux regroupés au sein de l'école de Copenhague, ont par cette nouvelle science obligé à l'abandon des postulats de la science classique, c'est-à-dire l'existence d'un réel indépendant des observateurs et la nécessité pour comprendre ce réel de le détacher de toute subjectivité, c'est-à-dire toute référence à l'observateur et à son esprit (mind). » ; « Heureusement la MQ a remis, selon l'expression de Stapp, la science sur ses pieds, en se donnant comme objet d'étude les processus par lesquels les humains acquièrent des connaissance et les modalités selon lesquelles ces connaissances construisent les représentations que nous nous donnons de nous-mêmes et, de l'univers. Loin d'être incompréhensible, la MQ est beaucoup plus compréhensible que les physiques traditionnelles, dans la mesure où elle fait appel à une intuition forte que nous éprouvons et utilisons tous les jours, celle selon laquelle l'attention consciente que nous portons aux choses et aux évènements de notre monde nous est indispensable pour mieux les comprendre. La MQ nous a obligé, à partir de l'affirmation du principe d'indétermination de Heisenberg, à prendre en compte la façon dont nos choix conscients orientent nos conduites, faisant appel à un grand nombre de comportements différents possibles que la science déterministe classique se refuse à évoquer. »

Pour apprécier les travaux de H. Stapp, nous allons nous concentrer sur un sujet que nous connaissons bien qui est ‘L’effet Zénon Quantique’. Ce sujet a été traité à plusieurs occasions, notamment dans le cours I (2007-2008), où j’ai présenté les travaux de Sudarshan, Misra et Chiu (datant de 1980) qui révèlent expérimentalement et théoriquement cet effet appelé aussi d’une façon explicite ‘Effet chien de garde’. Rappelons succinctement que cet effet est obtenu quand un état quantique métastable est mesuré d’une façon répétitive et réinitialisé suffisamment souvent, eh bien ! la durée de vie de cet état quantique est effectivement  modifiée, elle s’accroît.  Par exemple si une particule se désintègre très rapidement, eh bien ! si on l’observe plusieurs fois durant des intervalles de temps inférieurs à sa durée de vie moyenne, elle ne se désintègre pas, (plus), en tous les cas moins rapidement. L’effet tunnel a été soumis à l’expérimentation de l’observation tangible de l’effet Zénon. Ce sujet a été à nouveau traité durant le cours IV (2009-2010 : consulter 53PH3PP9) a été l’objet de riches exposés réalisés par Marcel Sabaton et Michel Carrese. De plus le cours de Serge Haroche au Collège de France développe largement ce sujet sur le plan théorique et formel.

J’ai souvent exprimé mon étonnement à propos de la rapide banalisation de cet effet Zénon. Ceci étant dû au fait qu’il est facilement déductible des équations fondamentales de la mécanique quantique et donc l’étonnement et le questionnement à propos de cet effet s’est rapidement estompé. Pourtant on se trouve confronté a un effet qui met en évidence la dépendance de valeurs physiques suivant les conditions de leur observation, et qui plus est : des variations de l’action concrète de l’observateur induisent immédiatement des variations significatives de leur(s) valeur(s). Nous sommes là confrontés à une phénoménologie très originale. On peut se réjouir et être satisfait que la Mécanique Quantique rende compte mathématiquement de ces contextes spécifiques de mesure. Plus que celà encore, de mon point de vue, on doit être toujours intellectuellement interpellé à l’égard de ces résultats. Est-ce que la construction de la M.Q. par l’école de Copenhague (Bohr, Heisenberg, Born…) intègre effectivement l’interdépendance sujet/objet ? La réponse explicite a cette interrogation a toujours un sens très important aujourd’hui, parce que nous savons que l’école de Copenhague a construit cette théorie d’une façon très pragmatique, au coup par coup, quelques fois dans l’urgence de réponses qu’il fallait apporter aux arguments d’opposition, de doute, que A. Einstein ne cessait de présenter. Finalement cette construction téléologique (car finalement il fallait expliquer les phénomènes, les observations, qui se présentaient au fur et à mesure de leurs identifications), pierre par pierre, a involontairement (il n’est pas possible de considérer que les promoteurs de l’école de Copenhague aient eu une idée préalable élaborée du corpus de la M.Q., c’était une révolution intellectuelle de trop grande ampleur pour qu’il en fut ainsi), conduit à la conception d’un édifice d’une très grande cohérence et qui nous dit surtout que le concepteur ne peut pas être gommé de cette construction. C'est-à-dire que le sujet pensant ne peut pas penser autrement, même quand il s’est agi, durant quatre siècles, de la conception du corpus de la physique classique.

Revenons à la thèse de H. Stapp, restons concentrés sur l’effet Zénon et voyons comment il l’explique grâce au commentaire de J.P. Baquiast auteur de l’article du blog :

 

« -Les modèles pour l'action et l'effet Zénon quantique.
Il s'agit d'ensembles organisés de neurones qui réagissent aux interactions du corps avec le milieu et qui sont utilisés par le cerveau comme guides pour des actions subséquentes susceptibles d'intervenir en réaction des stimulus d'entrée. Ils ont un rôle important pour la survie, offrant au cerveau des gammes de recettes utilisables dans les circonstances critiques. Ils doivent rester actifs pendant quelques 10 à 100 millisecondes avant d'enclencher l'action correspondante. Il s'agit d'états vibratoires qui demeurent stables sous forme d'oscillateurs harmoniques, au lieu de se dissoudre dans la masse chaotique du cerveau. Les réponses qu'ils commandent relèvent de la levée de l'indétermination quantique, en offrant à la conscience le choix entre Oui et Non. C'est seulement en ce choix que se manifeste le libre-arbitre du sujet


Si cependant il se produit une rapide séquence soit de Oui répétés, soit de Non, l'effet Zénon quantique évoqué plus haut, conduit à la persistance des états correspondants, ce qui évite leur dissolution dans le bruit provoqué par des états plus passagers du cerveau. Selon Henry Stapp, ce résultat favorable pour le sujet conscient confronté à des forces mécaniques susceptibles de détruire les capacités de son cerveau à réagir aux menaces est le résultat d'une « volonté » d'attention manifestée par ce même sujet. Ainsi ce dernier peut-il, si l'on peut dire, « conserver ses esprits » dans des circonstances qui pourraient le conduire au contraire à les perdre.

Ces quelques exemples, auxquels nous nous limiterons, permettent de mieux préciser la nature de la conscience. Il ne s'agit pas d'une propriété évanescente, venue d'on ne sait où dans le cerveau, et qui pourrait provoquer toutes les sortes d'actions imaginables. Il ne s'agit pas non plus d'éléments neuronaux matériels, ayant leur place précise dans le cerveau. Il s'agit plutôt de faisceaux d'intentions, matérialisées par des assemblées de neurones, susceptibles de provoquer des actions. Leur mode d'intervention relèvent de la simple application de l'équation d'Heisenberg, en ce sens qu'ils lèvent les indéterminations ou incertitudes se produisant au sein des neurones et ensembles de neurones qui ne peuvent être décrits ou localisés de façon mécanique, mais qui sont seulement définis par des fonctions d'onde et réduits par l'observation. »

 

On constate donc que H. Stapp tente d’expliquer l’effet Zénon à partir de la connaissance que nous aurions actuellement du fonctionnement du cerveau humain. Il semble assuré que cette connaissance, aujourd’hui, est suffisamment bien établie pour considérer qu’il est possible d’expliquer l’effet Zénon à partir des aptitudes quantiques du cerveau. Sans difficulté on peut dire que cela est extrêmement prématuré de vouloir expliquer les choses en exploitant la chaîne de causalité dans ce sens : ‘c’est à cause des propriétés connues du fonctionnement du cerveau humain que nous pouvons expliquer l’effet Zénon Quantique’ Cela n’est pas possible actuellement…et il faut prévoir encore beaucoup de temps pour inférer ce type de corrélation avec une objectivité suffisante. Soyons pragmatique et observons quand cela est possible, s’il y a des corrélations qui peuvent être détectées en étudiant les choses dans l’autre sens. C’est exactement ce que j’ai préconisé à la fin de l’article posté le 27/08/2012 :’D’infinis précautions’.

Comme je l’ai déjà indiqué, je suis toujours étonné et marri par la rapide banalisation de l’effet Zénon alors qu’il nous met au pied du mur du questionnement : ‘Y a t’il une réalité intrinsèque ? Est-elle connaissable comme telle par le sujet pensant ? ‘

Avant de terminer cet article je voudrais rappeler qu’en 2010 un groupe international de chercheurs comprenant, l’ENS Paris/UPMC/CNRS, a obtenu un résultat qui l’a étonné et l’étonne encore car il prévoit de refaire l’expérience pour infirmer ou confirmer ce résultat[1]. Ces chercheurs ont obtenu une mesure du rayon du proton de 0.8418 femtomètre au lieu des 0.877 connu et attendu avec une très grande précision quand on fait traditionnellement la mesure avec un atome d’hydrogène. Ce résultat dérangeant a été obtenu à partir d’un atome ‘d’hydrogène muonique’ quand l’électron est remplacé par un muon. Dans ce cas les mesures doivent être réalisées en moins de 10-6seconde à cause de la durée de vie très courte du muon. Attendons les résultats de la 2em campagne de mesure et si le résultat étrange est confirmé alors il faudra se demander s’il n’y a pas un effet Zénon quantique qui est en cause. En attendant, je le verse au dossier de cet effet.



[1] On trouve un très bon résumé dans le site de Techno-Science article du 2/08/2010

Partager cet article
Repost0
28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 09:22

Prenons date

 

Première date : le 20/9/2012, un article de Lisa Grossman dans la NewScientist : ‘New maths triggers a call to iron out quantum world’, que l’on peut traduire par : ‘Des nouvelles mathématiques déclenchent la nécessité d’aplanir le monde quantique’.

Deuxième date, 2007-2008, cours I, chapitre 1, que je vous ai proposé. (sur Google : 53PH3PP6).

L’article de L. Grossman revient sur le problème de l’incompatibilité sévère entre la mécanique quantique et la relativité restreinte lorsqu’il s’agit de la reconnaissance des propriétés de l’intrication. En fait, ne tergiversons pas, dans le cadre des hypothèses et des postulats canoniques de ces deux théories, il s’agit d’une remise en cause soit de la R.R. soit de la M.Q.

De R. Penrose : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions considérer la M.Q. comme sacro-sainte. Je pense qu’il y aura quelque chose d’autre qui la remplacera. »

« Le phénomène de l’intrication quantique semble défier la vitesse de la lumière en permettant que la mesure sur une particule influence instantanément l’autre, même quand celles-ci sont très largement séparées. (C’est la fameuse action fantôme à distance, selon l’expression d’Einstein) »

Franz Wilczek (Prix Nobel) dit : « C’est très perturbant », « Cela a troublé Einstein. Cela devrait continuer à troubler tout le monde (sic). »

Ensuite, il y a une discussion sur le problème de la simultanéité avec le même exemple de feux d’artifice que j’ai utilisé dans le chapitre 1, cours 1, avec en plus la prise en considération du cas de 3 feux d’artifice. Mais toujours en postulant que la simultanéité constituait une donnée absolument mesurable et accessible, d’où l’apparition de résultats mathématiques en désaccord avec la physique. Ensuite, il transpose au cas de 3 photons intriqués en appliquant à la fois les contraintes de la R.R. et de la mécanique quantique à ces trois photons, il y a un paradoxe mathématique, une incompatibilité qui surgit entre le traitement par la R.R. et la M.Q.

 A juste raison comme l’affirme F. Wilczek : « C’est une tension : comment pouvez-vous avoir de tels effets importants sur l’objet mathématique sans aucune conséquence physique. » et il enchaîne en considérant que des expériences quantiques qui montreront les paradoxes physiques ne sont pas aussi éloignées : « C’est mon agenda secret : je ne suis pas sûr qu’ils ne soient pas de réels paradoxes qui surviennent dans des situations plus exotiques que celles déjà considérées aujourd’hui. »

Eric Kvaalen, physicien, qui est interpellé par Wilczek à cause de son article, lui réplique : « Comme l’article le montre, l’ordre des mesures n’est pas absolu. En conséquence vous ne pouvez pas dire : « celle qui est réalisée en premier instantanément affecte l’autre. » Dans le référentiel de quelqu’un d’autre, la deuxième mesure était première. En fait, c’est cette idée qu’il y aurait une influence instantanée qui engendre le paradoxe mentionné dans l’article. »

Mark Bridger, troisième intervenant, apporte le commentaire suivant : « Tu dis que dans un autre référentiel les deux particules pourraient ne pas apparaître instantanément intriquées. Mais ce point est crucial et est discutable, parce que aucun autre référentiel ne peut mesurer les mêmes deux particules intriquées. Autrement dit, tu ne peux pas esquiver l’implication de l’instantanéité… »

Toute cette discussion tourne autour du fait qu’il est considéré que la simultanéité, absolue, parfaite, peut être isolée, et ainsi décelée par le physicien, elle peut être traitée comme une réalité tout autant d’un point de vue mathématique que physique.

Dès le chapitre 1 du cours I, j’ai contesté cette pensée que toute simultanéité serait absolument mesurable et j’ai introduit le temps propre du sujet (TpS) marquant cet intervalle de temps, de l’ordre de 10-25s en deçà duquel notre intelligence est aveugle, au sein de cette durée le sujet pensant ne peut rien inférer. Alors il faut évidemment intégrer cette donnée : TpS, dans les lois mathématiques tout autant exploitées pour rendre compte de la mécanique quantique que de la relativité restreinte. J’ai aussi considéré que certains résultats de A. Connes constituaient une réelle convergence avec TpS, lisons ses propos : « L’espace-temps est très légèrement non commutatif, en fait le point lui-même dans l’espace-temps n’est pas commutatif. Il a une toute petite structure interne qui est comme une petite clé. Le point a une dimension 0 au niveau de la métrique mais avec ma géométrie (non commutative) il a une structure interne et j’ai un espace de dimension 6 non commutatif. » En dessous de 10-25s c’est pour le sujet pensant une dimension 0 au niveau de la métrique et l’idée d’une structure interne me convient parfaitement puisque cette structure correspond à la présence du sujet que je considère comme inexpugnable.

Revenons à ce que nous dit F. Wilczek : « C’est très perturbant » ; « Cela a troublé Einstein. Cela devrait continuer à troubler tout le monde (sic). » Si F. Wilczek est sincère cela est inquiétant parce qu’il annulerait toute évolution de la pensée physique depuis Einstein ; lui-même ainsi sacralisé considérerait que c’est une vraie aliénation. N’oublions pas que la pensée scientifique d’Einstein s’est constamment appuyée sur le préalable philosophique qu’il y aurait un monde réel et en conséquence le rôle du physicien, qui serait en dehors de ce monde réel, est de repérer le meilleur belvédère d’où il peut mettre en évidence les lois vraies qui régissent ce monde réel. Le résultat remarquable obtenu par ce savant, notamment avec sa loi de la Relativité Générale est d’avoir placé, à l’occasion, le sujet pensant à une bonne distance (propriétés d’invariance) pour que celui-ci puisse intellectuellement embrasser ce que l’on identifie comme notre univers. Mais à cette occasion le sujet pensant n’a pas, pour autant, été expulsé de la nature dont il fait partie intégrante et il ne peut donc s’en émanciper. De là, les déterminations qui sont inhérentes à son existence et qui se révèlent à l’échelle de plus en plus quantique. (Evidemment il faudra encore cette année que je développe cet aspect là. D’autant que nous avons la possibilité de mieux comprendre entre autre comment fonctionne physiquement notre cerveau. Mais c’est un sujet délicat à aborder frontalement, surtout avec les extrapolations aberrantes de personnes comme J. P. Changeux qui ont confondu circulation des flux cérébraux avec visibilité de l’esprit, de la pensée.)

Puisque le titre de l’article évoque l’idée que des mathématiques plus appropriées devraient être développées pour rendre compte au plus près des propriétés physiques, notamment quantiques, analysons les conséquences induites par ce que j’ai proposé ci-dessus :

1- Le cône de lumière correspondant à un phénomène d’intrication (soient particule A et particule B intriquées) ne prend pas appui sur un sommet ponctuel mais sur une petite sphère de diamètre CTpS et de là émergent et tangentent les lignes d’univers de A et de B sauf qu’elles ne sont pas discernables. Du point de vue de l’observateur, celle de A est aussi celle de B et vice versa. Les équations de la relativité restreinte qui sont fondamentalement déterministes doivent donc être modifiées en conséquence dans ce cas de figure et entre autre intégrer cette indétermination entre les 2 lignes d’univers. Voilà donc du grain à moudre pour A. Kostelecky.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de mc2est-cesuffisant
  • : Ce blog propose une réflexion sur les concepts fondamentaux de physique théorique. Le référentiel centrale est anthropocentrique. Il attribue une sacrée responsabilité au sujet pensant dans sa relation avec la nature et ses propriétés physiques. L'homme ne peut être nu de toute contribution lorsqu'il tente de décrypter les propriétés 'objectives' de la nature.
  • Contact

Recherche

Liens